Le constat est toujours le même: Luxembourg garde un fort pouvoir d’attractivité au niveau du travail en Grande Région, mais le pays souffre d’un déficit criant de logements. Les jeunes en pâtissent particulièrement (42% des 18-34 ans vivent encore chez leurs parents), mais pas uniquement: l’offre en logement social n’est pas suffisante, les logements flexibles font défaut, et les familles doivent de plus en plus quitter les centres-villes. Autant de paramètres qui confortent le fait que le modèle de la maison unifamiliale libre de quatre façades, tel qu’il est encore prôné actuellement, n’est plus viable. Aussi, la Fondation Idea a souhaité convoquer deux personnalités engagées sur le terrain du logement pour réfléchir à des pistes d’analyse et d’avancées possibles sur ce sujet qui sera un des thèmes forts des campagnes électorales à venir.
Un problème pour tout le monde?
70% des résidents sont propriétaires, et parmi les Luxembourgeois, le pourcentage monte à 85. Le logement ne serait donc pas un problème pour tout le monde. Mais pour les autres, le chemin peut être difficile, surtout avec des prix qui ne cessent d’augmenter. Claude Ballini évoque un besoin de transformation culturelle pour sortir du schéma classique «logement = maison». «Il faut interroger également la qualité du logement et les lieux de construction puisque pour avoir une certaine qualité de vie, on a besoin d’un certain nombre d’infrastructures», souligne l’architecte-urbaniste. Marc Lies a rappelé que le Pacte logement de 2008 n’a finalement pas permis de construire tant de logements que cela. «Si on met en place un Pacte logement 2, il faudra pousser sur l’obligation de construction de logements, y compris du logement social et introduire d’autres formes de logements, comme les coopératives ou l’habitat participatif.»
Le terrain au cœur de la discussion
Une des raisons du problème du logement est la difficulté à viabiliser les terrains constructibles qui sont entre les mains des privés à 90%. Pour remédier à cela, Marc Lies a avancé l’hypothèse de la création d’une nouvelle structure qui pourrait aider les communes dans leur démarche d’acquisition de nouveaux terrains, de viabilisation de ces biens et de leur gestion par la suite. «Dans beaucoup de communes, il y a un manque d’expertise pour développer les plans d’aménagement particulier», explique Marc Lies. «Nous pourrions imaginer un troisième acteur qui entrerait dans une triangulaire avec l’État et les communes, et travaillerait à leurs côtés pour acquérir et viabiliser des terrains permettant ainsi la construction de nouveaux logements, y compris sociaux.»
Un besoin accru de flexibilité
Il est ressorti également des échanges qu’une plus grande diversité de typologie de logements doit être introduite. «Nous manquons de logements pour les personnes qui sont présentes à court terme au Luxembourg», explique Claude Ballini. «Nous pourrions envisager la construction d’hôtels longue durée, comme ce qui est prévu au Kirchberg par exemple». Et à Marc Lies de renchérir: «Les Big Four emploient beaucoup de stagiaires qui doivent se loger. Ils sont tous à la recherche de petites structures qui pourraient se concrétiser en ‘boarding house’ par exemple.» Dans cette perspective, certaines entreprises aident déjà leurs employés dans leur recherche de logement. «Il faut toutefois veiller à ne pas créer de nouveaux quartiers trop uniformes, où les employés d’une même entreprise vivent, travaillent et consomment», alerte Claude Ballini.
Quant aux tops et flops de ces dernières années, sont ressortis:
– Le flop de Marc Lies: l’augmentation de la TVA sur l’acquisition d’un second logement qui aura très certainement une conséquence sur le prix des loyers dans les années à venir;
– Le top de Claude Ballini: les communes qui ont osé se lancer sur le chemin de nouveaux habitats tels que l’habitat participatif ou la coopérative d’habitation.
Et s’ils devaient formuler un rêve, ce serait pour Claude Ballini de constituer un fonds dédié aux projets innovatifs afin de mettre en place un laboratoire qui analyse les différentes formes de logements et favorise leur mise en œuvre.
Pour Marc Lies, ce serait que le marché de l’immobilier œuvre avec beaucoup plus de transparence, la mise en place d’une structure qui aide les communes dans leur démarche de viabilisation des terrains et enfin une ouverture des investissements privés vers le marché du logement social.