«Pour garder la jeune génération en entreprise, il faut être à l’écoute, ouvert d’esprit et évoluer avec son temps (#digital).» (Photo: DR)

«Pour garder la jeune génération en entreprise, il faut être à l’écoute, ouvert d’esprit et évoluer avec son temps (#digital).» (Photo: DR)

En amont de l’événement 10x6 Talents: Next Generation organisé par le Paperjam Club le jeudi 10 septembre au Domaine thermal de Mondorf-les-Bains, l’une des oratrices, Manon Aubry (RSM Luxembourg), partage sa vision du travail.

Selon vous, en quoi la perception du travail des générations Y et Z diffère-t-elle de celle des générations précédentes?

Manon Aubry. – «Toutes générations confondues, le travail reste majeur dans la vie d’un individu. Mais l’idée de tout sacrifier pour son travail est un peu dépassée de mode, n’est plus dans l’air du temps. Les générations Y et Z placent la santé et le bien-être avant tout.

Travailler oui, mais en étant heureux. Cela implique un métier que l’on aime, travailler dans une bonne ambiance, profiter de sa vie de famille, aller faire du sport, aller au cinéma (ou regarder Netflix)… Le travail fait partie intégrante de notre vie, il n’y a plus vraiment une ‘vie au bureau’ et une ‘vie à la maison’. D’ailleurs, c’est encore plus vrai depuis la crise sanitaire et le télétravail qui en découle!

Il y a quelques années, il y avait moins de femmes sur le marché professionnel, on travaillait pour vivre et les sacrifices étaient une norme. Le travail servait à nourrir la famille, payer le crédit de la maison…

Mon grand-père dit souvent ‘de mon temps, on restait dans la même boîte toute notre vie, aujourd’hui, vous changez de travail comme de chemise’. Et c’est plutôt vrai! Nous avons le luxe de pouvoir choisir et d’aller là où un équilibre est proposé, là où la parole est donnée, là où il est agréable de travailler et où nous pouvons nous projeter dans l’avenir.

Quelles motivations intrinsèques sont vectrices d’engagement pour un millennial?

«Apporter un équilibre

Une question qui revient souvent en entretien est la suivante: ‘Est-ce que vous faites beaucoup d’heures supplémentaires?’. C’est une question que la génération précédente n’aurait jamais osé poser. Aujourd’hui, c’est complètement normal.

Les jeunes sont conscients qu’ils vont devoir travailler plus longtemps que la précédente génération; plus question d’accepter ‘métro, boulot, dodo’; concilier vie professionnelle et vie privée est une priorité. Mais ne soyons pas dupes; toutes les générations ont cette prise de conscience. Cette remise en cause a profité également aux précédentes générations (X et baby-boomers).

Le travail est source d’épanouissement personnel, au même titre que les loisirs et la famille: il faut donc concilier les deux. Les hommes et les femmes veulent profiter du congé parental, s’occuper de leurs enfants, aller faire du sport…

Attention, cela ne veut pas dire que les jeunes ne veulent pas travailler; il s’agit uniquement de placer le curseur au bon endroit.

Avoir un environnement de travail agréable

Nous passons beaucoup de temps au bureau, alors autant que cela se passe bien.

Ce qui me plaît chez RSM, c’est avant tout l’ambiance. Je travaille avec une superbe équipe et ce côté ‘familial’ me plaît beaucoup. L’essence même de la société repose là-dessus.

Cet esprit est inculqué par le top management et se ressent dans toute la société. Le côté familial (presque convivial) plaît beaucoup aux jeunes générations. Nous voulons nous sentir bien le matin en venant au travail et sommes heureux de retrouver nos collègues (au bureau ou à un afterwork). Chez RSM, nous organisons régulièrement des sorties (team building, soirée à thème). Cela s’organise très naturellement et fait partie de l’ADN de l’entreprise.

L’esprit d’équipe est une valeur commune. Cela passe par les collaborateurs et également par la confiance octroyée par l’employeur.

Travailler ENSEMBLE est une priorité pour beaucoup.

Être utile et contribuer

Trouver un sens à son métier, ses actions, son entreprise est un des principaux critères du millennial pour accepter un poste et y rester. Il mesure l’impact qu’a son employeur et l’impact qu’a le collaborateur au sein de la société. Les millennials veulent se sentir engagés et en adéquation avec les valeurs de leur entreprise et leurs propres valeurs.

La jeune génération veut apporter sa contribution et pas seulement être un numéro parmi tant d’autres. Ils veulent laisser une trace et donnent leur avis sur une organisation ou une situation, nous sentons cette génération qui s’exprime, qui dit les choses sans filtre ou presque. Une société qui a un management collaboratif aura un succès plus certain avec les millennials et la génération suivante.

L’ère du «vivre (mieux) ensemble» est complètement ancrée. Le mouvement n’est pas seulement professionnel mais également global: on le constate en politique, écologie…

Avoir un coach, pas un patron

Vous l’aurez surement constaté, les générations Y et Z n’ont pas leur langue dans leur poche: elles s’expriment et donnent leurs avis.

Le digital est passé par là et a renforcé la communication horizontale.

Le style classique du boss qui commande et contrôle, c’était peut-être bon avant; mais plus maintenant. Un supérieur sera respecté pour ses compétences (y compris techniques), il doit comprendre, soutenir et conseiller ses équipes. Un mentor en quelque sorte.

Pour garder la jeune génération en entreprise, il faut être à l’écoute, ouvert d’esprit et évoluer avec son temps (#digital).

Votre âge vous a-t-il déjà porté préjudice dans le monde du travail?

«Oui. Je me souviens avoir été ‘l’ovni’ lors de certains networking events (d’ailleurs certains collègues de la génération X pourront confirmer): j’étais souvent la seule jeune (femme).

Être une femme jeune dans le monde de la finance à Luxembourg n’était pas si simple ni évident.

J’avais l’impression de devoir faire deux fois plus d’efforts pour démontrer mes compétences.

Est-ce une barrière que je me suis mise moi-même? Peut-être; mais je constate quand même que les jeunes hommes ne pensent pas comme cela: ils foncent et ne se posent pas la question du jugement d’autrui. Avec l’expérience (et le temps), j’ai appris à en faire de même.

Je pensais qu’en prenant de l’âge, cela passerait. Mais ma promotion au grade de manager n’a pas été bien vue par tout le monde. Pour certains, la promotion va de pair avec l’âge. Mais les collaborateurs sont promus pour leurs compétences et non pas uniquement pour la prise de cheveux blancs.

Cependant, cela fait maintenant plus de 6 ans que j’ai débuté ma carrière et j’ai pris davantage confiance en moi. Il faut dire que je grandis (ou vieillis!) et la question se pose moins.

Et puis cette réticence envers la jeune génération existe depuis la nuit des temps et ce n’est pas près de changer.»