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La Chambre des Métiers a dressé un bilan mitigé de l'année 2004 dans le secteur de l'artisanat. Principal souci: la pénurie de main-d'oeuvre qualifiée.

"L'artisanat a connu en 2004 une évolution globalement positive, bien que moins dynamique que par le passé", a annoncé Paul Reckinger, le président de la Chambre des Métiers, en ouverture de la conférence de presse dressant le bilan annuel.

300 emplois ont été créés l'an dernier, ce qui porte à 59.000 le nombre de personnes employées fin 2004 dans les 4.127 entreprises (-52 unités) du secteur. Si cette évolution demeure favorable, elle n'en témoigne pas moins d'une réelle perte de dynamisme par rapport aux années précédentes. On est loin des 2.400 emplois créés annuellement dans la période 2000-2003!

Selon la Chambre des Métiers, la faible création d'emplois a des causes aussi bien conjoncturelles que structurelles. Côté conjoncture, elle cite notamment une baisse de la demande dans certains domaines, comme le génie civil. Ainsi, le Fonds des routes a accusé en 2004 un recul des dépenses de -29%. La perte de confiance des consommateurs, liée à un environnement économique incertain, influe aussi négativement sur les habitudes de consommation.

Système éducatif "peu efficace"

Parmi les facteurs structurels, Paul Reckinger a pointé du doigt "l'intensification de la concurrence qui se traduit par une présence massive d'entreprises étrangères sur le marché national, mouvement renforcé par la dégradation économique dans certains de nos pays voisins". Sans ambages, la Chambre des Métiers fustige également un système éducatif luxembourgeois "peu efficace", faible pourvoyeur de jeunes luxembourgeois qualifiés dans les métiers artisanaux, lesquels continuent de souffrir d'un déficit d'image. Les entreprises sont obligées de puiser continuellement dans le vivier de la Grande Région, d'où provient près de la moitié des salariés du secteur, a souligné Paul Ensch, le directeur de la Chambre des Métiers.

L'artisanat verrait également sa compétitivité menacée par l'indexation des salaires, qui conduit à "une hausse automatique des coûts de production' à laquelle sont particulièrement sensibles les secteurs intensifs en main-d'oeuvre.

Pour "relancer cette compétitivité", la Chambre des Métiers a déterminé trois piliers sur lesquels les politiques nationales doivent impérativement s'appuyer.

Le premier concerne, de fait, une amélioration de la qualification. Si le niveau monte graduellement, le rythme est encore bien trop lent pour couvrir les besoins. Il est dès lors nécessaire, a martelé Paul Ensch, d'améliorer l'orientation des jeunes, de revaloriser l'artisanat en améliorant son image et d'éviter la concurrence déloyale des employeurs publics, qui captent une part importante de la main-d'oeuvre résidante qualifiée. L'attrait de la fonction publique pénaliserait ainsi fortement l'artisanat.

Miser sur l'innovation

Le deuxième pilier concerne la promotion de l'innovation, tant en matière d'offre de services que de produits. Christiane Bram, responsable de l'Euro Info Centre, a souligné la nécessité pour les entreprises luxembourgeoises de développer des solutions innovantes, afin de se démarquer de la concurrence. Pour y parvenir, les artisans doivent pouvoir compter sur une coopération accrue entre la Chambre des Métiers et Luxinnovation afin d'obtenir conseils et assistance et bénéficier du savoir-faire développé au sein du CRTI-B (Centre de ressources des technologies de l'information dans le bâtiment) pour acquérir de meilleures compétences en technologies de l'information.

D'autres outils de soutien aux entreprises innovantes peuvent également jouer un rôle non négligeable, comme la sensibilisation (à travers un prix à l'innovation dans l'artisanat) ou encore le régime d'aide à l'innovation de la loi-cadre des classes moyennes, pour le volet financier.

Enfin, le troisième pilier sur lequel la Chambre des Métiers entend pouvoir s'appuyer pour redynamiser l'artisanat concerne le développement systématique des écotechnologies, comme l'a expliqué son directeur adjoint Michel Brachmond. Il a ainsi plaidé pour une politique à long terme, qui opère un "changement de paradigme" en matière d'approvisionnement énergétique et qui promeuve les énergies renouvelables. "La politique de Stop-and-go actuelle est néfaste, il est nécessaire de mener une politique réfléchie et à long terme", a-t-il appelé de ses voeux.

Adossée à ces trois piliers, c'est donc une nouvelle stratégie qui doit être mise en place rapidement pour disposer au Luxembourg d'un "artisanat compétitif et de haut niveau", a souligné Paul Reckinger. "Pour y parvenir, il nous faut désormais travailler tous ensemble avec le législateur et les autres partenaires", a-t-il conclu.

En complément de cette présentation, retrouvez ICl l'interview de Norbert Geisen, président de la Fédération des Artisans, publiée dans l'édition de juillet-août de paperJam, à l'occasion des cérémonies du centenaire de la Fédération qui se dérouleront ce vendredi à Luxexpo, en présence du premier ministre Jean-Claude Juncker.