Le boulanger de Differdange pâtit de la concurrence de la station-service toute proche, autorisée à vendre des viennoiseries avant 6h, un horaire adapté pour attirer les ouvriers travaillant alentour. (Photo: Flickr)

Le boulanger de Differdange pâtit de la concurrence de la station-service toute proche, autorisée à vendre des viennoiseries avant 6h, un horaire adapté pour attirer les ouvriers travaillant alentour. (Photo: Flickr)

L’affaire dure depuis 2015 et n’est pas terminée. On aurait pu le croire pourtant à la lecture du jugement lapidaire du tribunal administratif du 18 octobre dernier, annulant la décision par laquelle le ministère de l’Économie a refusé d’accorder une dérogation à un boulanger de Differdange qui souhaitait pouvoir ouvrir avant 6h le matin.

Le tribunal administratif s’en est tenu à la réponse de la Cour constitutionnelle à sa question préjudicielle, à savoir s’il est légal de réserver aux stations-service un régime d’ouverture différent et, en l’occurrence, plus favorable que celui régissant les horaires des autres commerces. Dans son arrêt du 17 mars dernier, la plus haute instance du pays a considéré qu’il s’agissait d’une violation du principe d’égalité inscrit dans la Constitution.

Le tribunal administratif a donc tranché, ouvrant la voie à bon nombre de questions, et peut-être à la perspective d’une refonte des régimes d’ouverture à l’échelle nationale. Mais en l’occurrence, le ministère de l’Économie ne s’avoue pas encore vaincu.

L’arrêt de la Cour constitutionnelle n’est pas un chèque en blanc [donné aux boulangeries pour qu’elles ouvrent plus tôt].

Ministère de l’Économie

«Lorsqu’un commerce veut profiter d’heures d’ouverture élargies, il peut faire une demande de dérogation sectorielle au ministère de l’Économie», explique le porte-parole du ministère. «En l’espèce, ce boulanger a demandé à bénéficier d’une dérogation pour ouvrir avant 6h, comme son proche concurrent de la station-service. Nous l’avons informé qu’il devait effectuer sa demande par le biais d’une administration communale ou d’une organisation professionnelle représentative. Or, il l’a fait en son nom personnel. Nous n’avons donc pas pu faire autrement que de refuser cette demande.»

Selon le ministère, son refus — qu’il considère d’ailleurs ne pas être une décision, puisqu’il a simplement rappelé la procédure à suivre — est donc purement formel et son «traitement du dossier était approprié, compte tenu de la législation en vigueur».

Le ministère ne partage pas non plus l’interprétation de la loi expliquée par le boulanger et son avocat, Me Jean-Paul Noesen, lesquels indiquaient qu’une loi de 2012 avait mis fin aux dérogations accordées aux petits commerces d’ouvrir à des heures insolites afin de se défendre face à la concurrence d’acteurs plus imposants. «Cette disposition concernait uniquement les épiceries, et non les boulangeries», assure le ministère, regrettant que la Cour constitutionnelle et le tribunal administratif aient eux aussi plongé dans cette «confusion».

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Et de rappeler que l’arrêt de la Cour constitutionnelle «n’est pas un chèque en blanc» donné à toutes les boulangeries du pays pour modifier leurs horaires d’ouverture. «La loi reste en vigueur et les heures d’ouverture doivent être respectées par les commerçants.»

Pour autant, le ministère admet que le «cœur du problème du point de vue constitutionnel» constitue cette différence de régime entre stations-service et autres commerces. D’ailleurs, le ministre de l’Économie Étienne Schneider lui-même estime que «la politique va devoir prendre une décision», selon le Wort: soit l’alignement des horaires d’ouverture des stations sur le régime général — hautement improbable —, soit la libéralisation complète des horaires d’ouverture.