Pour Damien Petit, l’investisseur se doit de considérer avec la plus grande attention le prix auquel il acquiert un actif, car le prix payé constitue un élément déterminant du rendement à long terme. (Photo: Jan Hanrion / Maison Moderne)

Pour Damien Petit, l’investisseur se doit de considérer avec la plus grande attention le prix auquel il acquiert un actif, car le prix payé constitue un élément déterminant du rendement à long terme. (Photo: Jan Hanrion / Maison Moderne)

Comment placer vos économies sur les marchés financiers dans un environnement de plus en plus incertain? Damien Petit, head of private banking investments à la Banque de Luxembourg, vous livre ses conseils de pro.

Les incertitudes économiques, notamment liées aux et au , sont au cœur des préoccupations des investisseurs ces derniers mois. Les indicateurs de confiance et les données d’activité confirment un ralentissement cyclique de l’économie mondiale.

Celui-ci intervient dans un environnement marqué par un potentiel de croissance très affaibli. L’évolution démographique moins favorable, la faible progression de la productivité ou encore le niveau record de l’endettement pèsent en effet sur la dynamique économique. Dès lors, comment investir en 2020? En respectant un certain nombre de grands principes qui vous permettront d’éviter les faux pas.

Définir son profil de risque de manière adéquate

Si la volatilité constitue un phénomène normal, elle n’est toutefois pas ressentie de manière identique par l’ensemble des investisseurs. Il est dès lors crucial de définir avec la plus grande diligence l’aversion au risque (et à la perte) de l’investisseur.

Celui-ci devra opter pour une stratégie d’investissement en adéquation avec son profil de risque. Une allocation d’actifs plus défensive – avec une exposition limitée aux actifs les plus risqués – et dès lors moins volatile réduira toutefois mécaniquement le rendement attendu pour l’investisseur, particulièrement dans l’environnement de taux négatifs en zone euro.

Quels sont les différents principes d’investissement permettant d’augmenter la probabilité d’atteindre l’objectif de rendement attendu d’un portefeuille géré tout en limitant la volatilité?

Diversifier son portefeuille

Diversifiez d’abord géographiquement vos portefeuilles. À la Banque de Luxembourg, notre allocation stratégique au niveau de la poche actions repose ainsi sur le poids économique des différentes zones – les produits intérieurs bruts – et non sur les capitalisations boursières. Une concentration excessive au sein d’une zone géographique peut en effet s’avérer très dangereuse. L’investisseur se remémore-t-il, par exemple, la forte contre-performance du marché américain entre 2000 et 2010?

Diversifiez également vos portefeuilles en introduisant, au sein de la poche actions, des entreprises de petite et moyenne taille. Ce segment de marché est trop souvent ignoré par les investisseurs. Au sein de nos portefeuilles gérés, les entreprises affichant une capitalisation boursière inférieure à 15 milliards d’euros représentent environ 40% de notre exposition actions.

Celles-ci présentent différents atouts: elles sont généralement moins suivies par les analystes et peuvent être considérées comme des proies intéressantes pour de plus grands groupes en mal de croissance. Ainsi, au cours des trois dernières années, pas moins de sept entreprises (sur 50) ont fait l’objet d’un rachat au sein de notre poche américaine. L’exposition internationale à ce segment de marché améliore le couple rendement/risque du portefeuille.

Choisir des actifs de qualité

Investissez dans des actifs de qualité. Au sein des actions, les entreprises sur lesquelles nous nous positionnons doivent satisfaire un certain nombre de critères. Ces entreprises bénéficient notamment d’un modèle d’activité transparent ainsi que d’un ou plusieurs avantages compétitifs durables (une technologie, des brevets, un vaste réseau de distribution…) qui viennent protéger une rentabilité élevée. Ces entreprises disposent par ailleurs d’une forte capacité à générer des flux de trésorerie.

Au niveau obligataire, nous évitons les investissements dans la dette d’entreprises de type high yield, soit de la dette émise par des entreprises présentant une structure bilantaire fragile.

Cette stratégie visant à investir dans des actifs de qualité – à prix raisonnable – permet d’éviter les pertes définitives en capital (de type Thomas Cook par exemple).

Se projeter à long terme

Nous insistons sur l’importance de l’horizon de placement. Le temps est en effet l’allié de l’investisseur. La volatilité d’un portefeuille se réduit mécaniquement avec l’horizon de placement. Ainsi, le rendement annualisé du S&P 500 sur une période de 30 ans affiche une volatilité nettement plus limitée que sur des périodes de 1 et 10 ans! Il est également intéressant de constater que l’investisseur qui aurait misé sur les actions américaines à la veille de la grande crise de 1929 aurait tout de même vu son rendement annualisé sur 30 années atteindre les 8%.

Procéder à des ajustements tactiques

Maintenir les investissements dans la durée ne signifie toutefois pas que des mouvements tactiques, d’ampleur limitée, de sur- et sous-­pondération des différentes classes d’actifs soient inopportuns. Ce calibrage de portefeuille repose principalement sur les niveaux de valorisation tant absolus que relatifs.

À titre illustratif, la contraction des niveaux de valorisation sur les marchés actions observée durant les trois derniers mois de l’année 2018, couplée à l’absence de risque imminent de récession, nous ont incités à renforcer significativement notre exposition actions au sein de nos portefeuilles gérés.

Ne jamais perdre de vue le prix payé

Ici aussi, il est crucial d’opter pour une vision à long terme. Ainsi, le lien entre la valorisation des marchés actions et la performance à court terme est très faible. Cela signifie qu’un marché chèrement (attractivement) valorisé peut afficher d’excellentes (piètres) performances dans les mois qui suivent. Par contre, cette relation entre les deux variables (valorisation et performance) se renforce considérablement lorsque l’horizon de temps augmente. Sur une période de 10 ans, ce lien devient très étroit: des valorisations élevées se traduisent par un rendement réalisé généralement faible, et inversement.

L’investisseur se doit de considérer avec la plus grande attention le prix auquel il acquiert un actif, car le prix payé constitue un élément déterminant du rendement à long terme.

Cette approche de construction de portefeuille, reposant sur différents principes simples, appliqués de manière systématique, protège de nombreux biais émotionnels et cognitifs qui altèrent trop souvent le jugement des investisseurs: conformisme, excès de confiance, illusion de contrôle…

Le bon moment pour vendre?

Dans un contexte économique morose, l’excellente performance des marchés actions ces derniers mois incite de nombreux investisseurs à s’interroger sur l’opportunité de sortir massivement des marchés afin de se prémunir d’une potentielle correction à venir. Mais le market timing, exercice visant à tenter d’anticiper l’évolution des marchés à court terme, est-il pour autant pertinent?

S’écarter fortement de son allocation stratégique expose l’investisseur à des conséquences potentiellement néfastes. Le coût d’opportunité d’une sortie des marchés (ou de l’absence d’investissement) peut en effet s’avérer très significatif! L’exemple ci-dessous illustre ce risque.

Entre janvier 2003 et septembre 2019, un investisseur sur le marché européen des actions a obtenu un rendement annualisé de 6,5%. Toutefois, si cet investisseur rate les 10 (30) meilleures séances boursières – ces 10 (30) séances représentant moins de 1% de l’ensemble de la période considérée –, son rendement annualisé s’en trouve nettement réduit, passant de 6,5% à 2,4% (-1,8%)! Comme l’a si bien dit le grand investisseur américain Peter Lynch: «Beaucoup plus d’argent a été perdu en anticipant les corrections de marché que lors des corrections elles-mêmes!»