Un couple de victimes de la banque a fait entendre sa voix. (Photo: archive paperJam)

Un couple de victimes de la banque a fait entendre sa voix. (Photo: archive paperJam)

Il n’y a pas qu’en France, où trois ex-cadres de Landsbanki ont été récemment inculpés par le juge Renaud van Ruymbeke, ou en Islande que les victimes de la filiale luxembourgeoise de la banque islandaise comptent les points à leur avantage. Au Luxembourg aussi de bonnes nouvelles arrivent, contredisant la thèse selon laquelle la justice grand-ducale resterait totalement insensible aux victimes et irait même jusqu’à couvrir la fraude.

Un couple résident en France ayant souscrit un prêt controversé dit «Equity release» auprès de Landsbanki a réussi l’exploit de faire casser le 30 janvier dernier un arrêt de la Cour d’appel du 8 mai 2013, qui avait jugé irrecevable sa demande en nullité des contrats de prêts et investissements pour près de 1,3 million d’euros souscrits auprès de Landsbanki. Son affaire devra donc être réexaminée.

Double peine

Le couple avait saisi initialement le Tribunal siégeant en matière commerciale pour mettre en cause le rejet par la liquidatrice de la banque, Me Yvette Hamilius, de sa déclaration de créance. Les juges déboutèrent les plaignants et leur infligèrent même une sorte de «double peine», puisqu’ils sont condamnés, à la suite d’une demande reconventionnelle de Me Hamilius, à payer 1,3 million d’euros à Landsbanki.

En appel, la Cour débouta également le couple, et considèra comme irrecevable sa demande en nullité des contrats ainsi qu’en responsabilité de la banque qui lui avait vendu, comme à tant d’autres clients en France et en Espagne, les produits de type «Equity release». Les magistrats estimèrent qu’il s’agissait d’une demande nouvelle par rapport à ce qui était réclamé en première instance, ce qui ne peut pas se faire en justice. On ne peut pas sortir en effet un nouveau lapin de son chapeau entre une premère et une seconde instance, les objets doivent être identiques. Du coup, la Cour d’appel n’a même pas cherché pas à examiner les développements mis en avant par les victimes «quant aux fautes reprochées à la banque». Elle avait renvoyé les appelants à leurs pénates. Ils ont alors saisi la Cour de cassation.

Article 6 de la Convention

Or, selon la Cour de cassation, les époux ne pouvaient pas anticiper, au stade de la première instance, la demande reconventionnelle de Me Hamilius. Cette demande avait du coup, modifié l’objet du litige. Les prétentions du couple visant à voir annulés les contrats de prêts et engagée la responsabilité de la banque «visaient à contrecarrer la demande reconventionnelle» en paiement de la liquidatrice. «Ces prétentions, en tant que moyen de défense, ne peuvent pas être déclarés irrecevables, sous peine à priver les demandeurs en cassation de la possibilité de faire valoir leurs droits», ont dit les juges dans l’arrêt du 30 janvier. «Les moyens tendant à la nullité des contrats, à la nullité des investissements litigieux et en responsabilité de la banque» étaient donc «admissibles» en instance d’appel.

L’arrêt en cassation compare le refus de la juridiction d’appel à prendre en compte les moyens de droit évoqués par les deux victimes de la Landsbanki à une violation du principe du droit à un procès équitable prévu par l’article 6, paragraphe premier de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Le ministère public avait pourtant demandé à voir confirmé l’arrêt d’appel. Dans plus de 70% des cas, la Cour de cassation suit les conclusions du Parquet. Or, exceptionnellement, les juges de cassation ont pris cette fois la liberté de ne pas le suivre au nom du respect des droits de la défense à un procès équitable.

Dans la procédure en cassation, la liquidatrice Me Hamilius était défendue par elle-même.