Yves Knel: «Les acteurs du marché immobilier reconnaissent l’importance des aspects sociaux et durables.» (Photo: Romain Gamba/Maison Moderne)

Yves Knel: «Les acteurs du marché immobilier reconnaissent l’importance des aspects sociaux et durables.» (Photo: Romain Gamba/Maison Moderne)

Si le bureau est la classe d’actifs privilégiée des investisseurs institutionnels, ceux-ci considèrent avec un intérêt croissant des biens d’une autre nature… Yves Knel, partner chez Deloitte Luxembourg, évoque ces tendances.

Les fonds immobiliers ont souvent considéré les immeubles de bureaux comme des actifs privilégiés. Dans quelle mesure cherchent-ils désormais à diversifier leur portefeuille? 

Yves Knel. – «Il est vrai que nous observons, tant au Luxembourg qu’à l’international, que les investisseurs réévaluent les opportunités de création de valeur dans l’immobilier traditionnel. Ils s’intéressent de plus en plus aux secteurs alternatifs afin de diversifier leur risque et d’assurer la pérennité de leur portefeuille. La situation économique globale a évolué, avec notamment une augmentation des risques d’inflation. Par conséquent, l’obtention de performances qui intègrent l’inflation est devenue une priorité pour eux. 

Comment se traduit ce mouvement de diversification? 

«Il se traduit par des investissements dans des secteurs alternatifs de type résidentiel, logistique, centres de données, installations de ‘self-storage’, logements étudiants, etc. Cette tendance est aussi reflétée par l’étude REIF Survey 2021 de l’Alfi qui identifie que 47% des fonds d’in­ves­tissement immobiliers ont une stratégie multisectorielle. Par exemple, des compagnies d’assurances traditionnellement investies dans l’immobilier de bureaux sécurisé sur le long terme investissent désormais dans du résidentiel à vocation locative (coliving, blocs de résidence complets).

Dans quelle mesure la période de la pandémie de Covid a-t-elle amené les investisseurs ­immobiliers à repenser leur stratégie et notamment le choix des actifs dans lesquels ils investissent? 

«La pandémie a, en effet, fortement influencé le marché et impacté certains segments de l’immobilier. Certains investisseurs se mettent dans une position d’attente, observant comment le marché va évoluer. D’autres ont opté pour une diversification accrue, en investissant dans des actifs à haute valeur ajoutée ou de manière opportuniste. Certains actifs deviennent également obsolètes, ce qui pousse les gestionnaires de fonds à revoir leur utilisation.

Par ailleurs, les acteurs du marché immobilier reconnaissent l’importance des aspects sociaux et durables. Dès lors, ils participent à la réhabilitation d’espaces publics, de logements abordables, de logements sociaux ou de centres de soins. Cela dit, l’appétit des investisseurs pour l’immobilier reste intact. Pour preuve, le fait que les investisseurs institutionnels sont toujours en dessous de leur objectif d’allocation de 10% (8,9% selon l’INREV, Investors in non-listed real estate vehicles) et veulent déployer plus de capital. Le montant des actifs sous gestion des fonds immobiliers luxembourgeois régulés (principalement paneuropéens) atteint de nouveaux sommets. 

À quels critères sont attentifs les investisseurs dans la sélection de leurs actifs? 

«Les investisseurs en immobilier de bureaux prêtent de plus en plus attention à la flexibilité des espaces de travail et aux possibilités de réaffectation des espaces de bureaux existants et de modification de l’aménagement des bâtiments, afin de répondre aux nouveaux besoins liés au télétravail notamment. Ceci est alimenté par la crainte d’acquérir un bâtiment obsolète.

Les critères ESG deviennent également prépondérants dans les politiques d’investissement. Les investisseurs sont idéalement placés pour jouer un rôle dans la réduction des effets du changement climatique. Sur le volet environnemental, il s’agira d’être attentif à la consommation d’énergie et à la réduction des émissions de CO2 des immeubles. Tandis que sur le volet social et sur celui du bien-être des occupants de l’immeuble, il s’agira de proposer des services adaptés à leurs besoins en fonction du type d’activité et de la destination de l’immeuble. Le critère de gouvernance intègre, lui, un certain niveau d’éthique (y compris dans le domaine fiscal) quant à la réalisation des investissements, mais également à la maîtrise des risques associés à ceux-ci. 

Quelles autres tendances peut-on évoquer lorsque l’on considère les politiques d’investissement dans l’immobilier? 

«On constate un intérêt croissant des investisseurs pour la technologie utilisée dans la construction et la gestion des immeubles, au service d’une approche plus respectueuse de l’environnement, de la santé et du bien-être. 

La fiscalité internationale continue d’évoluer avec de nouvelles règles de plus en plus complexes qui peuvent avoir un impact sur le rendement et la décision d’investissement. Il sera donc important de bien comprendre les impacts fiscaux qui résulteront d’une acquisition et de la structuration juridique associée (soit en direct, soit via une société ou un fonds), mais aussi d’évaluer correctement le financement ainsi que la stratégie de sortie en sus des obligations fiscales récurrentes.  

L’immobilier étant par nature illiquide, investir dans un fonds ouvert offre davantage de flexibilité pour entrer et sortir de l’investissement au niveau du fonds sur la base de la valorisation des parts du fonds.»

Cet article a été rédigé pour  paru le 23 février 2022 avec  

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