Luxair s'en sort mieux que British Airways. (Photo: Julien Becker / Archives)

Luxair s'en sort mieux que British Airways. (Photo: Julien Becker / Archives)

Le dossier «Luxair» remontait à mars 2005 et il a connu un épilogue peu avant Noël: le Conseil de la concurrence a rejeté comme non fondés les griefs que l’un de ses conseillers désignés avait pourtant formulés à l’encontre de la compagnie, soupçonnée à travers son système de rabais à certaines agences de voyages (traitées différemment d’une entreprise à l’autre) d’avoir abusé de sa position dominante. «La dominance de Luxair sur le marché des agences de voyages aériens n’ayant pas été établie, le Conseil ne saurait retenir un abus de position dominante de Luxair sur le marché des services des agences de voyages», conclut le rapport du Conseil remontant au 17 décembre.

L’enquête ouverte en 2005 par l’Inspection de la Concurrence et reprise en 2012 sous la responsabilité du Conseil a donc été refermée. Un recours contre la décision du 17 décembre peut toujours être introduit.

Le conseiller désigné, qui a ficelé l’enquête, sans qu’au final ses collègues ne valident son approche, avait fait un parallèle entre le comportement de Luxair vis-à-vis des agents de voyages et celui de British Airways, qui avait été condamné en 2000 par la Commission européenne à payer une amende de 6,8 millions d’euros pour abus de position dominante en Grande-Bretagne dans un cas à peu près similaire. «Il paraît vain de vouloir s’emparer de la décision de British Airways aux fins de faire constater un abus de position dominante sur base de cette même décision», souligne la décision publique du 17 décembre, qui a été amputée d’informations relevant du secret des affaires.

Traitement préférentiel

Dans le viseur de l’enquête figuraient les mécanismes d’attribution de primes aux agents de voyages et liées à la réalisation d’objectifs, l’obligation pesant sur eux d’assurer un traitement préférentiel à la compagnie luxembourgeoise (le système a d’ailleurs été revu en 2008) et les primes allouées sur la vente des billets et sur certaines destinations. Deux marchés étaient en cause: les services des agences de voyages et le marché du transport aérien des passagers.

Le conseiller désigné ne serait pas parvenu à faire la démonstration de la position dominante de Luxair sur le marché des agences de voyages au Luxembourg. La vente de billets représentait en 2012, selon les agences prises en considération dans l’enquête (BCD Travel, Voyages Sales Lentz, Carlson Wagonlit Travel, Voyage Emile Weber et Voyages Flammang) entre 20 et 45% de leur chiffre d’affaires. Mais entre les chiffres avancés par l’enquête et ceux affichés (restés confidentiels dans le rapport destiné au public) par Luxair pour sa défense, il y avait un fossé: «Ce pourcentage (confidentiel, ndlr) ne confère pas à lui seul une position dominante Luxair», ont donc jugé les trois conseillers, remettant ainsi en cause les premières conclusions du conseiller désigné, qui voyait, lui, une entrave à la concurrence dans le comportement de la compagnie vis-à-vis des intermédiaires.

Le conseiller désigné s’est fait également reprocher de ne pas avoir pu démontrer la «dominance» de la compagnie sur 11 segments de marché (les dessertes entre le Findel et 11 destinations: Barcelone, Berlin, Francfort, Genève, Hambourg, Madrid, Milan, Munich, Rome, Vienne et Djerba). Pas plus que le conseiller n’aurait été en mesure d’établir un «lien suffisamment étroit» entre ces 11 marchés et le marché des services des agences de voyages. La «connexité» entre les onze marchés de transport aérien et le marché des services d’agence de voyages aériens fournis aux compagnies aériennes était telle aux yeux de ce conseiller désigné, «que la position dominante sur les premiers marchés permettait un abus sur le deuxième marché, distinct, mais connexe au marché en cause». Ce raisonnement n’a toutefois pas été validé dans la décision finale.

Révolution d’internet pour la vente de billets

Par ailleurs, le rapport du 17 décembre a indiqué qu’internet avait de toute façon révolutionné la vente de billets d’avion et rendu de plus en plus marginal le rôle des agents de voyages: «Une partie croissante des services de transport aérien sont vendus par les compagnies aériennes sans transiter par les agences de voyages», de sorte qu’il est difficile de voir une symétrie entre les deux mondes et épingler de ce fait un abus de position dominante, ont tranché les conseillers.