La Place réfléchit à ouvrir des discussions politiques pour accélérer la création d’un cadre réglementaire autour des ICO. (Photo: Cayambe)

La Place réfléchit à ouvrir des discussions politiques pour accélérer la création d’un cadre réglementaire autour des ICO. (Photo: Cayambe)

«À force d’avertir, on risque d’amputer le Luxembourg d’une grande opportunité pour son marché financier.» Henri Wagner, associé chez Allen & Overy, avoue être déçu par la position de la Commission de surveillance du secteur financier (CSSF) sur les ICO, ces levées de fonds utilisant la blockchain. «Cela n’aide pas beaucoup l’industrie. Beaucoup d’acteurs sont frustrés», dit-il.

Une position partagée par Michael Jackson, associé dans la société de capital-risque Mangrove Capital Partners. «C’est un simple avertissement pour les investisseurs, alors qu’on attendait des suggestions plus concrètes, comme les lignes de conduite qui ont été données par les régulateurs de Suisse ou de Gibraltar, pour ne parler que de l’Europe», confie-t-il.

La porte n’est pas fermée

La Luxembourg House of Financial Technology (Lhoft) explique simplement qu’elle ne peut être que d’accord avec le message transmis par le régulateur. «Les risques existent, et c’est pour cela que nous travaillons à expliquer ce qu’est une ICO, ce à quoi il faut faire attention et à quoi cela sert», détaille Manon Loison, la responsable marketing du hub fintech. Et de rappeler que la Lhoft est l’auteur, avec la fondation Stellar Development, d’un livre blanc sur le sujet, publié en septembre dernier.

«La CSSF reste très pragmatique et n’est en rien négative sur le sujet des ICO, selon moi», estime pour sa part Yves-Laurent Kayan, le cofondateur de la start-up fintech Coinplus. «Comme pour les sujets sur la cryptomonnaie et la blockchain, elle montre qu’elle reste ouverte à rencontrer ceux qui veulent faire une ICO.»

Passer au-dessus du régulateur

La prudence de la CSSF pousse pourtant certains acteurs de la Place à envisager d’autres méthodes pour préparer le cadre réglementaire luxembourgeois à faciliter la tenue d’ICO sécurisées. «Nous réfléchissons à la possibilité d’ouvrir une discussion politique sur le sujet pour avancer plus vite», confirme Henri Wagner. «Le Luxembourg veut devenir un hub fintech, mais il ignore les ICO. C’est une approche qui n’est pas très cohérente.»

«Beaucoup d’avocats disent avoir de plus en plus de clients souhaitant lancer des ICO, et je pense que chacun dans son coin réfléchit à des solutions pour faire bouger les choses. Peut-être, en effet, en passant par la politique», ajoute sous anonymat un acteur de la blockchain.

Nous sommes tous dans le même bateau.

Danièle Berna-Ost, secrétaire générale de la CSSF

De son côté, le régulateur se dit surpris par ces réactions. «On ne peut pas faire cavalier seul sur cette question en proposant une réglementation spécifique», rappelle la secrétaire générale de la CSSF, Danièle Berna-Ost. «Aucun autre pays n’a émis de lignes de conduite dans l’Union européenne. Tout le monde est dans l’attente d’une position commune.»

Il n’est pas question, toutefois, de fermer la porte à l’innovation. «Nous sommes ouverts à la discussion avec les acteurs qui s’intéressent à ces nouvelles méthodes, et nous voulons savoir ce qui se passe sur la Place, car nous sommes tous dans le même bateau», ajoute Danièle Berna-Ost.