Bertrand Schmeler, senior portfolio manager chez CBP Quilvest. (Photo: archives paperJam)

Bertrand Schmeler, senior portfolio manager chez CBP Quilvest. (Photo: archives paperJam)

À l’inverse des marchés européens en hausse de près de 20% depuis le début de l’année, les indices actions des pays émergents sont à la peine. Une conjonction de facteurs adverses en est la cause: ralentissement structurel de la croissance de ces pays, perspective de hausse des taux d’intérêts américains – souvent dans le passé synonyme d’un ralentissement de l’afflux de liquidités vers ces marchés – et baisse des matières premières, impactant notamment des pays tels que la Russie ou le Brésil.

Au sein des marchés émergents toutefois, le marché actions chinois fait figure d’exception: l’indice Shanghai Composite est en effet en hausse de près de 18% cette année, alors que les actions domestiques (indice «A Shares») affichent une hausse spectaculaire de 49% sur les trois premiers mois de 2015. À quels facteurs attribuer cette performance? Est-elle amenée à durer dans les mois qui viennent?

La hausse des marchés actions chinois, ininterrompue depuis la deuxième moitié de 2014, intervient après plus de cinq années de sous-performance par rapport aux principaux marchés actions mondiaux. Durant toute cette période, les autorités monétaires chinoises ont en effet lutté, par le biais de politiques très restrictives, contre les effets négatifs d’une bulle immobilière et de crédits douteux logés au sein des banques d’État, au détriment des performances boursières. Les effets de ces politiques restrictives commençant à porter leurs fruits – notamment via le dégonflement de la bulle immobilière –, la Banque Centrale Chinoise (PBOC) a commencé à inverser la tendance à la mi-2014, encourageant par là même les investisseurs à se réorienter vers les marchés actions.

Les derniers indicateurs d’activité semblent indiquer un ralentissement de la croissance à des niveaux inférieurs à l’objectif de 7% affiché par les autorités et des anticipations d’inflation sans cesse revues à la baisse. Dans ce contexte, les taux de réserves obligatoires des principales grandes banques, aujourd’hui deux fois plus élevés que lors de la dernière période de hausse des marchés actions en 2006-2007 (19,5% contre 7,5% à cette époque), pourraient baisser très fortement au cours des 18 prochains mois. Les taux d’intérêt offerts aux entreprises chinoises, relativement élevés en termes réels, par rapport aux «standards» dans le reste du monde, devraient eux aussi se détendre.

Alors que le «rally» des marchés actions dans les pays développés entame sa sixième année de hausse et que les perspectives de resserrement monétaire aux États-Unis risquent d’entraver les perspectives de rendement à venir, le marché des actions chinoises semble être encore au début de sa phase de hausse. Non seulement les valorisations atteintes aujourd’hui ne constituent pas un frein à la poursuite du mouvement haussier, mais encore le potentiel de détente monétaire devrait être en mesure de soutenir le marché; le potentiel à moyen terme réside bien évidemment dans la lente mise en place d’un marché de la consommation interne et dans le développement des activités bancaires qui l’accompagnent.

En d’autres termes, si les taux de croissance économique passés, largement gonflés par des dépenses d’investissement liées aux infrastructures et aux exportations de produits «made in China» à faible valeur ajoutée, sont probablement derrière nous, une nouvelle phase de croissance plus modérée, mais de meilleure «qualité», pourrait constituer un environnement plus sain pour l’investissement boursier et libérer un potentiel de hausse encore important dans les mois qui viennent.