David Seban-Jeantet pointe les principales causes de l’accroissement des inégalités de richesse. (Photo: Société Générale Private Wealth Management)

David Seban-Jeantet pointe les principales causes de l’accroissement des inégalités de richesse. (Photo: Société Générale Private Wealth Management)

La hausse des inégalités de richesse dans les pays de l’OCDE ne se dément pas, et cette tendance est bien établie depuis plus de 20 ans. Aux États-Unis, 10% des personnes les plus riches disposent aujourd’hui de plus de la moitié de la richesse totale, et 0,1% de la population concentre près du quart de la richesse nationale. L’économiste français Thomas Piketty, avec la parution de son ouvrage «Le Capital au XXIe siècle», a centré le débat des inégalités de richesse sur le sujet des écarts de revenus, postulant que la tendance de concentration des richesses est intimement liée au modèle capitaliste. Quelles sont donc les principales causes de la croissance des inégalités de richesse dans les pays développés?

L’analyse des séries longues montre un accroissement structurel des inégalités, mais il faut souligner que la période récente est marquée par une nette accélération depuis la crise financière de 2008. Le graphique ci-dessous met ainsi clairement en évidence l’appauvrissement des ménages les plus modestes et l’accroissement de la richesse des ménages les plus favorisés entre 2000 et 2011. En effet, si le patrimoine des plus fortunés a retrouvé son niveau d’avant-crise, la richesse moyenne affiche un net recul pour 90% de la population.

Richesse médiane des foyers américains par quintiles en dollars américains

Deux éléments distincts concourent à expliquer cet accroissement rapide. D’une part, le patrimoine des ménages les plus modestes est très peu diversifié, étant composé essentiellement d’immobilier d’habitation. Alors que la valeur des portefeuilles d’actifs financiers a largement progressé depuis 2008, les prix de l’immobilier d’habitation sont restés contenus.

Répartition des actifs de la population américaine en 2013

De plus, les sources de revenu des ménages les plus modestes sont directement liées au marché du travail. En Europe, le chômage est resté à des niveaux élevés depuis la crise financière, privant les ménages d’une source de revenu décisive. Quant aux États-Unis, la baisse apparente du taux de chômage n’est pas sans cacher un niveau effectif de sous-emploi important reflété par la baisse de la participation au marché du travail. Qui plus est, les bas salaires stagnent, phénomène qui prend sa source dans la concurrence des pays ayant une main-d’œuvre à bas coût et dans le ralentissement de la croissance de la productivité.

De manière non moins importante, la période récente a été marquée par l’avènement de la nouvelle économie, qui concentre d’importantes fortunes auprès d’un nombre limité d’individus. La capitalisation boursière des Gafa (Google, Amazon, Facebook et Apple) atteint aujourd’hui 2.500 milliards de dollars américains, soit près de 12% de l’indice S&P500, alors qu’elle en représentait moins de 3% il y a 10 ans.

Sur une plus longue période, d’autres effets expliquent la dynamique des inégalités, comme le fait que les pays développés traversent une période de transition démographique qui constitue un facteur de déséquilibre non négligeable. Alors que la population vieillit, la proportion de personnes actives diminue et le risque de pauvreté augmente.

Compte tenu de ces éléments, que pouvons-nous attendre pour les prochaines années? On l’a vu, le recul des inégalités ne peut se faire sans une amélioration du marché du travail et une reprise marquée de la croissance. Si l’environnement économique global apparaît plutôt favorable, l’endettement des États ne permet toutefois pas d’envisager de relance budgétaire en cas de choc exogène. En outre, les enjeux de la robotique et de l’intelligence artificielle font peser de nouveaux défis sur le marché du travail, et il semble donc crucial que des politiques publiques soient mises en œuvre afin d’assurer la nécessaire adaptation du marché du travail à cette nouvelle donne et d’améliorer l’accès à la formation. Sans réaction des pouvoirs publics, le risque est de voir de plus en plus de revendications sociales qui font le lit de la montée du protectionnisme et du populisme tant en Europe qu’outre-Atlantique et qui poussent à la remise en cause du système libéral.