Antoine Deltour, ici entouré de ses avocats William Bourdon et Philippe Penning, a pris le temps de la réflexion avant de se pourvoir en cassation, dernière étape judiciaire au Luxembourg avant une éventuelle saisine de la Cour européenne des droits de l’Homme. (Photo: Maison moderne / archives)

Antoine Deltour, ici entouré de ses avocats William Bourdon et Philippe Penning, a pris le temps de la réflexion avant de se pourvoir en cassation, dernière étape judiciaire au Luxembourg avant une éventuelle saisine de la Cour européenne des droits de l’Homme. (Photo: Maison moderne / archives)

Dernière étape du marathon judiciaire des deux anciens salariés de PwC – en tout cas au Luxembourg: le procès en cassation déclenché par leur pourvoi quelques semaines après la décision de la Cour d’appel le 15 mars. Antoine Deltour a confirmé à Paperjam.lu que l’audience aurait lieu le 23 novembre prochain. Les avocats des deux Lorrains ne sont pas tenus de plaider puisque la procédure est écrite, mais ils pourraient décider de le faire au vu de la singularité de l’affaire.

La Cour d’appel avait allégé les peines prononcées en première instance le 29 juin 2016, ramenant celle d’Antoine Deltour de 12 à 6 mois avec sursis tout en maintenant l’amende de 1.500 euros, tandis que Raphaël Halet n’écopait plus que d’une amende de 1.000 euros alors qu’il avait également été condamné à une peine d’emprisonnement de neuf mois avec sursis par le tribunal d’arrondissement. Le journaliste Édouard Perrin avait vu son acquittement confirmé.

Sept ans après les faits

Les deux anciens salariés de PwC ont été condamnés pour avoir soustrait des documents relatifs aux rulings élaborés par leur employeur et accordés par l’Administration des contributions directes à des multinationales. En 2010, l’auditeur Antoine Deltour avait copié des centaines de documents et des dizaines de milliers de pages détaillant les rulings de clients aussi prestigieux qu’Amazon, Ikea ou encore Apple. Des documents utilisés par le journaliste Édouard Perrin dans son enquête sur les pratiques fiscales des multinationales diffusée en mai 2012 dans l’émission Cash Investigation, et publiés par l’ICIJ, à l’origine des révélations LuxLeaks.

Raphaël Halet, agent administratif pour le département Fiscalité de PwC à l’époque des faits, avait contacté Édouard Perrin à la suite de l’émission télévisée et lui avait transmis une quinzaine de documents dont des déclarations fiscales et des procès-verbaux d’assemblées générales de multinationales ayant leur siège européen à Luxembourg.

Les deux avaient été confondus par une enquête interne du cabinet d’audit, partie civile au procès, qui a obtenu en première instance comme en appel 1 euro symbolique au titre du préjudice moral.

Il est assez surprenant que je sois protégé comme lanceur d’alerte sans qu’il me soit permis un temps de maturation nécessaire à une alerte pertinente.

Antoine Deltour, lanceur d’alerte à l’origine du scandale LuxLeaks

Antoine Deltour avait expliqué sa motivation à se pourvoir en cassation auprès de Paperjam.lu le 5 avril dernier. «C’est une victoire d’avoir été reconnu comme lanceur d’alerte au sens de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme au moment où je transmets les documents. (…) Après, la Cour d’appel considère que je ne suis pas lanceur d’alerte au moment où je soustrais les documents. Ce qui pose une question de droit: la jurisprudence de la CEDH prévoit-elle l’instantanéité de l’intention de lancer l’alerte? Il est assez surprenant que je sois protégé comme lanceur d’alerte sans qu’il me soit permis un temps de maturation nécessaire à une alerte pertinente. J’ai été tout à fait transparent sur ma démarche, j’ai répété maintes fois que je n’étais pas un expert en fiscalité et que j’ai cherché à valider la portée des tax rulings.»

Une semaine après, Raphaël Halet exprimait à son tour sa décision de poursuivre le combat judiciaire, souhaitant agir «en cohérence» avec sa décision de dénoncer en 2012 ces «pratiques d’évasion fiscale illégales réalisées en concertation par un duo composé d’un État membre fondateur de l’Europe et d’un cabinet de conseil fiscal au service de sociétés multinationales».

Contacté par Paperjam.lu, PwC n'a pas souhaité livrer de déclaration quant au pourvoi en cassation de ses anciens salariés.

Une confirmation des condamnations par la Cour de cassation conduirait les deux lanceurs d’alerte à se tourner vers la Cour européenne des droits de l’Homme à Strasbourg, dont la jurisprudence est déjà bien établie en matière de lanceurs d’alerte, mais interprétée de manière différente par la défense et le ministère public luxembourgeois.