Ce qui compte au Luxembourg pour diriger, c’est avoir la majorité. Les programmes étant poreux, presque tout est possible. (Photo: Nader Ghavami)

Ce qui compte au Luxembourg pour diriger, c’est avoir la majorité. Les programmes étant poreux, presque tout est possible. (Photo: Nader Ghavami)

C’est le grand débat luxembourgeois des derniers jours: l’interprétation du vote que font les sections locales des partis. Le buzzword: la «volonté de l’électeur», en luxembourgeois le bon vieux «Wielerwëllen». Elle orientait le choix du DP de se tourner vers le CSV dans la capitale, du CSV de s’orienter vers Déi Gréng à Esch et Déi Gréng vers le CSV à Differdange. Et cela n’a évidemment rien à voir avec les élections législatives de 2018, entend-on.

Ce qui mettait le feu aux poudres, c’était les tractations à Schuttrange. Oui, en effet, une liste de citoyens, les «Schëtter Bierger», remportait quatre mandats et finissait ex aequo avec le DP en termes de mandats. Deux jours après les élections, on apprenait que des discussions avaient lieu entre la liste de citoyens, le CSV (1 mandat), le LSAP (1 mandat) et Déi Gréng (1 mandat). Une coalition à quatre contre le DP.

De quoi outrager le ministre de l’Intérieur, Dan Kersch (LSAP), selon qui les «magouilles» des quatre partis, y compris de ses camarades socialistes, dépasseraient les bornes. Et de poursuivre (mardi sur Facebook) qu’il proposerait une discussion avec tous les partis au niveau national pour mettre un terme à ce genre de pratiques, s’il le fallait par voie législative. (note: mercredi, on apprenait que le CSV renonçait à la coalition à quatre à Schuttrange)

Coups montés

Pour sa remarque, le ministre se faisait rattraper par certains observateurs qui se demandaient si Dan Kersch serait également opposé à une coalition, si elle faisait barrage à un parti d’extrême droite ou de gauche, par exemple.

Dans le cas de Schuttrange, on peut en revanche se demander quelle urgence il y aurait d’écarter le DP. La même question se pose à d’autres endroits, où le parti le plus fort est écarté des négociations de coalition, comme notamment à Mondercange, Bettembourg, ou encore Strassen, pour ne citer que quelques exemples.

Qui dit «coalition à trois» pense évidemment tout de suite au gouvernement actuel, dit «Gambie» (DP-LSAP-Déi Gréng). Les conservateurs ne se lassent pas de dénoncer un coup monté, voire coup d’État, pour chasser Jean-Claude Juncker en 2013 (les conservateurs sont particulièrement fâchés, car le DP et le LSAP avaient déjà mené des discussions avant le vote).

La ma-jo-ri-té

Sauf que Gambie, une nouveauté au niveau national, ne l’était certainement pas au niveau local. En 2011, le CSV écartait le LSAP à Bettembourg et Bascharage en formant des coalitions à trois. Par ailleurs, en 2013, le contexte politique national, ébranlé par une crise des institutions due aux différentes affaires, n’était pas comparable avec la situation de 2017 dans des communes comptant souvent à peine 3.000 habitants. Les DP, LSAP et Déi Gréng représentaient une volonté de changement, alors que le CSV représentait le statu quo.

Alors que les différents choix politiques dans les communes en 2011 et 2017 polarisent, y compris dans la capitale, il faut rappeler que, selon le système démocratique luxembourgeois, ce qui compte, c’est de former une majorité. Afin d’obtenir une majorité, les relations personnelles entre différents hommes et femmes politiques et leurs partis respectifs jouent certes un rôle, cependant moindre que les dénominateurs communs dans la substance de la politique qu’ils sont censés incarner, donc dans leurs programmes.

Il n’empêche que la variété de constellations politiques à l’issue du scrutin du 8 octobre prête à croire que les programmes électoraux n’ont parfois joué aucun rôle: Paperjam apprenait mercredi qu’à Rumelange (5.500 habitants), le CSV aurait songé à former une coalition avec le DP et… les communistes de la KPL. Ce sont les communistes qui avortaient le projet, estimant ne pas pouvoir s’unir avec des libéraux. Ah, quand même.