Au Luxembourg comme dans le reste de l’Europe, les ICO ne sont pas encore régulés, mais des positions seront très certainement prises dans les mois à venir. (Photo: Licence C. C.)

Au Luxembourg comme dans le reste de l’Europe, les ICO ne sont pas encore régulés, mais des positions seront très certainement prises dans les mois à venir. (Photo: Licence C. C.)

«Opportunité», «chance», «nouvel outil»… Si les régulateurs se refusent encore à prendre position sur les ICO (Initial Coin Offering), les sociétés de capital risque semblent tout à fait prêtes à se convertir à cette nouvelle religion. C’est en tout cas ce qui est ressorti d’une conférence-déjeuner organisée lundi par la Luxembourg private equity and venture capital association (LPEA).

Ces levées de fonds 2.0, liées à la technologie de la blockchain et aux monnaies virtuelles, suscitent en effet un intérêt grandissant dans le secteur. Peut-être tout simplement car il est désormais impossible de faire sans elles. Près de 4,5 milliards de dollars (env. 3,6 milliards d’euros) ont été levés l’année dernière par cette méthode. Début janvier, la messagerie russe Telegram annonçait vouloir lever entre 2,5 et 4 milliards d’euros en 2018 pour financer le développement d’une nouvelle cryptomonnaie. Et tout cela sans passer par des sociétés de capital risque.

Impliqué, mais pas directement

Pas question de louper le train pour les «venture capitalists», qui sont désormais prêts à adapter leur méthode pour se jeter à l’eau. «La blockchain offre de nombreuses opportunités pour notre métier, notamment en termes de sécurisation», indique Tom McNerney, associé chez True Global Ventures. «C’est un nouvel outil, un changement de mécanisme pour le financement et qui ne concerne pas seulement les entreprises qui ont des projets liés à la blockchain.»

Un constat partagé par Alexander Tkachenko, de 2be.lu Investments. «C’est une chance pour les sociétés de capital risque, mais aussi pour l’industrie en général, car les ICO apportent de la liquidité en ouvrant l’investissement à un public qui n’y avait pas forcément accès jusqu’à maintenant.» Il ne s’agit toutefois pas de s’exposer directement. Si True Global Ventures et 2be.lu Investments sont déjà impliquées dans ce type de levées de fonds, c’est par le biais des entreprises qu’elles possèdent dans leur portefeuille, qui ont lancé leur propre ICO.

«Nous réfléchissons à créer un fonds d’investissement spécifiquement basé sur les ICO, mais rien n’est encore fait. Il faut encore que nous en parlions avec tous les associés», avoue Tom McNerney.

Débattue lors du G20

«Les ICO ne vont pas remplacer les levées de fonds traditionnelles, elles vont simplement toucher un nouveau public, car elles sont plus adaptées aux petites sommes investies par un grand nombre de personnes», note pour sa part Michael Jackson, associé chez la société de capital risque luxembourgeoise Mangrove Capital Partners.

Le mot d’ordre est donc de ne pas céder à l’ivresse, alors même que les régulateurs tardent à se positionner sur la question. Vendredi dernier, l’autorité suisse des marchés financiers (Finma) reconnaissait «le potentiel d’innovation de cette technologie» et publiait des lignes directrices pour mieux encadrer les ICO dans la législation existante.

Une première en Europe, alors que la France et l’Allemagne sont actuellement en discussion pour définir une position commune sur la question. Les deux pays ont d’ailleurs demandé que le sujet soit débattu lors du prochain G20, qui aura lieu en Argentine en fin d’année.

Rester prudent

Au Luxembourg, la CSSF, qui se dit très ouverte aux nouvelles technologies, reste pour l’instant silencieuse. Des discussions avec des acteurs de la Place sont en cours, mais rien ne filtre.

L’absence actuelle de cadre légal ne signifie pas qu’on peut faire n’importe quoi. «Le régulateur pourra toujours revenir sur un ICO dans le futur et réagir, voire l’annuler, s’il estime qu’il existe des incohérences», explique Yannick Arbaut, conseiller chez Allen & Overy. «Il est donc très important de faire très attention à ce que l’on fait aujourd’hui.»

Pleins de promesses, les ICO restent comportent encore beaucoup d’inconnues. Ce qui est sûr, c’est qu’aucun n’a été lancé depuis le Luxembourg. «Personne n’a encore osé», s’amuse Marco Houwen, le responsable de l’initiative Infrachain. Les ICO sauront-ils trouver leur apôtre au Luxembourg?