Il peut exister un point de rupture à partir duquel les utilisateurs se détournent du bitcoin, mettant ainsi fin à cet écosystème. (Photo: Société Générale Private Banking Luxembourg)

Il peut exister un point de rupture à partir duquel les utilisateurs se détournent du bitcoin, mettant ainsi fin à cet écosystème. (Photo: Société Générale Private Banking Luxembourg)

Le bitcoin est-il en mesure de devenir une monnaie à part entière susceptible de se substituer aux autres moyens de paiement? Est-ce le signe de l’avènement d’une nouvelle ère digitale ou le signe d’une bulle spéculative sans fondement économique?

Il faut bien reconnaître que cette monnaie virtuelle manque cruellement d’efficacité, s’agissant de la fonction principale d’intermédiaire de l’échange. En effet, les différents algorithmes en œuvre pour sécuriser les transactions nécessitent une très forte puissance de calcul, source d’un temps de latence élevé. De plus, la complexité croissante des algorithmes implique que les coûts induits explosent. La consommation électrique du réseau est équivalente à celle d’une ville de cinq millions d’habitants pour un nombre de transactions assez faible.

L’objet du bitcoin était initialement de développer une monnaie supranationale, indépendante et décentralisée, afin de s’affranchir des États, tout en offrant un niveau de sécurité élevé. La quantité fixe de bitcoins disponible et le caractère réputé inviolable de la blockchain sont gages de valeur pour les investisseurs. Sous l’angle de l’analyse économique néanmoins, si une quantité fixe de monnaie peut paraître séduisante au premier abord, rappelons que la masse monétaire doit croître afin de ne pas entraver la croissance réelle de l’activité. Ainsi, une quantité fixe de monnaie combinée à la faible vélocité du bitcoin (nombre de transactions réalisées par unité monétaire) engendre un effet déflationniste qui est néfaste au développement économique. Si l’adoption à grande échelle du bitcoin permet de garantir l’indépendance de la monnaie, les coûts induits pour l’économie semblent dépasser les bénéfices.

Courbe valeur bitcoin

Valeur du Bitcoin en dollars depuis le 19 septembre 2010 (source des données: Bloomberg)

En dépit de ses faiblesses structurelles, l’envolée de la valorisation du bitcoin n’en est pas moins spectaculaire. À ce titre, l’histoire des bulles spéculatives est riche d’enseignements. La bulle des tulipes est la première bulle financière décrite dans l’histoire. Au 17e siècle, en Hollande, porté par une popularité grandissante, le prix des bulbes de tulipes progresse de manière vertigineuse. L’introduction d’un marché à terme permet aux négociants d’augmenter leurs positions spéculatives. En trois ans, le prix du bulbe de tulipe est multiplié par 50 pour atteindre plus de 15 fois le salaire annuel d’un ouvrier, avant de chuter de 99% en trois mois. Les similitudes sont multiples avec le phénomène de marché qui entoure le bitcoin. La quantité fixe de bitcoins garantit l’effet de rareté. Une partie est réservée pour rémunérer les calculs permettant de valider les transactions. Afin de maintenir un intérêt économique suffisant dans l’écosystème, des facteurs d’ajustement sont appliqués dans l’algorithme. Cette tendance suit une série exponentielle divergente et contribue par effet de retour à l’euphorie sur le bitcoin. Il peut exister un point de rupture à partir duquel les utilisateurs se détournent du bitcoin mettant ainsi fin à cet écosystème.

En conclusion, sur l’aspect transactionnel, la percée du bitcoin reste faible compte tenu de faiblesses structurelles de cette «cryptodevise». Par ailleurs, sur le plan économique, le caractère fixe de l’offre de monnaie inhérent au bitcoin est déflationniste et néfaste pour l’activité. Enfin, l’envolée des prix du bitcoin présente de fortes similitudes avec les précédentes bulles financières reposant sur un effet de rareté savamment orchestré. L’histoire va-t-elle se répéter?