Alain Lamassoure, président de la commission taxe du Parlement européen, n'a pas eu accès à tous les documents souhaités au Luxembourg. (Photo: Christophe Olinger / archives)

Alain Lamassoure, président de la commission taxe du Parlement européen, n'a pas eu accès à tous les documents souhaités au Luxembourg. (Photo: Christophe Olinger / archives)

La commissaire européenne à la concurrence, la Danoise Margrethe Vestager, a mis trois mois pour répondre à une question écrite de l’eurodéputé allemand Fabio de Masi, de la gauche radicale, sur les intentions de Bruxelles à se procurer la version intégrale du rapport de Jeannot Krecké sur la fraude fiscale, rédigé en 1997 alors qu'il était député LSAP. Il n’entrera au gouvernement qu’en 2004, comme ministre de l’Économie et du Commerce extérieur.

Les informations de ce rapport, dont il manque trois pages consacrées aux rulings dans la version publique (la version intégrale ne fut livrée par Jeannot Krecké qu’en trois exemplaires dont un au Premier ministre de l’époque, Jean-Claude Juncker), ne sont pas «pertinentes» dans le cadre de l’enquête que la Commission européenne a engagée au niveau des 28 États membres sur les aides d’État accordées aux multinationales et leurs pratiques d’évitement fiscal.

La Commission ne devrait donc pas pousser davantage ses investigations pour tenter de récupérer une version non épurée du rapport. Le gouvernement de Xavier Bettel n’a pas pu mettre la main dessus, la copie remise à Jean-Claude Juncker n’ayant pas été retrouvée dans les archives du ministère d’État.

Dans sa réponse du 3 septembre, Vestager rappelle que l’enquête de Bruxelles sur une éventuelle violation des règles de l’UE faussant la concurrence porte sur des décisions fiscales particulières «afin d'évaluer les faits au cas par cas». «L'avantage ne peut pas être déterminé sur la base d'un rapport général, mais doit être établi concrètement sur la base de la situation d'une entreprise spécifique», écrit la commissaire. «Étant donné, poursuit-elle, que le rapport Krecké ne renvoie pas à une entreprise et des dates spécifiques à partir de 1997, il semble peu probable que les informations soient pertinentes pour les enquêtes individuelles d'aides d'État en cours.»

La Commission européenne ne s’intéresse pas non plus à une note de service remontant au 21 août 1989, qui a été le point de départ de l’activité du Bureau 6 Sociétés de l’Administration des contributions directes, spécialisé dans la production de rulings.  

25 documents non publics

La Commission considère que la note (qui concerne la relation entre l'administration fiscale et les contribuables individuels) est en dehors du champ d'application de ces directives (qui concernent la coopération administrative entre les autorités fiscales des États membres), a fait valoir début août Pierre Moscovici, le commissaire en charge des affaires fiscale dans une réponse à une autre question de Fabio de Masi, membre de la commission spéciale taxe du Parlement européen, enquêtant sur la planification fiscale agressive des multinationales.

Dans une lettre qu’il a adressée au président de cette commission taxe, Alain Lamassoure, Pierre Moscovici lui réitère le refus de la Commission européenne de livrer au Parlement 25 documents sur les pratiques fiscales des États membres que Bruxelles a obtenus dans le cadre de son enquête sur les rescrits fiscaux.

«Près de la moitié des États membres que mes services ont consultés ont fait savoir qu’ils ne pourraient consentir à ce que ces documents soient transmis à votre commission spéciale», souligne le courrier du commissaire. «De nombreux États membres ont également fait part de leur grande préoccupation quant au fait que le Parlement européen ne puisse garantir la confidentialité des documents déjà transmis», poursuit-il.

Les eurodéputés de la commission taxe souhaitent en outre un accès aux comptes rendus des réunions du Code de conduite sur les pratiques fiscales dommageables. Pierre Moscovici dit craindre, dans sa lettre du 31 août, un nouveau refus des États membres de transmettre aux eurodéputés ces documents reflétant des prises de position des États membres «sous le sceau de la confidentialité». Le commissaire ne ferme toutefois pas définitivement la porte: «Dans l’hypothèse, écrit-il, où vous considéreriez que la consultation de ces documents est essentielle à la poursuite de vos travaux, mes services sont à votre disposition pour définir avec vous un cadre et des modalités de consultation qui offriraient aux États membres des garanties suffisantes pour qu’ils consentent à vous donner accès aux informations nécessaires.»

Sur le plan national, les députés CSV Diane Adehm et Gilles Roth ont demandé (en allemand, qui est une langue moins usuelle à la Chambre des députés) au ministre des Finances Pierre Gramegna de les informer de la position que le gouvernement luxembourgeois a adoptée dans la communication des documents dans le cadre de l’enquête de Bruxelles sur les pratiques fiscales des multinationales. La réponse ne devrait pas faire de mystères.