Selon Pete Worden, le Luxembourg «devrait être félicité» pour ses initiatives dans le domaine de l’industrie spatiale. (Photo: Marie de Decker)

Selon Pete Worden, le Luxembourg «devrait être félicité» pour ses initiatives dans le domaine de l’industrie spatiale. (Photo: Marie de Decker)

La conférence NewSpace Europe qui s’est tenue à Luxembourg les 27 et 28 novembre a été consacrée à la manière dont la libre entreprise et l’utilisation de pratiques commerciales normales révolutionnent le secteur spatial en créant littéralement une nouvelle industrie.

La valeur annuelle de l’économie spatiale dans le monde est estimée entre 150 et 300 milliards de dollars. Ces chiffres incluent à la fois les dépenses publiques et les revenus des entreprises privées. En plus de développer aussi du matériel et des logiciels pour l’espace, les entreprises entament également les prochaines étapes de l’exploration spatiale. Ispace, basée au Luxembourg, enverra par exemple ses robots d’exploration sur la Lune en 2020.

Et ce n’est que le début. Le Dr Ben Corin, chercheur au Science and technology policy institute, situé aux États-Unis, a indiqué que les prochaines activités génératrices d’activités spatiales privées pourraient inclure des stations spatiales privées, des services de maintenance, d’assemblage et de fabrication en orbite et l’extraction d’astéroïdes, ainsi que des domaines tels que l’élimination des débris spatiaux, le transport et la recherche dans l’espace. 

Pete Worden, directeur exécutif du programme scientifique et technologique d’exploration Breakthrough StarShot, est allé plus loin et a prédit que le premier établissement humain dans l’espace se produira au milieu de la prochaine décennie.

L’intelligence artificielle pour observer la Terre

Les raisons de ces progrès extrêmement rapides sont nombreuses. Elles comprennent notamment la grande vitesse de l’innovation et du développement technologique qui permettent de réduire les coûts tout en améliorant l’efficacité des applications spatiales. Les satellites sont utilisés depuis la fin des années 50 pour observer la Terre. Aujourd’hui, de nombreux satellites d’observation sont exploités par des entreprises privées et l’innovation a permis d’obtenir des données de haute précision en provenance des régions les plus isolées de la planète, quelles que soient la météo et l’heure.

Les gens s’inquiètent de la perte d’emplois due à l’intelligence artificielle, mais elle peut en réalité créer une énorme quantité de nouveaux emplois.

Alison Lowndes, artificial intelligence DevRel, Nvidia

La société Spire, implantée au Luxembourg, utilise des données satellitaires pour suivre les navires, les avions et les phénomènes météorologiques. Les autres domaines d’application comprennent, par exemple, la surveillance des cultures, la reprise d’activités après des sinistres et le contrôle des frontières.

L’utilisation potentielle des données d’observation de la Terre est pratiquement illimitée, mais les énormes quantités de données collectées sont redoutables et «vont bien au-delà de ce que nous, voire un superordinateur, pouvons gérer», selon Alison Lowndes, artificial intelligence DevRel de la région Emea chez l’entreprise technologique américaine Nvidia.

À son avis, l’utilisation de l’intelligence artificielle est nécessaire pour exploiter pleinement ces données et générer des avantages pour un large éventail d’industries. «Les gens s’inquiètent de la perte d’emplois due à l’intelligence artificielle, mais si elle est appliquée aux activités spatiales, elle peut en réalité créer une énorme quantité de nouveaux emplois», a-t-elle expliqué.

Ouvrir l’accès à l’espace

L’arrivée d’acteurs privés sur la scène spatiale a considérablement accru la demande d’accès à l’espace et de lancements rapides et à coût maîtrisé. NewSpace Europe a accueilli à la fois Rocket Lab, l’opérateur du seul site de lancement orbital privé au monde situé en Nouvelle-Zélande, et Spaceport Cornwall, le premier au monde à tenter d’utiliser un aéroport civil existant pour des lancements spatiaux, afin de permettre un accès à l'espace à moindre coût.

«Nous avons été contactés par une société australienne qui souhaitait lancer un satellite et, deux mois seulement après nos premières discussions, leur satellite était en orbite», a déclaré Sandy Tirtey, directeur business development chez Rocket Lab (Australie). «C’est la raison pour laquelle nous existons et sommes disruptifs.»

Le rôle des gouvernements

Avec autant d’activités spatiales réalisées par le secteur privé, les gouvernements ont-ils encore un rôle à jouer? Les intervenants de la conférence ont répondu à cette question par un oui sans équivoque, soulignant que les considérations commerciales ne signifiaient pas que les gouvernements n’étaient plus impliqués. Même des pays plus petits, tels que le Luxembourg, peuvent avoir un impact considérable sur la création de conditions cadres favorables à la prospérité du secteur spatial.

«Il est très important d’avoir un gouvernement progressiste et tourné vers l’avenir», a déclaré Pete Worden (Breakthrough StarShot). «L’avenir de l’industrie spatiale réside dans des endroits où un gouvernement plus petit, efficace et visionnaire, capable d’agir rapidement, peut jouer un rôle important. Le gouvernement luxembourgeois devrait être félicité pour avoir fait exactement cela.»


(Photo: Marie De Decker)

Deux ans après le lancement de l’initiative SpaceResources.lu, qui offre un environnement juridique, réglementaire et commercial unique aux entreprises privées qui explorent et utilisent les ressources spatiales, plus de 20 nouvelles entreprises spatiales internationales ont ouvert des bureaux au Luxembourg et plusieurs autres sont en passe de le faire.

«Les activités spatiales commerciales nous tiennent particulièrement à cœur», a confirmé Marc Serres, CEO de l’Agence spatiale luxembourgeoise. «Nous devons continuer d’aller au-delà de ce que nous avons fait traditionnellement et trouver de nouvelles applications d’activités dérivées de l’espace pour des secteurs qui, pour le moment, n’imaginent pas combien l’espace peut leur être bénéfique.»