En poste depuis le 1er décembre 2017, Diane Dupont se verrait bien poursuivre sa mission au Fonds du logement jusqu’en 2027. (Photo: Edouard Olszewski)

En poste depuis le 1er décembre 2017, Diane Dupont se verrait bien poursuivre sa mission au Fonds du logement jusqu’en 2027. (Photo: Edouard Olszewski)

Malgré des chiffres en progression, le Fonds ne produit pas assez de logements: 19 unités en 2016, 133 en 2017, alors que le besoin annuel est estimé entre 6.000 et 6.500… 

«On cite toujours les 19 en 2016, mais il faut aussi voir que presque 300 logements étaient en planification, dont certains sont aujourd’hui toujours en cours de réalisation et d’autres ont été achevés. Il y a de nouveaux projets qui sont venus s’ajouter, et cette année, nous augmentons encore une fois le rythme pour atteindre 180 unités. Il y a quand même une tendance nettement vers le haut, tout en sachant que ça ne suffit actuellement pas. 

Cela fait quand même un énorme décalage... 

«Je crois qu’il faut maintenant se donner les moyens, même si on ne va pas pouvoir construire tout de suite 2.000 à 3.000 logements. Les 6.000 – 6.500 logements concernent un marché global, ce n’est pas uniquement celui du Fonds du logement et de la SNHBM. Nous ne sommes qu’une partie du marché. Et surtout, nous ne travaillons que sur la partie subventionnée pour le logement abordable. Il faut donc un peu différencier. 

La vision que nous avons désormais tient dans le fait que nous avons des projets en planification: à court terme, il est question de 350 logements, et à moyen terme, plus de 1.200. À long terme, il y a une certaine dynamique, car il y a toujours des terrains, et donc des projets qui viennent s’ajouter. Nous avons encore un potentiel de plus de 1.000 logements, sans compter les deux projets d’envergure que sont les sites de Wiltz et de Dudelange. Dès que ces projets seront entamés, il y aura une production véritablement énorme de logements. Mais il ne faut pas oublier les procédures, qui sont un élément important dans la planification, et qu’il faut respecter les règles.

En juin 2016, l’un de vos prédécesseurs indiquait qu’il y avait 2.500 personnes en attente de logement social. Ce chiffre est-il toujours valable? 

«Nous en sommes actuellement à 2.700 demandes.

L’offre de terrains disponibles n’est pas extensible. Comment comptez-vous obtenir de nouvelles surfaces, et donc construire? 

«Nous disposons d’un outil très important, qui est le droit de préemption, prévu par la loi sur le Pacte logement. C’est un outil que nous utilisons systématiquement sur tous les terrains dont nous estimons qu’il est opportun de prendre recours. Car de par la loi, si nous utilisons ce droit, il faut nous assurer d’être en capacité de réaliser un projet répondant aux critères de la loi de 1979 concernant les aides au logement. Ceci est notre mission. Nous ne pouvons pas acquérir n’importe où, juste pour acquérir. Il faut toujours faire cette analyse. C’est la raison pour laquelle nous avons instauré une commission d’acquisition interne pour bien évaluer tous les terrains qui nous sont proposés par les notaires.

De quelle surface au total est-il ici question, actuellement? 

«À ce jour, le Fonds du logement dispose de 7,5 ha de terrains acquis par ce biais. Ceci comprend des terrains à Mamer, Bettembourg, Beaufort et Garnich.

La loi du Pacte logement propose beaucoup d’instruments, pas seulement pour le Fonds du logement, mais aussi pour les communes afin d’instaurer une politique active au niveau du logement. Il faut juste les appliquer.

Diane Dupont, présidente du Fonds du logement

Le Pacte logement de 2008 répond-il aux besoins de vos missions de bailleur social ou peut-il encore être amélioré? 

«Rien n’est parfait... La loi du Pacte logement propose beaucoup d’instruments, pas seulement pour le Fonds du logement, mais aussi pour les communes afin d’instaurer une politique active au niveau du logement. Il faut juste les appliquer. Et cela relève de la politique. Nous appliquons systématiquement notre droit de préemption, ce qui empêche désormais de revendre sur le marché privé, avec plus-values, des biens subventionnés comme cela a pu être le cas dans le passé. La location de ces biens est également interdite. Il faut savoir que ce droit de rachat (qui n’est pas la même chose que le droit de préemption légal prévu par la loi du Pacte logement) constitue un droit de préemption conventionnel qui est inscrit dans l’acte de vente.

Toutes les communes n’adoptent cependant pas la même attitude envers le Fonds... 

«Nous travaillons actuellement avec une cinquantaine d’entre elles, ce qui représente quand même la moitié des communes du pays, même si ces dernières se concentrent majoritairement dans le centre et le sud du pays. Toutefois, d’autres nous contactent pour voir comment elles peuvent travailler avec le Fonds, notamment dans le Nord. Mais environ 20% de bourgmestres se montrent réticents à voir s’implanter des logements du Fonds sur leur territoire, parfois en raison de clichés, alors que les personnes qui se trouvent sur notre liste ont besoin d’un logement, d’une aide pour se loger de manière salubre.

Les sites de Wiltz et Dudelange (à découvrir en pages 46 - 47) sont les deux gros chantiers gérés par le Fonds. Tous se veulent novateurs, que ce soit en termes de concept architectural ou de gestion des matériaux. Est-ce un changement de mentalité par rapport à ce qui a été fait précédemment? 

«Absolument. C’est un changement complet pour ces deux projets pilotes. Ce sont les premiers projets d’une telle envergure que nous réalisons, qui comprendront, à terme, plus ou moins 1.000 unités de logement par site, et qui sont pensés sur le principe de l’économie circulaire. 

Créer un urbanisme à échelle humaine, avec des places publiques, des commerces, une qualité de vie qui n’existe pas toujours dans les quartiers au Luxembourg.

Diane Dupont, présidente du Fonds du logement

Ce sont de mini-villages qui vont sortir de terre. Pouvez-vous détailler un peu les grandes lignes de ce qui verra le jour sur d’anciennes friches industrielles? 

«Que ce soit à Wiltz ou à Dudelange, les concepts ont été développés dans le cadre d’un concours. Pour les deux sites, la grande idée est identique, à savoir créer un urbanisme à échelle humaine, avec des places publiques, des commerces, une qualité de vie qui n’existe pas toujours dans les quartiers au Luxembourg. Sur les deux sites, il est aussi question d’essayer de créer des quartiers sans voitures...

À Dudelange, par exemple, il sera question d’utiliser la géothermie, et donc de créer un puits de plusieurs centaines de mètres. L’idée est donc de tirer parti des forces de chaque terrain disponible…

«Oui, et ce afin d’utiliser au maximum les énergies renouvelables déjà présentes. À ma connaissance, le puits en cours d’étude à Dudelange est le premier d’une telle profondeur au Luxembourg. Nous sommes actuellement en train de faire les essais. Idem pour l’installation de panneaux photovoltaïques sur la structure du laminoir pour essayer de faire fonctionner le site en autarcie. Le point fort résidera donc dans l’économie circulaire avec la volonté d’arriver à une grande mixité des fonctions pour ne pas créer de nouveaux quartiers-dortoirs géants et que les habitants puissent s’intégrer et s’identifier à leur quartier.

Ce besoin de faire des choses à l’échelle humaine n’est pas contradictoire par rapport aux besoins concrets actuels? 

«Je ne crois pas, car nous pouvons toujours créer une densité adaptée et quand même respecter ce qui fait qu’un être humain puisse vivre agréablement. Concrètement, cela veut dire que nous pouvons aller partiellement dans de grandes hauteurs. Mais il faut faire attention à ne pas le faire sur tout un quartier ou tout un projet. L’important est la mixité.

Il y aura donc des tours dans ces futurs ensembles qui doivent être achevés d’ici l’horizon 2030? 

«Non, dans aucun des deux sites. Il y aura des points plus denses, mais ce ne seront pas réellement des tours. Nous travaillons en collaboration avec les communes, et ces futurs quartiers doivent s’intégrer autour des centres-villes. Il faut donc toujours être en phase avec le développement communal. Ainsi, au cours des dernières années, nous avons par exemple augmenté la densité prévue initialement dans le projet du quartier Neischmelz à Dudelange.

Des réflexions sont actuellement en cours concernant le loyer abordable, qui se situe entre le marché social et le marché privé.

Diane Dupont, présidente du Fonds du Logement

Comment est imaginé, en 2018, l’habitat des 20 ou 30 prochaines années?

«C’est une bonne question. C’est vrai qu’il faut plus d’expertise pour construire dans la hauteur. Mais il faut que nous prenions en compte la demande de nos locataires, la composition des ménages afin de bien identifier les typologies nécessaires. Que ce soit pour des appartements ou des immeubles. Nous devons garantir la mixité sociale et ne surtout pas uniquement créer des logements sociaux. Notre mission est de réaliser des biens destinés à la location subventionnée ainsi qu’à la vente subventionnée. Des réflexions sont actuellement en cours concernant le loyer abordable, qui se situe entre le marché social et le marché privé.

Quelle serait la répartition idéale, selon vous? 

«Excepté les deux projets d’envergure de Wiltz et Dudelange, pour lesquels nous sommes en train de vérifier ces données avec un sociologue, nous ne construisons jamais – ou très rarement – au milieu de rien. Il y a toujours un contexte urbain existant, qui relève souvent du marché privé. Il faut alors que le Fonds du logement veille à la mixité sociale de sa propre clientèle. Et puisque nous avons une assez grande demande, nous prévoyons en principe dès à présent deux tiers de logements locatifs et un tiers des logements destinés à la vente subventionnée. 

Quels sont vos critères d’un logement abordable, dans un contexte de hausse constante du coût de la vie? 

«Si nous vendons une maison, il faut que l’acquéreur soit éligible pour une prime de construction qui dépend d’un barème basé sur les revenus maximaux par typologie de ménage. En plus, le Fonds doit créer des logements qui correspondent aux compositions de ménage éligibles. 

La moyenne du loyer au Fonds du logement se situe dans les 350 euros par mois.

Diane Dupont, présidente du Fonds du logement

Le seul critère retenu tient donc sur le revenu. Il n’est aucunement question du lien entre lieu d’habitation et lieu de travail, par exemple? 

«Il est question de la vente. Les personnes sont libres de poser ou non leur candidature. 

Au niveau locatif, le critère géographique n’existe pas non plus, mais s’il y a des relogements, nous prenons en compte l’intégration des familles et essayons de ne pas enlever les enfants de l’école, si cela est possible. Ceci dit, il faut aussi être conscient que nous sommes obligés de créer des logements pour des personnes qui ont des problèmes pour se loger. Que ce soit au centre du Luxembourg ou au nord du pays. 

Il faut également rappeler que nous proposons toujours des logements d’assez bonne qualité, avec un loyer qui est assez bas, puisque la moyenne du loyer au Fonds du logement se situe dans les 350 euros par mois. Ce loyer est calculé sur base d’un règlement grand-ducal qui prend en considération la taille du ménage, ses revenus et la surface du logement. Malgré cela, il faut savoir que certaines personnes refusent des logements.

Au-delà des projets de Dudelange et Wiltz, quels sont les autres projets en planification?

«Nous avons effectivement d’autres projets en parallèle, même s’il ne s’agit pas de la même envergure. Nous parlons ici de 200 ou 300 logements, comme le site Weltgebond – à Mamer ou la cité Manertchen à Echternach. Actuellement, le Fonds dispose d’une réserve foncière de plus ou moins 29 hectares, en plus des projets de Wiltz (25,5 hectares) et Dudelange (38,5 hectares).»