Le Premier ministre, Xavier Bettel, a tenu bon face à un président Macron enclin à obtenir une rétrocession fiscale pour financer les infrastructures éprouvées par les frontaliers côté français.  (Photo : ME)

Le Premier ministre, Xavier Bettel, a tenu bon face à un président Macron enclin à obtenir une rétrocession fiscale pour financer les infrastructures éprouvées par les frontaliers côté français.  (Photo : ME)

Du commerce à l’enseignement supérieur en passant par la mobilité et l’énergie, la visite d’État en France embrasse un large panel de domaines dans lesquels la France et le Luxembourg ont l’intention de resserrer leurs liens. La fiscalité ne fait pas exception, donnant lieu à un accord de non-double imposition et des mesures visant spécifiquement l’industrie des fonds.

La France espérait aller plus loin. Le ministre des Affaires européennes et étrangères, Jean-Yves Le Drian, avait ainsi appelé la semaine dernière à un «rééquilibrage des relations transfrontalières» entre les deux pays, «y compris avec un retour sur l’impôt sur le revenu que le Luxembourg prélève sur nos frontaliers» – sachant que cette recette fiscale devrait s’avérer encore plus juteuse pour le Luxembourg avec le récent élargissement de l’assiette fiscale des non-résidents mariés. 

Le précédent belge

Mais si le Premier ministre Xavier Bettel a assuré lundi soir sur l’antenne de RTL France être à Paris «pour améliorer le quotidien» des frontaliers via la signature de plusieurs accords destinés à «investir dans les infrastructures, que ce soit des parkings d’accueil ou le réseau ferré», il a aussi formellement exclu tout transfert fiscal qui servirait «à payer la décoration de Noël d’un maire». Une position constante du gouvernement luxembourgeois, déjà martelée devant les élus départementaux meurthe-et-mosellans par la ministre à la Grande Région, Corinne Cahen, en novembre dernier.

Pourtant le Luxembourg pratique déjà une forme de compensation fiscale au bénéfice des communes belges accueillant des travailleurs frontaliers. Une compensation née sous l’égide de l’Union économique belgo-luxembourgeoise, destinée alors à amortir les effets de la différence de taux de TVA, en particulier sur le carburant, l’alcool et le tabac entre les deux pays. Les deux pays ont finalement signé en 2001 un accord mettant en place un véritable fonds de compensation dit Fonds Reynders, du nom du ministre des Affaires étrangères belge signataire aux côtés de Jean-Claude Juncker, Premier ministre et ministre des Finances à l’époque. Un fonds réclamé de longue date par les communes hébergeant de nombreux frontaliers mais privées des recettes fiscales issues de l’impôt sur le revenu perçu au Luxembourg.

Le montant forfaitaire fixé à 24 millions d’euros en 2002 a été progressivement réduit pour atteindre 15 millions en 2005, année d’introduction d’une indexation annuelle de 5%. Le principe: le ministère des Finances belge calcule l’impôt sur les personnes physiques que le frontalier aurait dû payer en Belgique et reverse à chaque commune la part qui lui revient en fonction du nombre de frontaliers qui résident sur son territoire. Le nombre de frontaliers croissant sans cesse, le Luxembourg a ainsi été amené à verser 30 millions d’euros au fisc belge en 2015. La prochaine révision de ce montant doit intervenir cette année, mais les négociations n’ont pas encore débuté, indique le ministère des Finances belge.

Le modèle suisse depuis 40 ans

Rétif à transposer ce mécanisme dans ses relations avec la France, le Luxembourg aurait aussi pu s’inspirer du modèle adopté depuis plusieurs décennies par la Suisse, un autre riche pays grand usager de main-d’œuvre frontalière - 320.000 au total, dont 176.000 Français, le reste se partageant entre Italiens et Allemands.

Deux systèmes coexistent. Le premier est propre à Genève. «Depuis 1973, les salariés travaillant à Genève y sont imposés, et Genève rétrocède ensuite une partie de la masse salariale en faveur des départements français de l’Ain et de la Haute-Savoie», explique le Groupement transfrontalier européen (GTE), une association qui regroupe 32.000 frontaliers travaillant en Suisse. «Les départements répartissent ensuite les sommes reçues entre les communes au prorata des habitants travaillant à Genève. 40% des fonds reviennent aux départements pour financer les infrastructures dont ils ont la charge, comme les routes et les collèges, 60% financent l’accueil des frontaliers dans les communes (écoles, garderies, etc.).»

Contrairement au système belge, le fisc français est donc hors circuit. Un héritage du passé puisque les communes frontalières recevaient au final peu de ressources via l’ancien système de péréquation fiscale.

Une deuxième convention a été conclue pour les frontaliers travaillant dans les cantons de Vaud, Valais, Berne, Neuchâtel, Jura, Soleure, Bâle-ville et Bâle-campagne. Ces salariés sont imposés en France, laquelle rétrocède une partie de la masse salariale aux cantons suisses signataires.

L’un comme l’autre système semblent satisfaire les deux côtés de la frontière. «Chaque partie a trouvé un certain équilibre», estime le GTE.

Des exemples inspirants, mais dans lesquels le Luxembourg semble décidé à ne pas s’engager.