« L’équilibrage entre recettes et dépenses doit être laissé à la discrétion des États membres. » (Photo : Jessica Theis)

« L’équilibrage entre recettes et dépenses doit être laissé à la discrétion des États membres. » (Photo : Jessica Theis)

Monsieur O’Donnell, quels changements significatifs avez-vous observés ces dernières années ?

« Au niveau des investisseurs internationaux – nous travaillons beaucoup pour cette clientèle – deux tendances fortes se dessinent depuis 2008. D’un côté, les clients qui font œuvre de beaucoup de prudence et d’hésitation. Et, de l’autre, les opportunistes. En matière de volume investi, la partie conservatrice — les premiers nommés — est de loin dominante. L’heure est donc plutôt à l’attentisme.
Derrière ces tendances de fond, d’autres évolutions s’observent de façon plus confidentielle pour l’instant. Ainsi, les fonds souverains et équivalents sont plus actifs que précédemment. Sachant qu’ils étaient très peu actifs au Luxembourg auparavant, cette tendance demande confirmation. On constate également une volatilité à court terme autour de notre monnaie : certains investisseurs non européens ont émis le désir de sortir de la zone euro. Mais il s’agit d’un comportement très marginal.

Doit-on s’attendre à une suite ?

« Les mois à venir devraient voir se prolonger la tendance majeure. Ensuite, l’intervention de la banque européenne devrait entraîner trois à quatre mois de confiance relative avant que les zones d’ombre de son programme refassent surface, et cela même si ce programme en question est bien ficelé. 
Ensuite, pour que le programme fonctionne au-delà du court terme, il faut que tous les États aient une ligne de conduite et qu’ils s’y tiennent. Mais, qui dit harmonisation budgétaire sous-entend harmonisation fiscale. L’un peut aller sans l’autre, mais à moyen terme, nous allons sentir la pression sur le plan fiscal au Luxembourg. À l’heure actuelle, il est difficile de conseiller au plus juste compte tenu du peu de visibilité. Mais on ne m’enlèvera pas de l’esprit que le Luxembourg a beaucoup à y gagner sur le long terme. Le travail fait lors des dernières années va dans le bon sens.

Mais la politique fiscale doit rester cohérente. Dans un contexte européen, il faut insister sur les déficits et l’endettement, c’est-à-dire sur le résultat d’une politique budgétaire. L’équilibrage entre recettes et dépenses doit être laissé à la discrétion des États membres. Autrement dit, un État qui gère bien ses dépenses ne devrait pas être contraint d’augmenter sa fiscalité. Un pays comme le Luxembourg, avec une économie très ouverte, doit continuer à promouvoir ses atouts, et notamment une concurrence fiscale saine. 

Dans ce contexte, vos besoins en RH ont-ils évolué ?

« Au niveau des profils juniors, nous trouvons de très bons candidats, juristes, économistes, etc. En revanche, il est plus difficile de trouver des profils professionnels de très haut niveau qui ont, en outre, une certaine fibre entrepreneuriale, fibre que nous revendiquons pour notre cabinet. De ce fait, je pense qu’il serait plus qu’important d’encourager l’entrepreneuriat au Luxembourg. Mais ce n’est réalisable que sur le long terme. 

Verriez-vous des améliorations à apporter ?

« Sur le plan national, oui. Au Luxembourg, il est crucial de maîtriser les déficits, au moyen d’une politique fiscale cohérente, mais aussi par une maîtrise accrue des dépenses. Les investissements en infrastructure, par exemple, devraient être triés avec une grande rigueur et gérés dans leur exécution. Il faut que l’État se soumette à une discipline financière à l’instar de ce qui se pratique dans le privé. C’est à travers ce genre de remise en question qu’il est possible de réduire significativement les dépenses et, ainsi, de renforcer le positionnement du Luxembourg sur les scènes européenne et internationale. » 

 

 

Keith O’Donnell
• 44 ans
• Managing partner chez Atoz depuis 2008
• Associé fondateur d’Atoz à partir de 2004