Pour Daniel Tesch, ancien directeur de l'ACL, le problème des taxis tient dans le fait que «le client qui est sensible au prix a été éliminé» de l'utilisation de ce service, remplacé par des banques et de grandes institutions qui paient le prix fort. (Photo: David Laurent/archives)

Pour Daniel Tesch, ancien directeur de l'ACL, le problème des taxis tient dans le fait que «le client qui est sensible au prix a été éliminé» de l'utilisation de ce service, remplacé par des banques et de grandes institutions qui paient le prix fort. (Photo: David Laurent/archives)

M. Tesch, mercredi, après trois ans de tergiversations, la loi sur les taxis devrait être votée à la Chambre. Officiellement, le texte doit aboutir à une amélioration du service. Qu’en pensez-vous?

«Cette loi ne va en aucun cas aboutir à une baisse des prix des courses de taxis pour la simple et bonne raison que la loi maintient la limitation du nombre de licences autorisées. Autrement dit, le texte protège un secteur de la concurrence. Et au final, cela se fait au détriment du consommateur.

Quelle aurait été l’approche à adopter pour que le consommateur paie moins cher?

«La solution la plus radicale aurait été de faire éclater le marché. Mais la question à se poser est de savoir pourquoi cette profession, qui représente 300 chauffeurs dans le pays, bénéficie d’une protection via la limitation du nombre de licences accordées. Selon moi, plus il y aura de taxis, plus la demande va augmenter. Et si l’offre augmente, le service devient abordable et attire donc plus de clients. Pour moi, il faudrait accorder la liberté totale, c’est-à-dire donner des licences à tous ceux qui ont le permis de conduire en la supprimant à ceux qui ne se comportent pas bien, comme la perte de points. Actuellement, et à l’avenir, les taxis sont placés au même niveau que les notaires et les pharmaciens via l’existence d’un numerus clausus.

Aucun ne s’est fixé comme but de faire baisser le prix pour le consommateur.

Daniel Tesch, ancien directeur de l'ACL

Selon vous, cette loi favoriserait donc les grandes compagnies?

«Absolument. Elle empêche les taxis 'pirates' de fonctionner en définissant exactement ce qu’est un taxi et ce qui ne l’est pas, en les obligeant à avoir un taximètre, à rester cantonnés dans leur périmètre géographique… Mais l’un des principaux problèmes dans ce métier tient dans le fait qu’on ne reçoit pratiquement jamais de facture, si on ne la demande pas spécifiquement. Qui me dit donc que l’argent perçu est déclaré? Il y a donc potentiellement un marché frauduleux qui a été nettoyé, car tous ceux qui travaillaient de cette manière ont été écartés. Ne reste alors plus que les personnes qui respectent les règles, donc ceux qui ont réalisé de gros investissements ou certains petits indépendants. Ce sont eux qui vont tirer profit de cette législation.

Xavier Bettel, à son arrivée à la mairie de Luxembourg, puis Claude Wiseler et François Bausch en tant que ministres se sont attaqués à ce problème. Comment expliquez-vous que les défauts que vous dénoncez existent?

«Car aucun d’entre eux ne s’est fixé comme but de faire baisser le prix pour le consommateur. Ce service est le troisième le plus cher au monde. Pourquoi? D’autres pays aussi petits que le Luxembourg existent, mais le prix n’y est pas aussi élevé. Il n’existe aucune excuse à ce phénomène, aucune. Le pays pêche dans sa volonté de vouloir protéger les acteurs économiques du côté des investisseurs, mais oublie systématiquement le côté consommateur.

L’eau est doucement en train de bouillir.

Daniel Tesch, ancien directeur de l'ACL

Si le prix des courses est élevé, cette étude montre aussi que celui des transports publics est bon marché…

«Tous ces modes de transport sont complémentaires, on ne peut pas exclure l’un au profit de l’autre. Quand les transports en commun ne roulent plus, vers 23h45, les gens qui sortent en boîte seraient très contents de bénéficier d’un service de taxi abordable, plutôt que d’être obligés de rouler avec des taxis à 100 euros. Pour me rendre à Differdange depuis Luxembourg-ville, en journée, la facture s’élève à 140 euros pour un aller-retour. C’est le prix d’un billet d’avion pour Madrid. C’est complètement déraisonnable.

Quel serait, selon vous, le juste prix?

«Cela devrait être celui observé à Trèves ou à Metz, c’est-à-dire autour de 1,80 euro le kilomètre, contre 3,20 euros ou 3,50 euros en fonction du prix de l’arnaque... À l’ACL, nous avions décidé d’un forfait maximal de 25 euros pour un certain périmètre, pas plus. Le but d’un gouvernement est de rendre la vie de ses citoyens plus simple, qu’ils paient moins d’impôts ou qu’ils paient l’immobilier moins cher. Et pas le contraire. Ici, on fait exactement le contraire. L’eau est doucement en train de bouillir et personne ne semble faire quelque chose pour y remédier. Monsieur Bausch a tout à fait raison de promouvoir l’aspect environnemental, mais l’environnement est parfois un luxe… S’équiper de voitures écologiques coûte cher et je m’interroge sur le fait qu’on fera peut-être payer au consommateur le surplus écologique.

La tendance inflationniste va se poursuivre.

Daniel Tesch, ancien directeur de l'ACL

Et comment expliquez-vous ce maintien, depuis des années, de prix aussi élevés?

«Parce que la fédération des taxis est soutenue par la Chambre des métiers qui est un lobby très puissant. Je conçois que le gouvernement ne veuille pas de conflit à tous les niveaux vu qu’il y a pas mal de chantiers législatifs en cours et que celui-ci ne représente que quelques centaines de taxis, mais si on veut réellement une baisse des prix, il faut arrêter avec le numerus clausus.

Quel impact pensez-vous que votre sortie médiatique aura sur les débats, sachant que la loi devrait être votée mercredi?

«La loi sera votée. Mais je pense que cela va permettre aux gens de prendre conscience de ce problème et qu’ils s’intéressent au prix des taxis. Car la tendance inflationniste va se poursuivre. Le problème tient notamment dans le fait que, dû au prix existant, le grand public n’utilise plus ce service. Les grands consommateurs sont les banques et les institutions qui paient via leur service comptabilité sans regarder le détail. Le nœud du problème tient dans le fait que le client qui est sensible au prix a été éliminé.»