Jean-Yves Leborgne, portfolio manager, ING Luxembourg. (Photo: ING Luxembourg)

Jean-Yves Leborgne, portfolio manager, ING Luxembourg. (Photo: ING Luxembourg)

Avant d’évoquer le Brexit dans un prochain article, attendons le vote du parlement britannique le 11 décembre prochain et attardons-nous plutôt sur la guerre commerciale qui sévit actuellement entre Mr Trump et le reste du monde. Quand on parle de guerre commerciale, il convient d’abord de faire la différence entre les différentes batailles qui sont engagées actuellement.

La première bataille concerne l’acier et l’aluminium sur lesquels l’administration américaine impose des droits de douane supplémentaires de 25% et 10% respectivement, car ces importations vers les États-Unis «menacent la sécurité nationale». Alors que l’Union européenne (USD 6,4 milliards d’exportations d’acier et d’aluminium vers les États-Unis), le Canada et le Mexique étaient dans un premier temps exemptés de ces droits de douane, l’exemption a pris fin et sont désormais soumis aux taxes supplémentaires, comme la plupart des autres pays, et notamment la Chine (USD 2,8 milliards de ces produits vers les États-Unis).

La deuxième bataille est exclusivement sino-américaine et porte sur les droits de propriété et les technologies considérés par l’administration américaine comme volés par les Chinois. Les États-Unis ont donc décidé de taxer USD 200 milliards de produits importés depuis la Chine (principalement des biens intermédiaires, mais également certains produits de consommation). La Chine a déjà annoncé qu’elle allait rétorquer en taxant davantage USD 60 milliards de biens américains.

La troisième bataille concerne les automobiles et elle n’a pas encore vraiment commencé. L’administration américaine a lancé une enquête sur les importations d’autos et l’impact de celles-ci sur la sécurité nationale. Les résultats de l’enquête n’ont pas encore été publiés, mais Mr Trump a annoncé qu’il souhaitait imposer des taxes supplémentaires de 25% sur les importations de véhicules.

On estime que 2,5% du commerce mondial est directement affecté par l’ensemble de la guerre commerciale pour le moment.

Jean-Yves Leborgne, portfolio manager, ING Luxembourg

Les conséquences de ces différentes batailles ne doivent pas être sous-estimées puisqu’on estime que 2,5% du commerce mondial est directement affecté par l’ensemble de la guerre commerciale pour le moment. Si les Américains mettent leurs menaces à exécution et imposent encore plus de taxes à la Chine, environ 4% de l’ensemble du commerce mondial serait impacté. Et si la troisième bataille portant sur les voitures est lancée, 8% du commerce mondial pourrait être directement atteint.

Autant l’avouer: si toutes ces mesures de rétorsion sont mises en place, elles pourraient provoquer une détérioration de la confiance des entreprises et des consommateurs, ce qui pèserait in fine sur l’investissement mondial, la consommation et les embauches. Les marchés financiers pourraient aussi réagir violemment, entraînant par là-même une hausse des primes de risques et un resserrement des conditions financières. En outre, cette guerre commerciale aurait tendance à augmenter les prix des biens de consommation, réduisant le pouvoir d’achat des ménages et poussant la politique monétaire à se faire plus restrictive.

Une diminution de la croissance du PIB européen comprise entre 1 et 2% chaque année ne peut pas être exclue.

Jean-Yves Leborgne, portfolio manager, ING Luxembourg

Il est intéressant de noter que la BCE a réalisé récemment une étude sur les conséquences de cette escalade tarifaire et il en ressort que l’activité économique réelle aux États-Unis pourrait diminuer de plus de 2% chaque année, que la croissance et le niveau de vie baisseraient et des emplois seraient perdus. Côté européen, étant donné l’importance du commerce automobile avec les États-Unis (notamment pour l’Allemagne), l’impact de la guerre commerciale sur l’activité économique européenne dépendra donc de la façon dont les voitures européennes seront taxées. Une diminution de la croissance du PIB européen comprise entre 1 et 2% chaque année ne peut pas être exclue.

Même si une trêve entre les États-Unis et la Chine a été décidée jusqu’au début du mois de mars 2019, le contexte protectionniste ambiant risque de peser lourdement sur les marchés financiers prochainement et il est donc difficile de dire qui sortira vainqueur de ce jeu de dupes.