Actuellement, un tiers des revenus de Woxx provient de l’aide de l’État à la presse, selon son gérant. (Photo: Woxx)

Actuellement, un tiers des revenus de Woxx provient de l’aide de l’État à la presse, selon son gérant. (Photo: Woxx)

«L’autre hebdomadaire» du Luxembourg, proche du parti écologiste à ses origines, a dû se frayer un chemin dans les méandres législatifs pour exister et surtout accéder à l’aide à la presse écrite de la part de l’État, alors que les critères venaient de changer. Nous sommes en 1991.

«Nous avons démarré le projet à trois et au moment du dépôt de notre dossier, nous avons engagé deux personnes supplémentaires pour remplir les critères, mais le problème est que nous ne disposions pas des cartes de presse», se souvient Richard Graf, un des pionniers de l’aventure Woxx, qui occupe désormais la fonction de gérant de la coopérative qui sous-tend le journal.

Suite au changement de législation de l’époque, les publications prétendant à l’aide financière de l’État devaient non plus être éditées depuis trois ans, mais depuis un an et employer non plus trois journalistes-rédacteurs à temps plein, mais cinq journalistes-rédacteurs à temps plein, liés à l’éditeur par un contrat de travail.

Faute de soutien via une reconnaissance du côté du gouvernement (le ministère des Communications et des Médias était à l’époque sous la tutelle du Premier ministre Jacques Santer - CSV) et une attribution de cartes par le Conseil de presse, l’équipe fondatrice entama un combat juridique. Il passa par l’intermédiaire du Conseil d’État qui exerçait encore à l’époque une fonction juridictionnelle pour régler les contentieux administratifs, rôle qui a été transféré au tribunal administratif depuis la réforme de la constitution en 1996.

«Cela a pris quatre ans», ajoute Richard Graf. «Nous avons eu gain de cause, l’aide nous a été accordée rétroactivement, nous l’avons touchée en 1997. Mais le montant a été calculé sur base de la date du dépôt du dossier, en 1992, et non du début de notre publication».

Crowdfunding avant l’heure

Paru en tant que mensuel le 23 septembre 1988, celui qui s’appelait Grénge Spoun (devenu Woxx en 2000 pour se distancier du parti) a été «le premier journal ne provenant pas de l’une des traditionnelles maisons d’édition qui demandèrent une aide à la presse de l’État», rappelle la publication du gouvernement, «Les journaux au Luxembourg 1704-2004.»

Il passa en hebdomadaire en 1989, avant de recevoir plus tard l’aide à la presse. Une période durant laquelle l’équipe fondatrice a dû faire appel à ses soutiens au sens large. «Nous nous sommes endettés, nous avons aussi lancé une campagne de solidarité qui a reçu un écho très favorable, car si nous avions arrêté, nous aurions perdu tout espoir de recevoir l’aide de l’État. C’était une période très dure durant laquelle il fallait croire en une forme de justice pour percevoir une somme qui représentait aux alentours du tiers du montant qui nous manquait pour fonctionner.» 

C’est d’ailleurs en 1991 qu’une coopérative a été créée pour pérenniser le titre. «C’était une forme ancienne du crowdfunding», note Richard Graf. «Nous avons eu dès le départ 150 membres qui ont chacun souscrit à une part de 5.000 francs, ce qui n’était pas rien à l’époque».

Actuellement, Woxx compte six temps pleins et quatre temps partiels. L’hebdomadaire fonctionne, selon son gérant, grâce à l’aide de l’État à la presse pour un tiers, un autre tiers grâce aux recettes publicitaires et le dernier grâce aux abonnements, auxquels s’ajoutent des abonnements de soutien symboliques.

1999, année pivot

1999 marque une année pivot dans la manière dont est répartie la manne financière débloquée par l’État pour promouvoir la presse écrite. Suite à la loi de 1998 abrogeant celle du 11 mars 1976 portant sur l’aide directe de l’État à la presse écrite, un règlement grand-ducal est signé le 6 avril 1999 pour préciser les critères de répartition de l’aide, mettant fin à un critère de nombre de pages maximum (4.000 par an par organe de presse). 

«Cette réforme est très discutable, car elle a enlevé le plafond et depuis lors, le Wort et le Tageblatt ont obtenu des sommes faramineuses. Depuis, le budget est distribué de façon inégalitaire. Cette manne avait été inventée en 1976 pour garantir le pluralisme et non pour financer la concentration», ajoute Richard Graf. «Si on veut éviter ce phénomène, il faudrait réintroduire le plafonnement et éventuellement augmenter la part fondamentale.» 

Un projet qui était en cours sous François Biltgen lorsqu’il était ministre en charge des communications et des médias, mais son départ à la Cour de justice de l’Union européenne l’a remis dans les tiroirs. Le gouvernement de Xavier Bettel avait quant à lui promis de réformer le système pour tenir compte de la montée en puissance des médias en ligne. À défaut de réforme du régime existant, une manne supplémentaire a été ouverte en janvier dernier pour la presse en ligne.

«Xavier Bettel n’a pas compris que le pluralisme ne vient pas de l’opposition des deux modes de publication, sur papier et en ligne, mais qu’il trouve sa complémentarité entre les deux, tant au sein d’une même maison qu’entre titres différents», ajoute Richard Graf.

Outre l’impérieuse question de la juste répartition de la manne financière, est en effet venue celle de la reconnaissance des médias en ligne en tant qu’organes d’information, lorsque ceux-ci sont reconnus comme tels.

Ces enjeux seront abordés ce mardi 14 novembre durant la table ronde «Au nom de la diversité: propositions pour une réforme significative de l’aide de l’État à la presse.» Organisée en soirée aux Rotondes, elle réunira, physiquement ou par message vidéo, des représentants politiques et de maisons d’édition.