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«Le thème de la politique est l'avenir du pays». Cette affirmation a été faite le 4 août 2004 par le Premier Ministre lors de sa déclaration portant sur le programme gouvernemental. Or, d'après la Chambre des Métiers, il n'y a pas d'avenir sans compétitivité. Par conséquent, l'un des principaux défis du Gouvernement consiste à maintenir, voire à améliorer la compétitivité du pays et de ses acteurs. En effet, c'est elle qui constitue la base des autres domaines politiques.

Seule une économie compétitive permet de générer les recettes publiques nécessaires au financement d'une politique sociale, permettant une plus grande cohésion sociale, et d'une politique environnementale visant une utilisation rationnelle des ressources naturelles, et donc de mener une politique de développement durable.

Ainsi, faut-il regretter que les récentes discussions menées au sein du Comité de coordination tripartite se sont progressivement déplacées de l'amélioration de la compétitivité de l'économie luxembourgeoise vers l'assainissement à court terme des finances publiques ; l'accord du 28 avril 2006, qui constitue l'aboutissement de ces discussions, arrêtant essentiellement les mesures correctrices destinées à rétablir l'équilibre budgétaire.

La Chambre des Métiers se limitera donc par la suite à une analyse du bilan du Gouvernement à mi-parcours sous l'angle de vue exclusif des entreprises et de la compétitivité.

"Le Gouvernement élaborera, de concert avec les milieux professionnels, un nouveau Plan d'Action en faveur des PME, ceci pour améliorer davantage l'environnement des PME". La Chambre des Métiers attend toujours son adoption

Le nouveau "Plan d'action en faveur des PME" devrait comprendre un ensemble de mesures destinées à renforcer la compétitivité des PME luxembourgeoises dans un environnement concurrentiel et globalisé. Or, une actualisation du plan d'action PME, bien qu'annoncée dans l'accord de coalition, n'a pas encore aboutie. Ainsi, la Chambre des Métiers insiste sur l'adoption rapide de ce plan actualisé par le Conseil de Gouvernement, afin d'entamer une discussion fondamentale sur la politique PME au Parlement, politique qui constitue le cadre opérationnel pour 14.000 PME occupant 140.000 salariés et réalisant 40% du PIB.

Le "Plan d'action en faveur des PME" prévoit, entre autres, des mesures visant à réduire les charges administratives et à promouvoir l'esprit d'entreprise.

"Le Gouvernement accordera une priorité à la simplification des formalités administratives qui freinent le rendement et l'esprit d'initiative des PME". L'artisanat est toujours en attente de résultats tangibles

La réduction des charges administratives constitue une priorité en ce sens que la gestion des formalités génère un coût qui peut être évalué à 101 millions d'euros par an rien que pour l'artisanat, de sorte qu'une hausse de ces charges peut être assimilée à une détérioration de la compétitivité, et que le volume des formalités dissuade fortement les créateurs potentiels d'une entreprise de s"établir à leur propre compte.

Si la création d'un "commissaire à la simplification administrative" trouve le soutien entier de la Chambre des Métiers, elle déplore par contre l'absence de résultats concrets, alors qu'elle attend toujours la publication annoncée du rapport comprenant un état des lieux des charges administratives, de même que les premières recommandations en vue de les réduire. Ce document constituera l'étalon à travers lequel elle jugera le travail du Gouvernement en matière de réduction des charges administratives.

Par ailleurs, il faut signaler que ni la centrale des bilans et ni le plan comptable harmonisé qui devraient apporter une simplification en permettant aux entreprises d'automatiser l'établissement des réponses aux questionnaires des enquêtes statistiques n'ont été mis en place jusqu'à présent.

La Chambre des Métiers ne peut que féliciter le Gouvernement des travaux réalisés en vue de la mise au point d'un "Portail Entreprise" (www.entreprises.lu) qui représente une source d'information et de contacts de référence pour tous les secteurs économiques. Toutefois elle regrette que les projets, notamment sous l'égide de la stratégie "eLuxembourg", visant à intégrer des procédures d'échanges de données en ligne, n'avancent que lentement et ne traiteront dans une première phase que des procédures administratives isolées.

La Chambre des Métiers est d'avis que le Gouvernement aurait pu développer plus rapidement des initiatives permettant de mettre graduellement en place une plateforme de communication et d'échange "business to administration' et surtout "administration to administration'. Cette plateforme devrait être organisée de telle sorte à ce que les entreprises ne soient plus obligées à réaliser leurs déclarations qu'une seule fois, par un seul "point d'entrée administratif".

Ce retard est d'autant plus regrettable que le Luxembourg risquera de ne pas pouvoir se conformer dans les délais à une obligation importante posée par la proposition de directive sur les services dans le marché intérieur en voie d'adoption, à savoir l'instauration d'un guichet unique électronique, censé faciliter aux entreprises souhaitant s"établir dans notre pays, l'accomplissement des différentes formalités administratives.

"La promotion du goût du risque et de l'esprit d'entreprise se fondera sur les travaux et les recommandations du Comité national pour la promotion de l'esprit d'entreprise". On ne peut escompter des résultats à court terme

La promotion de l'esprit d'entreprise constitue un vecteur déterminant pour l'avenir de l'économie, et plus particulièrement de l'artisanat, en ce sens que la création ou la reprise d'entreprises contribue à la régénération du tissu économique. Or, l'esprit d'entreprise se heurte à une mentalité généralisée d'aversion au risque, ainsi qu'au fait que des charges administratives toujours plus pesantes exercent un effet dissuasif sur le créateur potentiel d'une entreprise.

L'importance de l'esprit d'entreprise ne s"arrête cependant pas là. En effet, la création d'entreprises, en stimulant la concurrence, a des retombées bénéfiques sur les prix, ainsi que sur le développement de produits et services innovants.
Si la Chambre des Métiers est bien consciente du fait que l'esprit d'entreprise ne se décrète pas, elle insiste toutefois sur la nécessité de poursuivre, voire d'intensifier les actions qu'elle soutient avec engagement visant à promouvoir le goût d'entreprendre et à revaloriser le statut et l'image du chef d'entreprise, tout en sachant que ces mesures ne porteront leurs fruits qu'à plus long terme.

"Afin de permettre l'implantation de PME artisanales et commerciales au Grand-Duché, le Gouvernement encouragera les communes et les syndicats intercommunaux à aménager des zones d'activité économiques dans toutes les régions du pays". Un constat d'échec

Malgré les déclarations politiques vantant les bienfaits d'une mixité des fonctions, où logement et activités économiques devraient cohabiter, ces dernières sont de plus en plus souvent obligées à se délocaliser hors des centre-ville, soit pour des raisons de qualité de vie des riverains, soit que les entreprises se trouvent dans l'impossibilité physique d'étendre leur activité.

Cependant, la délocalisation vers une zone d'activités, respectivement la création d'entreprises dans une zone s"avère être un défi insurmontable pour la très grande majorité des PME artisanales.

En effet, le pays se trouve confronté à une pénurie de terrains accessibles à des prix abordables. Il est un fait que les PME artisanales ne disposent pas de la même capacité financière que les entreprises de taille, ce qui les désavantage en cas d'acquisition pure et simple d'un terrain.

La création de zones communales est systématiquement refusée par les autorités nationales compétentes ou soumises à des conditions difficilement acceptables pour les communes.

De surcroît, certaines entreprises ne sont pas éligibles au sein d'une zone d'activités régionale. Ainsi, pour des raisons de concurrence déloyale notamment (prix du terrain largement inférieur au prix du marché), seules des entreprises dont l'activité remplit certains critères posés par le Ministère de l'Economie peuvent intégrer ces zones.

Il faut constater que les chambres professionnelles patronales ne sont pas consultées sur des projets de loi ayant pour objectif la réalisation, l'extension ou le reclassement de zones d'activités économiques.

La promesse de l'accord de coalition, selon laquelle " pour mieux tenir compte des spécificités des PME lors de l'implantation dans une zone d'activité, une représentation adéquate des intérêts des PME au sein des instances compétentes sera pratiquée " est restée jusqu'à présent une déclaration d'intention.

Le plan sectoriel " zones d'activités économiques " fait toujours défaut. Par conséquent, la Chambre des Métiers constate que le dossier des zones d'activités économiques n'évolue guère en faveur des PME artisanales et que les problèmes soulevés ci-avant constituent un sérieux frein au développement de l'artisanat.

"L'accès à la recherche et développement de produits sera facilité aux PME par l'introduction d'un régime R&D dans le cadre du futur régime d'aides en faveur des classes moyennes. ... Le Gouvernement continuera ... à accompagner et encourager les efforts des PME ... par une politique d'information, de consultation et de stimulation.". Améliorons la gouvernance du système de R&D

A l'avenir la recherche et l'innovation revêtiront une importance accrue, alors que le modèle économique luxembourgeois devra progressivement passer d'une politique axée sur l'exploitation de niches de souveraineté, appelées à se rétrécir dans un contexte de globalisation et d'intégration européenne, vers une économie fondée sur les compétences et le savoir-faire.
Sur la toile de fond d'une hausse massive des moyens budgétaires consacrés à la recherche et à l'innovation, qui ne peut que trouver l'assentiment de la Chambre des Métiers, il sera d'autant plus important d'améliorer la gouvernance du système d'innovation du Luxembourg. La nécessité d'un meilleur suivi et d'une coordination renforcée est d'ailleurs un constat qui ressort d'une étude de l'OCDE publiée en mai 2006. Ainsi, il s"agit d'éviter une dilapidation de deniers publics en mettant en oeuvre des projets sans réelle valeur ajoutée, tant pour les entreprises que pour le pays.

En ce qui concerne plus spécifiquement la politique PME, la Chambre des Métiers salue l'introduction d'un régime R&D dans le cadre du régime d'aides en faveur des classes moyennes. Or, il s"agit d'adopter dans l'application de celui-ci une approche pragmatique pour valoriser l'innovation réalisée dans les PME, qui est le plus souvent non codifiée.

"Afin de favoriser le développement économique des PME et plus particulièrement des entreprises artisanales, le Gouvernement maintiendra un niveau élevé d'investissements publics, notamment par le biais de la construction d'infrastructures scolaires et sociales ainsi que par sa politique du logement" - Les investissements publics ont été maintenus à un niveau élevé

Les investissements publics ont un double impact sur l'économie:
- ils ont des retombées directes sur l'activité du secteur de la construction et des secteurs connexes, et par ricochet sur l'emploi et les recettes fiscales;
- ils contribuent à assurer la compétitivité de l'économie, alors que celle-ci présuppose la disponibilité d'infrastructures appropriées.

La Chambre des Métiers ne peut que féliciter le Gouvernement parce qu'il maintient, même dans le contexte d'une dégradation des finances publiques, le niveau d'investissements publics à un niveau élevé.

" L'école est un facteur essentiel dans la construction de notre projet de société. " - Il reste du pain sur la planche

Dans le dispositif à mettre en oeuvre en vue de garantir la compétitivité de l'économie nationale et de défendre le niveau de vie exceptionnel de la société luxembourgeoise, c'est au couple " Education-Formation " que revient sans aucun doute une place prépondérante. Cependant, le système d'éducation et de formation luxembourgeois accuse un certain nombre de lacunes et de défaillances. C"est du moins le constat auquel arrivent bon nombre d'institutions et d'experts étrangers qui l'affirment haut et fort dans leurs divers études et rapports (PISA, OECD, Conseil de l'Europe, Professeur Fontagné, etc.).
Le Gouvernement semble avoir saisi l'importance de l'enjeu.

La Chambre des Métiers juge pourtant tout à fait regrettable et préjudiciable le fait que la politique d'éducation et de formation soit soumise à un changement de cap à chaque fois qu'un nouveau Gouvernement voit le jour, donc tous les 5 ans. Elle s"oppose à la logique de la rupture permanente en matière d'éducation et de formation et plaide pour la mise en place d'un processus d'évolution et d'amélioration permanentes. La formation des jeunes et leur préparation à la vie active constituent des enjeux d'" intérêt national " qui méritent une action cohérente et concertée dans le cadre d'une politique d'" unité nationale ".

Bon nombre de mesures annoncées dans l'accord de coalition et engagées par le Ministère de l'Education nationale et de la Formation professionnelle au courant des dernières années montrent que le Gouvernement s"est engagé dans un véritable processus de remédiation. Cependant, la réalisation des différentes mesures risque de se heurter à des lacunes réelles en matière de moyens humains, matériels et financiers qui pourraient, si elles n'étaient pas comblées d'urgence, influencer, voire même dicter les orientations stratégiques et les choix politiques en matière d'éducation et de formation. A cela s"ajoute que ces mesures manquent encore trop souvent de s"inscrire dans le contexte d'une vision globale et cohérente dont la Ministre de l'Education nationale et de la Formation professionnelle devrait être, selon toute évidence, à la fois l'instigateur et le garant.

"Le Gouvernement réformera le formation professionnelle actuellement régie par l'arrêté grand-ducal du 8 octobre 1945. Pour ce faire il se fondera sur l'avant-projet de loi de réforme élaboré par le précédent Gouvernement et se concertera rapidement avec les partenaires sociaux." Il s"agit de ré(concilier) le monde de l'Entreprise avec le monde de l'Education et de la Formation

La Chambre des Métiers constate avec satisfaction que le Gouvernement a tenu son double engagement, c'est-à-dire mettre en route la réforme de la formation professionnelle et procéder à une concertation avec les partenaires sociaux.
La formation professionnelle réformée se mesurera par la réalisation de 3 objectifs :
- plus d'apprentis et de meilleurs apprentis ;
- un système transparent, simple et cohérent (dans ce contexte, la Chambre des Métiers propose de regrouper l'ensemble des textes relatifs à la formation professionnelle dans le cadre d'un " Code de la Formation professionnelle ") ;
- une équivalence (" Gleichwertigkeit ") entre formation générale et formation professionnelle.

La Chambre des Métiers va évaluer le projet de réforme proposé en fonction de l'atteinte de ces 3 objectifs. D"ores et déjà, elle tient à préciser les points qui à ses yeux sont les " must " de tout dispositif futur en matière de formation professionnelle :
- promotion du concept et de l'idée du Lifelong Learning (LLL) notamment par la nomination d'un(e) "Monsieur/Madame Lifelong Learning" ;
- réorientation de l'orientation professionnelle, notamment par la création d'une "Instance nationale d'Orientation et de Conseil en Formation' ;
- confirmation du Certificat d'aptitude technique et professionnelle (CATP) comme formation de référence (76% des postes d'apprentissage offerts par les entreprises visent un niveau CATP) ;
- séparation entre le monde de la formation professionnelle et le monde de l'insertion professionnelle ;
- création d'un " Centre de Compétences " par métier/domaine professionnel avec le double but de garantir une meilleure cohérence entre les différents niveaux et étapes de formation dans un métier/domaine professionnel et de rentabiliser au maximum les investissements et des dépenses par des effets de synergie, de regroupement ou de fusion et par une allocation plus intelligente des ressources humaines, matérielles et financières disponibles.