Pierre Barreau, CEO d’Aiva, lors de son passage devant le jury de Pitch Your Startup. (Photo: Anthony Dehez)

Pierre Barreau, CEO d’Aiva, lors de son passage devant le jury de Pitch Your Startup. (Photo: Anthony Dehez)

Ce devait être une première mondiale. Mais la partition semble entachée par des notes dissonantes. La commande passée par le gouvernement via le ministère de la Culture auprès de la start-up Aiva Technologies dans le cadre de la fête nationale a déclenché une levée de boucliers de la Flac (Fédération luxembourgeoise des auteurs et compositeurs).

L’œuvre baptisée «Opus 23» doit en effet être diffusée durant l’avant-programme de la fête nationale à la Philharmonie. Une œuvre composée par les outils d’intelligence artificielle développés par la start-up qui a récemment gagné le concours Pitch Your Startup, signe d’une reconnaissance des experts de l’ICT.

Entendre le 23 juin prochain une œuvre «artificielle» semble inimaginable pour la Flac qui, dans une lettre ouverte adressée vendredi dernier au ministre de la Culture, pense «que la fête nationale mérite, pour la musique comme pour tout, une plus-value artistique et non technologique, une musique authentique, sincère et non un produit reproductible à l’infini pour toute occasion possible et imaginable». 

«Démissionnés unilatéralement»

Dans un communiqué de presse diffusé mardi, Aiva Technologies tient tout d’abord à rappeler qu’elle est compositrice sociétaire de la Sacem qui s’assure de la défense du mode de rémunération des compositeurs et auteurs.

Aiva Technologies ajoute que «tous les associés personnes physiques de la start-up Aiva Technologies ont été démissionnés unilatéralement, sans explication ni justificatif, de leur récente qualité de membre adhérent à la Flac. Ce genre de pratique va à l’encontre de l’ouverture préconisée par la start-up.»

L’équipe défend aussi son pedigree artistique «qui est un dénominateur commun des fondateurs de la start-up» qui développent un algorithme d’intelligence artificielle après avoir suivi les programmes de Luxinnovation et de Digital Lëtzebuerg. 

«Notre talent réside dans l’écriture des lignes de code qui vont elles-mêmes créer la musique. La Flac a-t-elle la prétention d’imposer une définition universelle de ce que représente l’Art?», s’interroge encore la start-up qui se demande qui sa création peut véritablement déranger. 

À qui profite la critique?

Et d’ajouter que «dans une optique de collaboration ambitieuse, nous serions ravis de débattre de toute question avec nos pairs, mais autant dire que nous sommes déçus des critiques relayées, aussi incompréhensibles qu’injustifiées. Le courrier officiel adressé par la Flac au ministre de la Culture n’est pas un reflet de l’opinion unanime de l’intégralité de ses membres. Nous nous interrogeons même sur la légitimité de ce courrier. À qui cette situation profite-t-elle très précisément, et pour quelle raison?»

Enfin, Aiva tient à préciser que la société est une sàrl de droit luxembourgeois créée en 2016 et fondée par des associés «tous de nationalité luxembourgeoise et/ou résidant à Luxembourg» pour dissiper tout malentendu quant à la représentation de l’œuvre dans le cadre de la fête nationale.

De son côté, le gouvernement assume son choix en indiquant que «le Luxembourg est un pays de la création artistique et en même temps un pays innovateur et une référence mondiale au niveau des nouvelles technologies, et il est clair que ces deux caractéristiques peuvent parfaitement coexister. Les festivités organisées à l’occasion de la fête nationale se prêtent particulièrement bien à mettre en évidence la richesse de l’esprit créateur que notre pays promeut dans tous les secteurs.»

À l’instar du secteur financier, la robotisation et l’usage de l’intelligence artificielle ne signifient pas la fin de l’intervention et de la créativité humaine, mais ouvrent de nouvelles voies. Gageons qu’une fois la polémique passée, les musiciens parviendront à s’accorder.