Les algues vertes dégageraient, en se décomposant, un poison aussi radical que le cyanure. (Illustration: Éditions Delcourt)

Les algues vertes dégageraient, en se décomposant, un poison aussi radical que le cyanure. (Illustration: Éditions Delcourt)

Les algues vertes, ce cancer des plages de Bretagne qui menace le tourisme, est le secret le mieux gardé de la péninsule. Après des années d’enquête sur le terrain, Inès Léraud vient de faire la synthèse de la question dans un récit dessiné qui fait mouche.

Les plages de Bretagne renferment-elles un poison aussi dangereux que le cyanure? Malgré les efforts musclés des autorités régionales et des responsables de la filière agroalimentaire locale pour cacher le mal, le phénomène des algues vertes et de leur menace pour la santé a lentement percolé depuis quelques années. Face à la mauvaise foi des acteurs locaux, tentant de protéger pour les uns leur business, pour les autres la manne touristique, Inès Léraud s’est installée en centre-Bretagne à partir de 2015 pour mener l’enquête.

Peu à peu, les langues se sont déliées. Les témoignages et les documents accablants s’accumulant, elle vient de boucler son enquête sur ces algues probablement tueuses. Probablement, parce que, jusqu’à présent, malgré toutes les tentatives de révéler cette vérité, le doute a pu être préservé. Et l’activité économique maintenue sans devoir toucher à la filière alimentaire.

Une enquête menée sous la forme d’un récit dessiné. (Illustration: Éditions Delcourt)

Une enquête menée sous la forme d’un récit dessiné. (Illustration: Éditions Delcourt)

Pour rendre son récit accessible à tous, Inès Léraud a choisi la nouvelle méthode en vogue de l’enquête dessinée. «Algues vertes, l’histoire interdite» se présente ainsi sous la forme d’une bande dessinée, sous le crayon de Pierre Van Hove, complétée d’une série d’annexes reprenant documents officiels et courriers.

Elle nous explique la genèse de ces algues vertes, liées à la culture intensive et aux élevages industriels de porcs. Des activités qui se sont développées depuis le Plan Marshall de l’après-Seconde Guerre mondiale et ont offert à l’océan un cocktail explosif de phosphates et de lisier.

Un tueur silencieux

Les algues vertes n’en demandaient pas tant pour proliférer. Or, si elles ne sont pas ramassées et stockées, elles s’accumulent en couches sur les plages et se décomposent rapidement en un amas blanchâtre d’apparence inoffensive. Mais sous la surface, le processus de décomposition produit de l’hydrogène sulfuré (H2S), un gaz ultratoxique. Selon une comptabilité non officielle, trois hommes et une quarantaine d’animaux auraient succombé à ces émanations qui agissent avec la puissance du cyanure.

«Algues vertes» est un récit sans concession, mettant en cause de nombreuses personnalités du monde politique et de l’industrie française. En plus de nous avertir du danger de ces plantes marines, il montre, grâce à quelques dessins, la collusion qui peut se renforcer entre autorités économiques et politiques pour défendre une cause en imposant la loi du silence, le mensonge ou le déni.

Inès Léraud-Pierre Van Hove, «Algues vertes, l’histoire interdite» – La revue dessinée/Delcourt.