Stéphanie Leclercq (Wildgen, Partners in Law) (Photo : David Laurent/Wide)

Stéphanie Leclercq (Wildgen, Partners in Law) (Photo : David Laurent/Wide)

La responsabilité sociale des entreprises, tout le monde en parle, tout le monde veut en faire… Une jungle ? Pas forcément. Se frayer un passage pour atteindre une clairière et calculer sa position n’est pas si compliqué qu’il y paraît. Pour les petites structures, le groupe de travail PME de l’IMS (Institut pour le mouvement sociétal) a mis au point un outil très pratique, permettant de réaliser un autodiagnostic en moins d’une heure. Ce qui n’est pas la moindre de ses qualités.

« Les patrons de PME ont généralement le nez dans le guidon et les mains dans le cambouis, illustre Thierry Vanbever, general manager de SD Worx et membre du groupe de travail. Les entreprises sont parfois orientées vers la RSE, mais sans avoir les moyens de déléguer une personne sur cette mission. » Le groupe de travail a donc voulu être « très pragmatique » dans l’approche proposée.

« Les PME ont rarement une démarche RSE très structurée. Ce qui ne signifie pas qu’elle négligent leur responsabilité sociale – bien au contraire –, mais leur approche est plus intuitive et moins formelle que dans les grandes compagnies », souligne M. Vanbever. Comme Monsieur Jourdain faisait de la prose sans le savoir, les petites sociétés font souvent de la RSE sans même s’en rendre compte.

Une nécessité plus qu’un choix

« Mettre des fruits frais, un vélo ou une salle de sport à disposition de son personnel, c’est déjà le début d’une démarche RSE, explique Sara Cappelli, responsable de ce projet au sein d’IMS Luxembourg. Le système que nous proposons est un tool kit, sans grandes analyses à faire… Il permet de s’interroger et donne des réponses simples à des questions comme : pourquoi faire de la RSE ? Qu’est-ce qui existe déjà dans ma société ? Comment structurer une démarche RSE dans mon entreprise ? »

Concrètement, explique la conceptrice du kit, « la boîte à outils se compose d’un questionnaire d’évaluation de la démarche RSE conduite dans l’entreprise, d’une fiche séquence – ou ‘feuille de route’ –, d’une matrice de solutions, de fiches ‘mode d’emploi’ et d’une fiche projet. Cette dernière permet au responsable RSE de l’entreprise d’indiquer ses propres objectifs et de planifier leur mise en œuvre. »

Porte d’entrée de la RSE dans une société, le dirigeant reste l’interlocuteur privilégié à ce stade. C’est lui qu’il faut convaincre. « La RSE est aujour­d’hui une nécessité business, assure Thierry Vanbever. Les dirigeants doivent comprendre qu’il ne s’agit pas pour eux de faire un choix, entre consacrer du temps à la RSE ou à leur chiffre d’affaires, mais que les deux vont de pair. D’ailleurs, de plus en plus d’appels d’offres interrogent les candidats sur la RSE dans leur entreprise. »

La méthode proposée par IMS ne vise en aucun cas à accompagner une entreprise dans une démarche de certification ou de labellisation. « Ce n’est pas le rôle de l’IMS, de se substituer à des consultants ou à des partenaires sur les aspects techniques d’un projet RSE. Notre rôle est purement incitatif», insiste Mme Cappelli.

Le questionnaire, sorte d’entrée en matière, est succinct mais il peut être adapté au cas de chaque entreprise et permet d’établir un bilan rapide et efficace de l’existant, ainsi que des différentes possibilités pour mettre en œuvre la RSE. « Les PME ne vont pas forcément appréhender tout de suite l’ensemble des aspects. Elles peuvent avancer pas à pas, sur les domaines qui les concernent le plus, sur les problématiques auxquelles leurs dirigeants sont davantage sensibilisés… », précise-t-elle.

Afin de promouvoir l’outil, par le biais du bouche à oreille, l’IMS propose un accompagnement personnalisé et gratuit aux 10 premières entreprises membres qui se lanceront dans la démarche.

L’heure est toutefois à la réserve. Étonnant ? « Plusieurs se sont déclarées intéressées, avant de se rétracter. Je crois qu’elles ont peur de ne pas ‘faire assez’, indique Sara Cappelli. Or, notre objec­tif n’est pas de juger, mais d’inciter à la réflexion et d’aider les entreprises à se poser les bonnes questions, celles qui leur permettront d’être efficaces. »

« Souvent, les novices en RSE ne se rendent pas compte qu’ils en font déjà, estime pour sa part Thierry Vanbever. Mais je suis confiant. Luxembourg est un village. Quand les premiers se seront lancés, d’autres suivront… » Pour le general manager de SD Worx, le temps est un facteur clé. « C’est bien sûr aussi une question de moment. Il y a toujours quelque chose de plus urgent lié au core business. Le challenge est donc de planifier son entrée dans la matière RSE, en choisissant une période creuse. » SD Worx réalisera son autodiagnostic cet été, « lors­que le business se ralentit un peu », indique Thierry Vanbever. Randstad, pour sa part, a marqué son intérêt à réaliser l’autodiagnostic, sans avoir fixé de date pour autant.

Première entreprise à avoir franchi le pas, le cabinet d’avocats Wildgen, Partners in Law a réalisé le diagnostic en avril. « Dans un cabinet d’avocats, la RSE est importante, notamment sur deux volets : le bien-être des collaborateurs, soumis à un stress non négligeable, et les activités de mécénat, explique Stéphanie Leclercq, marketing manager. Nos collaborateurs (près de 80 actuellement) travaillent sur des dossiers souvent confidentiels, sans avoir vraiment l’occasion de se croiser, d’échanger. Il est essentiel pour nous de créer un climat social. »

Séduite par l’approche de l’IMS, Stéphanie Leclercq s’est intéressée au tool kit qui permet de découvrir, dans les boîtes à idées, les projets menés dans certaines entreprises, les obstacles qui se sont présentés et comment ils furent contournés. « C’était super pour nous d’avoir un prestataire externe qui nous accompagnait dans la démarche, pour la faire vivre. C’est plus mobilisateur en interne, les gens se rendent plus disponibles pour le projet. »

Dans un premier temps, Sara Cappelli a adapté le questionnaire aux besoins du cabinet d’avocats. « L’outil d’autodiagnostic tombait donc à pic pour nous aider à structurer la RSE après la création de nos départements de support, se félicite Mme Leclercq. Nous avons fait un bilan des actions en cours, tous départements confondus. Cela nous a permis de découvrir les valeurs transversales de ces différentes actions… Nous avons également mieux cerné les risques encourus, si on ne structurait pas nos actions. Deux priorités sont ressorties de notre bilan : le bien-être et la gestion du stress, et les questions relatives à l’environnement, des valeurs impor­tantes chez nous. »

Un comité RSE, composé de quatre membres et créé peu de temps avant l’autodiagnostic, est chargé d’assurer le suivi et la communication sur ce projet. Pour le cabinet, le déclencheur de cette démarche structurée de RSE fut notamment deux cas successifs de burn-out, chez des collaborateurs. Ce qui est parfois encore considéré comme un tabou pour certaines entreprises fut assumé et pris à bras le corps chez Wildgen. « Le burn-out est un phénomène qui touche les collaborateurs les plus zélés, les plus compétents. Ne pas réagir devant de tels cas serait une erreur complète. Prévenir le burn-out, c’est également prévenir un risque financier et de communication interne pour le cabinet. Nous avons donc mis en place, très vite, des actions pour le confort de travail, des services de conciergerie… », détaille Mme Leclercq.

Cerner les risques

L’outil de l’IMS a également ouvert la voie à des débats en interne et permis de « constater que la gestion du stress et le bien-être au travail sont des demandes récurrentes ». Les conférences thématiques de la médecine du travail, données au sein même du cabinet, ont été plébiscitées par les collaborateurs. « Nous avons également mis en place des groupes de travail, sur des questions telles que le package salarial, les conditions de travail, la communication et la stratégie d’entreprise… », indique Mme Leclercq.

Depuis la réalisation du diagnostic, en mars, ces groupes de travail planchent et les résultats sont attendus pour juillet. Les recommandations des collaborateurs seront transmises au top management. « Un regard extérieur, qui vous montre les risques encourus, est souvent très efficace. Mettre le doigt sur un problème accélère en outre la prise de décision », assure Mme Leclercq.

Intéressant et instructif, l’autodiagnostic ne fut pas pour autant révélateur : « Le bilan ne nous a pas permis de découvrir des éléments de RSE que nous couvrons sans nous en rendre compte, mais il nous a aidés à comprendre que nous devons arrêter de nous disperser, qu’il nous faut fixer des priorités et un calendrier. » Outre le bien-être des collaborateurs, la problématique environnementale figure parmi les points clés de la démarche RSE du cabinet. Wildgen vise ainsi le label SuperDrecksKëscht en octobre 2012, pratique une politique d’achat durable (papier FSC, boissons en bouteilles consignées, fruits bio…), fait mener une étude pour un projet énergétique global et envisage l’installation d’une chaudière au gaz et de panneaux solaires. « Nous ne visons pas de certification environnementale, cela n’a pas d’incidence stratégique dans notre secteur d’activités, précise Mme Leclercq. Nous le faisons car les associés et nos collaborateurs y sont sensibles. »

Mme Leclercq note pourtant un bénéfice indirect, lié à cette attitude responsable. « Les candidats, surtout ceux de la jeune génération, sont très sensibles à ces questions et nous interrogent sur notre démarche RSE, ils veulent connaître nos valeurs et savoir s’ils pourront faire du pro bono (bénévolat de compétences, ndlr.). »

Dans un secteur où la guerre des compétences fait rage, une démarche RSE cohérente et structurée constitue donc un atout indéniable lors des recrutements.