Les techniciens de Post sont en train de déployer la fibre dans tout le pays. 50% du territoire sont déjà couverts. (Photo: Mike Zenari)

Les techniciens de Post sont en train de déployer la fibre dans tout le pays. 50% du territoire sont déjà couverts. (Photo: Mike Zenari)

Traditionnellement loué pour son excellent niveau de connectivité, le Luxembourg vient pourtant de perdre deux places dans l’Indice relatif à l’économie et à la société numérique (DESI 2016) mesuré par la DG Connect de la Commission européenne. Sur ce critère spécifique de la connectivité, le Grand-Duché passe ainsi de la deuxième (sur 28) à la quatrième place, désormais dépassé par la Belgique et à la Suède. La première marche du podium est occupée par les Pays-Bas.

Un recul qui «contribue» à la perte d’une place dans le classement général (le Luxembourg est désormais 10e sur 28) de cet indice, basé sur quatre autres critères (capital humain, utilisation d’internet, intégration des technologies numériques et services publics numériques).

Il sera évidemment intéressant de voir dans quelle mesure les efforts déployés par le gouvernement en matière de déploiement de la fibre optique sur tout le territoire influeront sur la prochaine livraison de cet indice européen. Définie en 2010, cette stratégie ambitionne d’en faire un leader en matière de «Fiber to the home» (FTTH, la fibre jusqu’à la maison). «L’objectif central est de permettre un ultrahaut débit pour tous», cadre Tom Kettels, chief business development officer chez Luxconnect, partenaire de Post Telecom sur le terrain. «La stratégie nationale vise une vitesse de connexion d’un Gb/s d’ici 2020, et ce, sur l’ensemble du territoire. Malgré sa petite taille et son marché limité, le pays dispose déjà de 50 % de couverture. Pour le moment, seule la fibre y parvient, mais avec la rapidité des progrès technologiques, on parvient à des niveaux de plus en plus rapides avec le câble. Les citoyens tout comme les PME pourront en tirer parti.»

Le FTTH est un réseau de télécommunications physique utilisé pour permettre un accès internet à ultra haut débit. Dans ce réseau terrestre, le câblage se termine au domicile de l’abonné, permettant une connectivité inégalée. Né dans les années 2000, ce système a été conçu pour remplacer les réseaux de distribution téléphoniques ou ceux de la télévision par câble. Permettant une absence de sensibilité aux perturbations électromagnétiques, il offre aussi une meilleure latence.

Nous voulons un ‘smart’ Luxembourg dans une ‘smart’ Europe.

Xavier Bettel, ministre des Communications et des Médias

Depuis 2010, les chantiers se sont multipliés pour faire de cette intention une réalité. Plus de 90% des domiciles (les derniers chiffres disponibles datent de la mi-2015) peuvent actuellement accéder à une vitesse de téléchargement de 100 Mb/s. Post, l’opérateur historique chargé du raccordement, a posé près de 13.000 km de câbles à fibres optiques et, selon des données communiquées par FTTH Europe, en septembre 2015, 140.000 foyers étaient raccordés à la fibre. Et Tom Kettels d’embrayer: «Collaboratif, notre parti-pris a toujours été d’éviter au maximum de creuser des tranchées. Nous avons étroitement travaillé avec Post, les CFL ou encore les communes pour utiliser l’infrastructure existante, et notamment maximiser la capacité des gaines utilisées pour l’éclairage public ou la télédistribution. Ce modèle, souvent utilisé dans des zones rurales, permet de réduire drastiquement les coûts.»

Montrer la voie

Pionnière, l’approche «bi-canal» choisie par le gouvernement tient compte des téléchargements dans les deux sens. «Dans une logique de cloud computing, on est consommateur, mais aussi producteur de contenu», souligne Tom Kettels. «Un architecte ou un médecin, par exemple, a parfois besoin de stocker des volumes importants de lourds fichiers en ligne. L’approche choisie par le pays intègre ces deux dimensions. C’est, à ma connaissance, le seul de l’UE à avoir opté pour cette stratégie. Le besoin de haut débit ne va faire qu’augmenter à l’avenir, ce qui nécessitera une disponibilité omniprésente et une excellente connectivité mobile.»

Cette stratégie nationale ambitieuse s’inscrit en ligne directe avec la stratégie numérique portée par la Commission européenne dans le cadre de son «digital agenda». Avec Digital Lëtzebuerg et les avancées en cours en matière de FTTH, le Luxembourg aimerait montrer l’exemple et devenir le premier pays «fibré» du Vieux Continent. «Lorsqu’internet a émergé, les autoroutes de l’information contournaient notre pays, et nous n’étions pas sur la carte des grands flux de données. Il a fallu travailler dur pour améliorer la connectivité du Grand-Duché. Aujourd’hui, nous pouvons être fiers des efforts consentis», expliquait Xavier Bettel, ministre des Communications et des Médias, et parrain du 13e salon FTTH dédié à la fibre optique. «Notre ambition est d’être le premier pays membre de l’UE entièrement couvert afin de développer encore davantage notre secteur ICT et ainsi améliorer notre compétitivité. Nous sommes sur la bonne voie! Cela étant dit, le pays ne peut prospérer et avancer seul. Nous voulons un ‘smart’ Luxembourg dans une ‘smart’ Europe. La libre circulation des données doit suivre celle des biens, des services et des capitaux.»

Faire de l’Europe un «smart» continent
Sur le thème «Calling for a brighter future», la 13e conférence FTTH, qui s’est tenue à Luxembourg en février, constitue le plus grand événement mondial dédié à la fibre. Plus de 3.500 experts de la connectivité de toute l’Europe y ont partagé expériences et objectifs ambitieux, à des stades d’avancement différents.
À l’échelle de la planète, dans les zones urbaines, on estime qu’un foyer sur dix est actuellement équipé en fibre optique. Faciliter le déploiement de l’ultra haut débit sur tout le continent est aussi une des priorités de la Commission européenne. Le plan Juncker prévoit ainsi 10 millions d’euros en vue d’accélérer la cadence. «Le FTTH n’est pas seulement lié à l’infrastructure, il repose sur un écosystème fait de différents joueurs à rassembler. Je suis convaincu que, demain, les start-up et les entrepreneurs seront les locomotives de l’économie, si l’environnement le leur permet», soutient Edgard Aker, président du FTTH Council Europe, une organisation de promotion de la fibre fondée par cinq entreprises, dont Cisco et Alcatel. «Il nous reste encore beaucoup de travail, notamment sur le plan réglementaire. Comment peut-on justifier que les meilleures possibilités d’e-learning ne soient accessibles qu’à 2/3 du continent? La réponse est qu’on ne peut pas. Ce n’est plus acceptable.»
Pour Nadia Baadali, organisatrice de l’événement et communications director au FTTH Council Europe, l’ultra haut débit n’a pas uniquement de dimension technique ou économique, mais environnementale et sociale. «La fibre améliore durablement la qualité de vie. Les bénéfices sont multiples, qu’il s’agisse du bien-être des citoyens ou de l’efficacité du travail», a-t-elle déclaré lors de la rencontre. La prochaine conférence FTTH aura lieu à Marseille en février 2017. L’occasion de mesurer le chemin qui aura été parcouru entre-temps…