Larissa Best: «Que l’on ne s’y méprenne toutefois pas, il s’agit bien d’une démarche d’investissement financier et pas de mécénat ou de philanthropie comme pourrait le laisser penser l’appellation ‘angel’.» (Photo: Archives Maison Moderne)

Larissa Best: «Que l’on ne s’y méprenne toutefois pas, il s’agit bien d’une démarche d’investissement financier et pas de mécénat ou de philanthropie comme pourrait le laisser penser l’appellation ‘angel’.» (Photo: Archives Maison Moderne)

Placer son patrimoine dans de jeunes entreprises à fort potentiel, c’est tentant. Mais on ne s’improvise toutefois pas business angel. L’investissement est risqué et implique de procéder avec rigueur… et idéalement en réseau.

Quand on dispose d’un peu d’épargne, il peut être tentant d’investir dans une entreprise pour l’aider à concrétiser un projet ou à mettre en œuvre une idée. Ce désir de contribuer à des projets entrepreneuriaux est connu d’un nombre grandissant d’épargnants et d’investisseurs.

Certains franchissent le pas. Les possibilités de le faire sont multiples. ou encore, de manière ’’beaucoup plus directe, prendre des participations dans de jeunes entreprises à fort potentiel. C’est ce que font ceux que l’on appelle les business angels.

«Que l’on ne s’y méprenne toutefois pas, il s’agit bien d’une démarche d’investissement financier et pas de mécénat ou de philanthropie comme pourrait le laisser penser l’appellation ‘angel’, explique d’emblée , entrepreneuse, business angel et présidente du Luxembourg Business Angel Network (LBAN). Notre objectif est de soutenir financièrement de jeunes entreprises, à travers des prises de participation au capital, avec pour objectif de profiter d’un retour sur investissement à un horizon généralement établi autour de cinq années.»

Le goût du risque

Le business angel, en tant qu’investisseur privé, a le plus souvent un profil d’entrepreneur, de dirigeant d’entreprise ou de cadre. Il peut faire valoir une certaine expertise et une expérience dans un domaine d’activité particulier ou en matière de gestion. Cet «investisseur providentiel», comme on l’appelle aussi, est souvent de nature discrète et, la plupart du temps, très courtisé par les jeunes entreprises innovantes à la recherche de moyens.

Il faut généralement pouvoir apporter entre 10.000 et 50.000 euros
Larissa Best

Larissa Bestprésidente du Luxembourg Business Angel Network (LBAN)

«Le business angel dispose en outre d’un niveau de patrimoine relativement conséquent, poursuit Larissa Best. Pour investir dans une entreprise en développement, il faut généralement pouvoir apporter entre 10.000 et 50.000 euros. Toutefois, considérant la prise de risque et la forte probabilité qu’un investissement soit perdu, il est recommandé de mettre en place une stratégie d’investissement plus large incluant le plus souvent une dizaine de prises de participation.» Autrement dit, un business angel doit disposer d’un capital d’environ 250.000 euros qu’il est prêt... à perdre.

«On parle d’investissement très risqué. Ce n’est pas comme jouer au casino, mais presque, reconnaît la présidente du LBAN. On considère que, sur 10 entreprises dans lesquelles on va investir, six ou sept sont appelées à ne pas survivre ou à pivoter. On peut espérer que trois d’entre elles performeront suffisamment pour compenser les pertes occasionnées, d’une part, et profiter d’un rendement en rapport avec le risque pris d’autre part.» Le business angel doit donc investir en se fixant des objectifs de rendement ambitieux, «avec la volonté de récupérer au minimum 10 fois sa mise de départ».

Pour convaincre un business angel, un entrepreneur doit donc être en mesure de décupler la valeur du capital de son entreprise sur un horizon de cinq ans. «Malheureusement, beaucoup d’acteurs nous approchent en tant que business angel sans comprendre cet enjeu, insiste Larissa Best. Les projets présentant un tel potentiel de développement sont rares. C’est pour cela que, en tant que business angels, nous n’hésitons pas à chercher des opportunités à l’étranger, en nous rapprochant notamment d’autres réseaux d’investisseurs.»

L’expérience et le réseau

Comment appréhender un tel risque lorsqu’on est néophyte? Par l’expérience, tout d’abord, en commençant par essuyer quelques plâtres. Il est fort probable que la première prise de participation se solde par un échec cuisant, comme pourront en témoigner de nombreux business angels. Les bonnes pratiques peuvent aussi s’apprendre plus rapidement en se rapprochant d’autres investisseurs nourrissant des ambitions similaires. C’est notamment dans cette optique qu’a été constitué le LBAN. La structure veut mettre les investisseurs en réseau, faciliter la rencontre et le partage de bonnes pratiques.

La première recommandation que l’on peut formuler à quelqu’un qui souhaite investir en tant que business angel est de ne pas le faire seul.
Larissa Best

Larissa Bestprésidente du Luxembourg Business Angel Network (LBAN)

Mais surtout, le réseau veut offrir à ses membres des opportunités d’envisager ensemble des possibilités d’investissement. «La première recommandation que l’on peut formuler à quelqu’un qui souhaite investir en tant que business angel est de ne pas le faire seul, ajoute Larissa Best. En envisageant une opportunité en groupe de personnes venant de divers horizons, on limite les risques de se tromper. Tout le monde ne peut en effet pas être expert dans tous les domaines. S’appuyer sur diverses expertises permet de mener une analyse plus fouillée, en considérant à la fois des enjeux sectoriels, managériaux, techniques… Il est important de pouvoir évaluer chaque opportunité d’investissement suivant tous ces aspects afin de disposer des garanties suffisantes.»

L’équipe plus que l’idée

Plus que dans une idée, c’est dans une équipe de dirigeants qu’investissent les business angels. Si l’entreprise doit évidemment faire valoir un concept, un business plan et une étude de marché, c’est en démontrant une réelle capacité de l’équipe à réaliser le projet qu’elle parviendra à convaincre. «Des idées, tout le monde en a... Mais si on n’est pas en mesure de les concrétiser, elles ne valent rien», commente Larissa Best. À ce niveau, c’est aussi l’expérience et le réseau des porteurs du projet qui permettront de faire la différence.

«De manière générale, on fera moins confiance à des jeunes, justement parce qu’ils ne peuvent pas faire valoir une expertise, qu’ils n’ont pas forcément tous les bons contacts nécessaires, précise la présidente du LBAN. Je considère que c’est le réseau qui contribue à la réussite d’un projet à hauteur de 80%. Il est important que les entrepreneurs dans lesquels nous investissons disposent des contacts utiles pour ouvrir des portes. Le client ne vient pas tout seul.»

Cela peut devenir plus intéressant si l’entrepreneur, tout en étant visionnaire, parvient à engager le changement de manière incrémentale.
Larissa Best

Larissa Bestprésidente du Luxembourg Business Angel Network (LBAN)

Face au projet, il est aussi important que l’investisseur puisse en comprendre tous les tenants et aboutissants. Si l’idée vous paraît trop innovante, mieux vaut passer son chemin. «De tels projets trop novateurs, en décalage par rapport à une réalité de marché, sont, pour la plupart, voués à l’échec, explique Larissa Best, précisant au passage qu’une société à fort potentiel n’est pas forcément technologique. Cela peut devenir plus intéressant si l’entrepreneur, tout en étant visionnaire, parvient à engager le changement de manière incrémentale, en procédant par étapes vers un objectif plus lointain et en trouvant les moyens de générer de la valeur à chacune d’elles.»

Nos anges de l’entreprise, malgré le nom, ont souvent les pieds bien ancrés dans la réalité économique. Ils préféreront souvent le manager au visionnaire.

Laisser de côté les sentiments

La phase d’analyse est toujours cruciale et doit être menée scrupuleusement. Les entrepreneurs à la recherche de moyens sont en effet nombreux. Les business angels, de leur côté, sont encore rares et ne disposent pas de fonds illimités.

Aussi les entrepreneurs multiplient-ils les démarches de séduction pour les convaincre. Pour s’en rendre compte, il suffit de prendre part à l’une des très nombreuses sessions de pitchs organisées régulièrement ici et là.

Tout le monde se présente sous son meilleur jour. C’est pourquoi il faut procéder avec rigueur lors de la due diligence et se détacher de toute considération sentimentale.
Larissa Best

Larissa Bestprésidente du Luxembourg Business Angel Network (LBAN)

«Tout le monde se présente sous son meilleur jour. C’est pourquoi il faut procéder avec rigueur lors de la due diligence et se détacher de toute considération sentimentale, assure Larissa Best. Investir sur un coup de cœur, c’est faire acte de philanthropie. En tant que business angel, il faut idéalement pouvoir développer sa propre stratégie d’investissement, en considérant des enjeux de diversification à travers deux/trois secteurs, en cherchant éventuellement des projets complémentaires. Le défi, ensuite, est de se tenir aux objectifs que l’on s’est fixés.»

Au-delà de l’appât du gain

Investir dans des jeunes entreprises constitue toujours un pari risqué. Souvent, cependant, les business angels sont motivés par d’autres raisons que la seule volonté d’obtenir du rendement.

«Soit on aime ça, soit on ne le fait pas, conclut Larissa Best. C’est tout un écosystème, et une démarche active à laquelle il faut adhérer. Il faut aimer aller à la rencontre des autres, échanger, challenger, construire ensemble. Il y a une dimension sociale forte dans cette approche. L’enjeu, pour réussir, est de parvenir à réunir les bonnes personnes.»

On peut comprendre alors que l’enrichissement recherché à travers de tels investissements n’est pas uniquement financier.