Marc Wengler: «Les nouvelles automotrices d’Alstom que nous avons commandées permettront à terme un certain degré d’automatisation pour optimiser la conduite.» (Photo: Jan Hanrion / Maison Moderne Publishing SA)

Marc Wengler: «Les nouvelles automotrices d’Alstom que nous avons commandées permettront à terme un certain degré d’automatisation pour optimiser la conduite.» (Photo: Jan Hanrion / Maison Moderne Publishing SA)

Le directeur général des CFL est en première ligne pour gérer les effets de l’introduction de la gratuité des transports publics au 1er mars. Une première étape sur le calendrier ambitieux de Marc Wengler (52 ans), qui veut faire entrer la société nationale dans une autre dimension d’ici 2024.

Retrouvez la première partie de ce grand entretien .

Le funiculaire de l’arrêt Pfaffenthal-Kirchberg en place depuis décembre 2017 vous donne-t-il satisfaction?

Marc Wengler. - «Nous réalisons un comptage automatique qui nous rapporte 10.000 voyageurs par jour. Nous avons observé une augmentation de 28% en comparaison avec la première année. C’est un grand succès, qui porte à 3,4 millions le nombre d’usagers depuis la mise en service du tram — ce qui prouve l’intérêt et le besoin d’infrastructures attractives, qui sont beaucoup appréciées.

À l’image du funiculaire, qui fonctionne de façon automatique, pourrait-on imaginer des trains autonomes à l’avenir?

«Je sais que c’est un grand sujet de discussion. Les nouvelles automotrices d’Alstom que nous avons commandées permettront à terme un certain degré d’automatisation pour optimiser la conduite, notamment en matière de qualité et de consommation d’énergie. Il s’agira d’une aide au conducteur, car il restera une intervention humaine dans nos trains. Cette évolution illustre la nécessité de redéfinir nos métiers, de les faire évoluer en fonction des avancées technologiques, qui prennent une place de plus en plus importante dans nos métiers cœurs, ce qui entraîne de nouveaux besoins en termes de compétences et de formation continue.

Le risque de voir des emplois disparaître est souvent évoqué dans des secteurs qui font face à une sorte de révolution technologique…

«Je ne crois pas, dans notre cas, à une perte d’emploi, bien au contraire. La technologie va entraîner le besoin de nouvelles compétences et va probablement créer de nouveaux types de métiers.

Comme dans toute entreprise, nous travaillons beaucoup sur la communication externe, mais aussi et surtout sur la communication interne.
Marc Wengler

Marc WenglerAiguilleur en chefCFL

Quelle place occupe la technologie dans votre stratégie de qualité?

«Elle est très importante. Nous avons d’ailleurs lancé un digital innovation lab, une opération de grande envergure pour tester le potentiel d’application des nouvelles technologies dans nos métiers et nos services.

Notre personnel est très intéressé par cette démarche, il est invité à y participer activement. Des projets pilotes concernent par exemple notre infrastructure. Nous avons équipé 400 appareils de voie avec des capteurs pour les gérer à distance et surtout connaître leur état de santé, afin d’intervenir en prévention plutôt qu’en cas de panne. C’est une maintenance prédictive facilitée grâce à la technologie.

Dans le fret, nous avons développé un système de traçabilité pour le transport combiné rail-route au départ du terminal multimodal de Bettembourg. Cela nous permettra d’offrir à nos clients B2B une traçabilité de la marchandise via un portail dédié. Un autre projet pilote concerne la visite technique du train avant son départ. Nous ambitionnons de la digitaliser complètement pour que la personne qui l’inspecte puisse faire ses rapports en temps réel afin d’optimiser les interventions. J’ajoute que nous avons mis en place un comité de pilotage dédié à la digitalisation, car c’est un enjeu qui nécessite une gouvernance aussi agile que possible.

Peut-on parler d’un changement culturel dans la gestion des CFL?

«Oui. C’est une approche qui porte ses fruits. Comme dans toute entreprise, nous travaillons beaucoup sur la communication externe, mais aussi et surtout sur la communication interne. Nous voulons que nos — collaborateurs soient de véritables ambassadeurs, ce qui passe par une certaine écoute, une volonté de les faire participer à notre stratégie. Nous avons aussi ouvert une application interne dédiée au personnel.

Comment s’est comportée l’activité fret en 2019?

«On peut parler d’un grand succès. Nous ne pouvons pas encore communiquer de données chiffrées, mais nous avons enregistré un des meilleurs résultats pour l’ensemble de nos activités fret, qui emploient 1.200 personnes dans un contexte concurrentiel. J’y vois le résultat d’un investissement d’une dizaine d’années dans notre infrastructure, mais surtout dans notre démarchage de la clientèle, notamment dans les foires et les salons professionnels. Nous pouvons maintenant dire que nous sommes «sur la carte» au niveau international.

Nous sommes passés d’une base d’une quarantaine de trains hebdomadaires en 2018 au départ de Bettembourg à 60 en 2019, et nous visons 70 trains en 2020. Nos connexions aux ports de Trieste en Italie et de Zeebrugge en Belgique ont concouru à cette tendance. En 2020, nous serons reliés à Poznań en Pologne, et nous venons de réaliser la connexion avec Kiel dans le nord de l’Allemagne. Nous sommes un acteur de taille moyenne, nous devons donc proposer des services sur mesure en jouant sur la valeur ajoutée plus que sur les gros volumes. Nous proposons un éventail assez large de services spécifiques, comme une agence en douane.

Nous sommes devenus le plus grand prestataire de carsharing au Luxembourg avec 42 stations et 100 voitures, contre 20 stations et 80 voitures au départ.
Marc Wengler

Marc WenglerAiguilleur en chefCFL

Sentez-vous déjà une influence de la question climatique sur vos activités?

«Le changement climatique est déjà un élément perturbateur puisque nous devons faire face à un nombre toujours plus important de non-disponibilités d’infrastructures ferroviaires à l’étranger en raison de la neige, d’éboulements ou encore d’inondations.

Quel est le bilan intermédiaire de Flex, votre solution de carsharing lancée début 2018?

«Nous sommes devenus le plus grand prestataire de carsharing au Luxembourg avec 42 stations et 100 voitures, contre 20 stations et 80 voitures au départ. Nous comptabilisons 2.500 abonnements, avec une attention portée non seulement au grand public, mais aussi aux entreprises et aux communes. Nous avons signé un important contrat avec PwC, qui a fait évoluer Flex vers un prestataire de partage de voitures en interne. Nous gagnons en maturité et en profondeur avec ce genre de partenariat. Il illustre notre ambition, à savoir proposer une solution complète et en même temps un moyen de faire venir l’automobiliste vers le service public. La possibilité d’une utilisation mixte, tant professionnelle que privée, des voitures Flex constitue un atout supplémentaire.

Vous voulez participer au changement d’image en matière de mobilité? Avec une part moins importante laissée à la voiture…

«Beaucoup de personnes utilisent la voiture individuelle, car ils en ont besoin une ou deux fois dans la semaine pour leurs besoins professionnels. Flex permet de promouvoir le service public en proposant de considérer le train ou le bus par défaut et de ne prendre la voiture que pour les trajets qui le nécessitent.

Vers une «marque CFL» toujours plus étendue?

«Nous voulons étendre notre présence sur toute la chaîne de mobilité, ce que nous faisons depuis des années. Le mouvement va s’accélérer, sachant que le client est demandeur d’une diminution des interfaces pour accéder à une mobilité qui devra s’envisager à l’avenir d’abord via le prisme des transports publics.»