La commission présidée par André Bauler votera le budget 2019 à la mi-avril. (Photo: Jan Hanrion / Maison Moderne)

La commission présidée par André Bauler votera le budget 2019 à la mi-avril. (Photo: Jan Hanrion / Maison Moderne)

Président de la commission des finances et du budget, mais aussi rapporteur du budget 2019, le député André Bauler (DP) a rencontré la rédaction de Paperjam voici peu. Une occasion d’évoquer son travail, mais aussi les défis auxquels le Luxembourg fait face.

(DP) est un homme très occupé. Président de la commission des finances et du budget, il est également rapporteur du budget 2019, celui qui présentera le travail de la commission, et son temps est donc compté. «Habituellement, le budget de l’État est déposé en octobre pour être voté fin de l’année. Cela n’a pas été possible, puisqu’il y avait les élections. Finalement, il l’a été le 5 mars. Si bien qu’on a peu de temps pour tout faire, un mois de moins environ qu’habituellement», explique-t-il. Les réunions s’enchaînent donc à bon train, puisque «la dernière doit avoir lieu le 5 avril pour un vote au sein de la commission à la mi-avril, pour ensuite un vote en plénière le 25 avril».

La digitalisation concerne beaucoup le domaine RH

Privilège du rapporteur: il peut articuler son rapport autour d’un thème qui lui tient à cœur. André Bauler a fait le choix d’évoquer la digitalisation. «Je l’envisage comme un processus qui se réalise, qu’on le veuille ou non», poursuit André Bauler. «Nous devons en tant que pays de taille réduite reconnaître que c’est un défi majeur et nous préparer à ce défi, y préparer la société tout entière, y préparer notre économie... Pour cela, on doit saisir les chances, les potentialités et les saisir au mieux.

C’est en cours depuis quelques années. Le Liechtenstein, petite place financière, a expliqué récemment se préparer face à la blockchain, sujet encore très abstrait pour certains. Mais cette technologie nous interpellera tôt ou tard et nous devons y préparer la Place. Ce sont surtout les gens actifs dans le domaine RH qui doivent être prêts, car on évoluera en se formant. La digitalisation n’est pas une fin en soi, car des changements il y en aura encore et cela ira de plus en plus vite.» Les entreprises aussi devront évoluer. André Bauler en convient. «Certaines sont déjà prêtes, ont fortement évolué... D’autres sont encore ‘followers’. Il ne faut plus tarder.»

Certaines procédures administratives, par rapport à d’autres pays, sont un peu médiévales.

André Baulerrapporteur du budget 2019

L’administration publique ne pourra évidemment rester à quai. «C’est indispensable, mais aussi très compliqué, car certaines procédures ne sont pas simples. Mais on ne peut échapper aux changements», confirme André Bauler. Qui comme exemple évoque l’administration fiscale et, sans doute à terme, le seul traitement électronique des déclarations de revenus. «Parfois, on imprime sa déclaration, on l’envoie à l’administration et un agent l’encode. Par rapport à ce qui se fait dans certains pays, comme l’Estonie, certaines procédures sont un peu médiévales.»

Des investissements devront donc être consentis en ce sens. Ce sera, par exemple, le cas en faveur du bâtiment de l’administration au boulevard Roosevelt, «qui sera rénové, et cela en tenant compte des besoins techniques de la digitalisation». Cette digitalisation coûtera-t-elle des postes de fonctionnaires? «Difficile à dire, mais il y aura sans doute une évolution des profils. Je vois plus la digitalisation comme un instrument, afin de faciliter les choses pour les citoyens et de gagner du temps pour l’État.»

Créer un environnement favorable aux investissements

Les années à venir seront aussi celles de quelques grands défis à relever, notamment dans le domaine de la mobilité ou du logement. «Mais aussi du renforcement du pouvoir d’achat, surtout de ceux qui ont des revenus faibles ou modestes», note André Bauler. «Il faut donc créer un environnement favorable aux investissements, afin de répondre à cette demande d’équité sociale. Permettre d’investir, comme c’est le cas maintenant, à des taux historiquement bas, c’est préparer l’avenir.»

De manière anticipative, le Luxembourg devrait-il se doter d’un fonds souverain contre-cyclique comme l’a fait l’Irlande, afin de faire face à des années peut-être moins bonnes? «On a aussi créé un fonds intergénérationnel, de 50 millions d’euros par an. On aurait dû le faire au temps des vaches grasses, fin des années 90. Mais nous n’avons pas été totalement inactifs. On pourrait en effet investir un milliard de moins et le mettre dans ce fonds. Notre choix politique est d’investir maintenant pour profiter de cette période intéressante, et de générer des revenus pour demain. On investit pour préparer l’avenir, en sachant que même au Luxembourg, le soleil ne brille pas toujours.»

Ministre un jour? «Je me concentre sur mon travail de député et de rapporteur. Mais chez Dieu, rien n’est impossible», dit André Bauler. (Photo Jan Hanrion/ Maison Moderne)

Ministre un jour? «Je me concentre sur mon travail de député et de rapporteur. Mais chez Dieu, rien n’est impossible», dit André Bauler. (Photo Jan Hanrion/ Maison Moderne)

Pour se donner des moyens supplémentaires, ne faudrait-il pas faire évoluer la taxe d’abonnement des fonds? «Elle rapporte un milliard par an, pour 800 millions par le passé. Ce sera discuté en commission dans un avenir proche. Et avant de me forger un avenir, je vais d’abord écouter le ministre des Finances, .» 

Le fameux «mur des pensions» et les problèmes que certains annoncent à terme? «Je suis heureux que le CSV s’en rende compte maintenant», ironise un peu André Bauler. «Le gouvernement n’est pas aveugle. Quand on a réformé les pensions, des mécanismes automatiques de veille ont été mis en place et des clignotants se verront si un vrai problème risque d’arriver.»

Le ministère des Finances a fait du bon travail, afin de préparer l’avenir de la place financière.

André Baulerrapporteur du budget 2019

Enfin, André Bauler estime que, plus que de compétitivité, il faut que le Luxembourg développe surtout son attractivité. «L’attractivité est un tout, pas seulement un élément fiscal. Il y a la culture, le patrimoine... Si le Luxembourg offre une bonne qualité de vie à ses citoyens et investit dans des domaines comme la mobilité ou la digitalisation, son attractivité sera plus forte et sa compétitivité aussi.» L’âge d’or du Luxembourg n’est donc pas passé, «car le Luxembourg a toujours su se transformer, évoluer. On joue davantage aujourd’hui sur les compétences et la transparence que sur des niches de souveraineté que nous avons bien développées dans les années 80 ou 90. Le ministère des Finances a fait du bon travail, afin de préparer l’avenir de la place financière.»

Sérieux, rigoureux, prudent, connaissant bien ses dossiers, fin politique, André Bauler se voit-il un jour ministre, comme certains le lui prédisent? La réponse est évidemment mesurée: «Je me consacre à ma tâche de député, je fais mon travail de rapporteur et on verra ce qu’il se passera. Mais chez Dieu, rien n’est impossible.»