Nathalie Morgenthaler s’est lancée à l’âge de 19 ans en politique, au sein du CSV. (Photo: Patricia Pitsch)

Nathalie Morgenthaler s’est lancée à l’âge de 19 ans en politique, au sein du CSV. (Photo: Patricia Pitsch)

Nathalie Morgenthaler est passionnée de politique, elle revient sur son parcours d’engagement avant tout humain.

Madame Morgenthaler, pouvez-vous nous parler de votre parcours?

«J’ai fait des études de sciences politiques à Louvain-la-Neuve et à Liège. Mon premier CDI était au LCGB, où j’ai aussi été conseillère politique du président, et par après, je suis devenue directrice du CET, dès sa création en 2008.

En 10 ans, le pays a fortement changé et augmenté en population. Comment avez-vous vu évoluer les choses?

«En général, le nombre de dossiers qui parviennent au CET est resté plus ou moins stable. Par contre, par rapport à notre notoriété, il n’y a pas grand-chose non plus qui a changé. Il y a eu une campagne au début de sa création de la part du ministère, mais du point de vue gouvernemental, pas grand-chose a été fait.

Qu’en est-il au niveau des lois?

«Ça avance: il y a eu la réforme de la loi sur le mariage pour inclure les homosexuels et, la semaine prochaine, une loi sera votée concernant la modification de la mention du sexe et du ou des prénoms à l'état civil.

En 2011, la discrimination par rapport au sexe dans la pub, dans les médias et dans l’éducation a été abolie; il y a une certaine avancée du point de vue de la législation.

Sur le terrain, il s’agit plutôt d’influencer la mentalité des gens, un volet qui est indépendant des législations en vigueur.

Il ne faut pas renforcer les stéréotypes inutilement.

Nathalie Morgenthaler, directrice du CET et échevine à Sanem

En ce moment, il y a une campagne d’affichage de la part du ministère de l’Égalité des chances sur les clichés homme-femme. Est-ce que les idées reçues sont quelque chose sur lequel il faut travailler, selon vous?

«Ce n’est jamais mauvais de le faire, c’est sûr. Ce sont des campagnes très médiatisées et qui coûtent cher. Les campagnes, c’est très bien, mais il faut aussi des actions derrière. Il ne faut pas se baser exclusivement sur ça. Il faudrait médiatiser d’autres actions à côté.

Il faut faire attention à ne pas renforcer les stéréotypes et à être efficace.

Cependant, je trouve que l’utilisation des stéréotypes en elle-même est une bonne idée, du moment qu’on remarque qu’on les surjoue et qu’on les exagère. Il ne faut pas les renforcer inutilement, mais montrer qu’on grossit le trait volontairement.

Que faites-vous contre ces idées reçues au CET?

«Nous interpellons des employeurs qui, par exemple, cherchent ‘une’ esthéticienne. Ça renforce les stéréotypes. On nous demande parfois si nous n’avons rien d’autre à faire, mais on essaie d’expliquer que c’est une étape nécessaire pour briser les stéréotypes. Si tout le monde dit toujours ‘une’ esthéticienne, on n’encourage pas les hommes qui auraient envie de choisir cette voie-là. On ne pense même pas que c’est une possibilité.

Vous n’êtes pas que directrice du CET, mais aussi active politiquement à Sanem. Vous pouvez nous parler de votre engagement politique?

«À 17 ans, j’étais membre du parti de la section jeune du CSV. En 1999, à l’âge de 19 ans, j’ai été candidate aux élections à Sanem et, à 23 ans, j’ai remplacé quelqu’un au conseil communal.

Je dis toujours qu’il faut faire de l’idéalisme, pas de l’opportunisme.

Nathalie Morgenthaler, directrice du CET et échevine à Sanem

D’où vous vient cet engagement si jeune?

«Je viens d’une famille qui ne s’intéressait pas plus que ça à la politique. Mon intérêt a été déclenché par le théâtre. À 9 ans, j’allais au théâtre pour voir des sketches satiriques, qui étaient notamment sur des hommes politiques. Vu que je ne connaissais pas les personnages, j’ai commencé à m’intéresser à la politique. Je voulais comprendre ce qui se passait sur scène!

En plus, Jean-Claude Juncker habitait à Belvaux, une des localités de Sanem. J’étais fascinée par lui, à cause de ses idées, mais surtout sa personne.

Et ça ne vous a pas quittée depuis?

«Non (rires). Depuis les dernières élections communales, j’ai la chance d’être échevine.

Vous avez aussi des ambitions nationales?

«Oui, je suis candidate aux prochaines élections. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois.

Vous avez commencé votre carrière dans un syndicat. Le fait d’aider les autres doit vous tenir à cœur…

«Je suis plutôt altruiste. Je dis toujours qu’il faut faire de l’idéalisme, pas de l’opportunisme.

Je n’ai pas de problème à dire que je suis une ‘femme des quotas’.

Nathalie Morgenthaler, directrice du CET et échevine à Sanem

Comment vivez-vous le fait d’être une femme dans un parti politique?

«Quand j’ai commencé à l’âge de 19 ans, j’étais déjà contente qu’on me propose une place au sein du parti. J’étais toute jeune, j’y allais pour écouter plus que pour participer. Je n’ai pas vraiment remarqué de différence entre les hommes et les femmes.

Par après, du moment qu’on est active, qu’on sait argumenter et se positionner, on est prise au sérieux et ça ne pose aucun problème.

Que pensez-vous des quotas?

«Je les trouve bien, parce qu’ils m’ont permis de faire mes premiers pas en politique.

Ils poussent les femmes qui n’osent pas vraiment. Après, du moment qu’elles font leurs preuves et montrent leurs capacités, leur position n’est pas contestée.

Je n’ai pas de problème à dire que je suis une ‘femme des quotas’, parce que je pense qu’au début, je l’ai sûrement été. J’étais jeune, une femme, il y a plusieurs critères qui ont pu entrer en ligne de compte lorsqu’on m’a demandé d’être candidate. Par la suite, ma présence allait de soi, sans prendre en considération les quotas.

Pour des femmes comme vous, les quotas ont donc été un élément déclencheur…

«Oui. J’ai pu observer que les hommes ne se remettent pas autant en question que les femmes. Ils ne doutent pas du fait qu’ils vont réussir. Les femmes ont moins tendance à se mettre en avant, à cause de beaucoup de facteurs: la famille, la conciliation vie professionnelle et vie familiale, le fait de devoir parler en public…

Par contre, quand une femme entre en politique, elle est sûre qu’elle va y rester. Il y a plus de fluctuations chez les hommes. Toutes les femmes à qui nous avons demandé de s’engager sont encore actives aujourd’hui, ce qui n’est pas le cas des hommes.

C’est aussi plus probable de perdre des hommes en route. Si le résultat électoral ne correspond pas à leurs attentes, ils sont rapidement frustrés et ne veulent pas poursuivre leur carrière en politique.

On est plus souvent critiqué que loué. Il faut vraiment être motivé.

Nathalie Morgenthaler, directrice du CET et échevine à Sanem

Donc les femmes sont plus persévérantes?

«Elles le font surtout par idéalisme, elles veulent faire changer les choses, et à tous les niveaux. Elles cherchent moins à être en tête de liste, elles comprennent l’importance de l’équipe pour réussir.

Lors de la création de notre programme électoral, nous avons fait des groupes thématiques, et chacun pouvait s’inscrire à celui qu’il voulait. Ça donne une réelle opportunité à tous les membres de contribuer au programme.

Ça doit être très enrichissant…

«C’est aussi frustrant. On est plus souvent critiqué que loué. Il faut vraiment être motivé.

Est-ce qu’il y a une politique de diversité à Sanem?

«Depuis que je suis élue, nous avons signé la Charte de la diversité, mais il y avait déjà un engagement marqué par rapport à l’égalité homme-femme.

En plus, nous avons mis en place un plan pour rendre les constructions plus accessibles (Masterplan Barrierefreies Bauen und Planen).

Ce ne sont pas les projets les plus médiatiquement attractifs, c’est un domaine dans lequel il faut toujours relancer l’engagement.

Au niveau du conseil communal, quel est le rapport entre le nombre d’hommes et de femmes?

«Dans le dernier, Nous étions huit femmes pour sept hommes. Maintenant, nous sommes huit femmes pour neuf hommes. Quand j’ai commencé, on était deux!

Ce n’est pas une faiblesse de demander de l’aide.

Nathalie Morgenthaler, directrice du CET et échevine à Sanem

Est-ce que la situation s’est améliorée naturellement ou est-ce que vous avez dû forcer le progrès?

«Je pense que les quotas aident à faire avancer les choses. Ils ne font pas en sorte que les électeurs votent différemment, mais ils font réfléchir à la composition des listes.

Comment faites-vous pour recruter des jeunes femmes qui seraient potentiellement intéressées?

«Il y en a qui se manifestent d’elles-mêmes, mais souvent, pour les convaincre, on va jusqu’à les recruter à la maison! Quand elles ont des doutes ou des réticences, nous prenons rendez-vous pour en parler et leur expliquer comment ça marche. C’est en discutant que leurs craintes diminuent un peu.

La représentation entre aussi en jeu: ça rassure de voir que c’est possible d’avoir une carrière en politique en tant que femme… J’ai moi-même 15 ans d’expérience!

Vous avez commencé très jeune, est-ce que vous vous êtes vous-même posé autant de questions?

«Je n’avais surtout pas des ambitions de carrière, je ne recherchais pas les voix. Mon engagement est devenu de plus en plus important avec le temps, mais je n’ai pas commencé parce que je me voyais à la tête du pays. 

Que diriez-vous à des femmes qui hésitent à s’engager?

«Pour les convaincre, il faut savoir leur proposer de l’aide.

Ce n’est pas une faiblesse de demander de l’aide, au contraire, je trouve ça bien.

Il faut aussi leur donner la possibilité de ne pas devoir faire des choses qu’elles n’aiment pas. Chacun trouve sa place selon ses compétences, si quelqu’un, par exemple, ne veut pas parler en public, on ne va pas le ou la forcer. Si quelqu’un se voit plutôt au deuxième rang, à aider et fournir les idées sans devoir parler, pour moi, c’est bien aussi.

Il faut faire ce dont on se sent capable, on ne force personne à aller au-delà.»

Le CV de Nathalie Morgenthaler en trois dates-clés:

  • 1999-2004: Licence et DEA (diplôme d’études approfondies) en sciences politiques à Louvain-la-Neuve et Liège.
  • 2003: Conseillère communale à Sanem à l’âge de 23 ans, en remplacement de Marcelle Lentz-Cornette (ancienne députée, également une idole).
  • 2008: Engagée en tant que première directrice du CET.

Retrouvez l’intégralité de la série #FemaleLeadership en cliquant ici.