Werner Langen, Bernd Lucke et Sven Giegold ont bouclé leur mission d’observation au Luxembourg. Il reste en revanche du travail à faire. (Photo: Maison Moderne)

Werner Langen, Bernd Lucke et Sven Giegold ont bouclé leur mission d’observation au Luxembourg. Il reste en revanche du travail à faire. (Photo: Maison Moderne)

Sur les 403 intermédiaires luxembourgeois (banques, gestionnaires de fortune, cabinets d’avocats et avocats d’affaires) qui apparaissent dans la base de données des Panama Papers, la CSSF, la Commission de surveillance du secteur financier, s’intéresserait donc de près à 73 cas.

Pour conclure leur mission au Luxembourg ce vendredi, trois membres de la délégation de la commission Pana faisaient le point devant la presse luxembourgeoise. Le député européen écologiste, l’Allemand Sven Giegold, regrettait à l’occasion que la CSSF ne se pencherait pas sur la totalité des intermédiaires figurant dans les Panama Papers.

Oui, le Luxembourg a changé sa mentalité et a mis en place les règles nécessaires, estiment le président de la commission Pana, Werner Langen, et les députés européens Sven Giegold et Bernd Lucke. En revanche, contrairement au point de vue du gouvernement luxembourgeois, les députés européens estiment aussi que le Luxembourg n’a pas les moyens nécessaires pour appliquer les règles renforcées en matière de coopération administrative entre les États.

Note insuffisante

Certes, la CSSF disposerait avec 700 collaborateurs d’un effectif a priori adéquat pour effectuer le contrôle des banques. Werner Langen a en revanche souligné que les agents de la Commission de surveillance du secteur financier ne contrôleraient ni le shadow banking, ni les intermédiaires, ni les avocats.

Bernd Lucke, député européen indépendant, a ajouté que les 14 employés de la Cellule de renseignement financier (CRF) devraient traiter «environ 30.000 déclarations de transactions suspectes par an».

L’Ordre des avocats aurait, quant à lui, déclaré «seulement 25 cas suspects l’année dernière», ce qui indiquerait clairement une «disproportion par rapport aux banques».

Influence du gouvernement?

Un grand point d’interrogation demeure quant à l’information de nos confrères, selon laquelle le gouvernement aurait recommandé par mail à un avocat d’affaires de renoncer à l’invitation de la commission d’enquête Pana. Les députés européens ont exprimé leur espoir que la presse puisse vérifier cette information.

Sven Giegold a par ailleurs déploré qu’un membre du gouvernement qui apparaît dans les Panama Papers, en l’occurrence Guy Arendt, secrétaire d’État à la Culture, prétend ne jamais avoir reçu l’invitation de la commission. Le député européen écologiste trouve cela «peu plausible».

Werner Langen a en revanche reconnu que les invitations n’avaient éventuellement pas été envoyées correctement: «On va vérifier!»

Le cas Carlos Zeyen

Werner Langen a pour sa part évoqué l’affaire Carlos Zeyen. L’ancien vice-président de l’agence européenne de lutte contre le blanchiment avait démissionné sous la pression de la presse allemande, qui avait révélé en 2013 que son nom apparaissait dans le registre de commerce panaméen.

Le député européen du parti populaire indiquait vendredi que la commission avait tenté en vain de trouver l’adresse de Carlos Zeyen, qui a d’ailleurs ignoré l’invitation de la commission.

La politique fiscale européenne

Les travaux de la commission Pana sont encore loin d’être achevés. Les députés effectueront encore une visite aux États-Unis et pourront interroger le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker en sa qualité d’ancien Premier ministre et ministre des Finances luxembourgeois. Dans leur rapport, les députés formuleront des recommandations pour les États membres et les acteurs du secteur privé. Ils dédieront également une partie à des mesures renforcées pour protéger les lanceurs d'alerte.

Werner Langen a déploré que les questions d’harmonisation fiscale étaient par le passé bloquées par l’un ou l’autre pays. Sven Giegold a rajouté que, selon des comptes rendus allemands du groupe Code de conduite, une sous-commission du Conseil européen, le Luxembourg bloquerait des décisions d’harmonisation fiscale, répétant ainsi un article du Guardian en janvier. Le ministère des Finances avait réfuté ces accusations.