Comment fluidifier le trafic routier qui asphyxie quotidiennement le Luxembourg sans réduire le nombre de frontaliers? Cette équation, Étienne Schneider pense l’avoir résolue, du moins en partie. Le ministre de l’Économie expliquait début novembre, en marge d’une conférence-débat sur la troisième révolution industrielle, que si chaque frontalier travaillait un jour par semaine depuis chez lui, le trafic routier diminuerait de 20%.

Carburant essentiel de la croissance luxembourgeoise, les frontaliers n’ont cessé de croître ces dernières années. Leur nombre est passé de 82.000 en 2000 à plus de 180.000 aujourd’hui. Une évolution bien trop rapide pour que les infrastructures de transport suivent.

Pour améliorer la situation, les autorités ont massivement investi, notamment dans le ferroviaire, pour proposer des alternatives à la voiture. Ainsi, les investissements effectués par les CFL sont passés de 80 millions d’euros en 2003 à près de 400 millions en 2017. Et ils continueront dans les années à venir.

Un effort financier important, mais nécessaire pour améliorer la situation actuelle. Il s’agit aussi anticiper l’augmentation du nombre de frontaliers. Selon un calcul effectué par la Fondation Idea, leur nombre pourrait varier entre 224.000 et 429.000 en 2060, selon différentes hypothèses retenues. Or, les autoroutes sont déjà saturées.

La proposition du ministre de l’Économie arrive donc dans un contexte de surcharge des infrastructures existantes. Étienne Schneider estime par ailleurs que l’État ne pourra plus continuer à «investir autant» dans les transports. Il a donc proposé un nouveau modèle pour faciliter le télétravail, à raison d’un jour par semaine.

Pour l’instant, des complications fiscales entre le Luxembourg et ses voisins empêchent le développement de cette pratique. Pour les contourner, le locataire du boulevard Royal propose de partager avec leurs pays d’origine les impôts sur les salaires des frontaliers. En estimant que sur 50 jours annuels, seuls 30 seraient à prendre en compte – les 20 autres étant, selon lui, déjà tolérés par les «conventions bilatérales» actuelles –, cette solution ne coûterait que 50 millions d’euros au budget.

Dans les faits, toutefois, l’Allemagne tolère 19 jours de télétravail par an, contre 6 en Belgique et 1 seul en France. Le calcul d’Étienne Schneider est donc biaisé.

Des entreprises encore timides

Des projets pour anticiper le phénomène du télétravail existent, comme à Thionville, où la communauté d’agglomération dit plancher sur un bâtiment exclusivement réservé au télétravail et au coworking, à destination notamment des travailleurs frontaliers. Mais il faut encore que les entreprises luxembourgeoises jouent le jeu. À l’heure actuelle, même si la tendance est à la hausse, la part des résidents actifs pratiquant le télétravail est encore minime. Or, il n’existe dans leur cas aucune barrière fiscale.

Lancé au début de l’année, un projet pilote permettant aux membres de la fonction publique de travailler depuis chez soi un jour par semaine montre un engouement relatif. Début novembre, seules 55 personnes avaient choisi cette option, sur… 82.000 agents concernés. Or, ce test grandeur nature, qui doit durer jusque fin 2018, doit servir de base de réflexion pour une application plus large au secteur privé.