La fondation actionnaire est «un modèle intéressant pour un petit pays dans lequel les entreprises doivent perdurer». (Photo: Anthony Dehez / archives)

La fondation actionnaire est «un modèle intéressant pour un petit pays dans lequel les entreprises doivent perdurer». (Photo: Anthony Dehez / archives)

Fondation entrepreneuriale en Suisse, fondations commerciales au Danemark, «industrial foundations» dans la culture anglo-saxonne. Le principe est connu et légion sous différentes latitudes, si bien que de grandes entreprises sont détenues par ce qui est convenu d’appeler chez nous la «fondation actionnaire».

Ikea, Lego, Rolex, Bosch, Carlsberg, ces groupes mondiaux sont tous détenus, de façon directe ou indirecte, par une fondation qui poursuit un bien social. À l’intersection de la gouvernance d’entreprise et de la philanthropie, la fondation actionnaire reste pourtant peu utilisée au Luxembourg. Voire méconnue.

«L’enjeu est de démontrer que ce véhicule peut à la fois être porteur et garant de l’activité économique d’une entreprise, tout en générant des revenus qui vont aller au bien commun», déclare Philippe Depoorter, membre du comité de direction & family practice leader à la Banque de Luxembourg. 

Par la volonté du fondateur de l’entreprise, la fondation créée à dessein disposera des parts de l’entreprise à son décès ou au terme défini et allouera les bénéfices à des œuvres sociales choisies. La répartition des rôles est aussi clairement établie entre un conseil d’administration et un management quotidien.

Losch et une autre?

La conférence organisée ce lundi soir à la Banque de Luxembourg en présence d’experts internationaux a pour enjeu de démystifier ce mode de gouvernance en s’inspirant de ce qui se fait à l’étranger.

«Il arrive que des fondateurs d’entreprises familiales n’aient pas d’héritier ou pas d’héritier souhaitant rependre, il est donc question de la survie de l’entreprise», pointe Philippe Depoorter. «Cette démarche renvoie aussi à la différence entre le droit légal et moral de la propriété de l’entreprise.» Ou comment rendre à la société une partie de la réussite de son entreprise justement rendue possible grâce – notamment – à un pays qui serait prospère.

Première entreprise à opérer de la sorte, le groupe Losch est, depuis le décès de son fondateur en 2016, détenu par André Losch Fondation. Non sans avoir essuyé quelques lenteurs quant aux autorisations à recevoir de la part des ministères de la Justice et des Finances.  

«Alors qu’une première fondation actionnaire existe, se pose la question de savoir si nous sommes prêts pour en accueillir d’autres», pointe Philippe Depoorter. «C’est un modèle intéressant pour un petit pays dans lequel les entreprises doivent perdurer.» 

Des freins à lever 

Depuis 2008, la banque a accompagné l’émergence d’une structuration de la philanthropie au Luxembourg. La même année, la Fondation de Luxembourg voyait le jour comme catalyseur de volontés philanthropiques d’entreprises ou de particuliers. Par ailleurs, le mouvement de la RSE a gagné en ampleur autour de différents standards et sous l’impulsion de plusieurs organismes.

La fondation actionnaire pourrait synthétiser le meilleur des deux mondes, selon ses supporters, à condition d’adapter la législation entourant la transmission d’entreprise à ce mode de gouvernance ou en évitant de devoir recourir à une double autorisation, comme c’est le cas actuellement au Luxembourg.

Annonces en vue?

Des freins psychologiques restent aussi à lever. «La philanthropie a été trop présentée comme un outil de la place financière, un cadeau fait aux banques à destination de leurs clients. C’est avant tout un outil à l’usage du grand public, au service du bien commun», ajoute Philippe Depoorter. 

Invité de la conférence, le ministre de la Justice, Félix Braz (Déi Gréng), livrera un discours attendu quant à un éventuel toilettage de la loi de 1928 concernant les fondations, afin de poursuivre leur intégration au Luxembourg. 

«Nous avons souhaité mettre le sujet à l’ordre du jour pour continuer à encourager le pays à s’ouvrir à des pratiques spécifiques qui fonctionnent ailleurs», ajoute Philippe Depoorter.