Vincent Ingham, Directeur des affaires réglementaires de l’EFAMA (European Fund and Asset Management Association). (Photo: Maison Moderne)

Vincent Ingham, Directeur des affaires réglementaires de l’EFAMA (European Fund and Asset Management Association). (Photo: Maison Moderne)

En dépit de la crise du Covid-19, le secteur des fonds d’investissement a poursuivi sa progression en 2020. Ses acteurs devront toutefois relever de nombreux défis dans les prochains mois. Pour Vincent Ingham, Directeur des affaires réglementaires de l’EFAMA (European Fund and Asset Management Association), Luxembourg est en bonne position pour y faire face.

18,8 mille milliards (ou trillions) d’euros. C’est le montant des actifs sous gestion en Europe, dans le secteur des fonds (AIF et UCITS). Un montant jamais atteint auparavant, qui est en croissance constante depuis une décennie. Selon les chiffres de l’EFAMA (European Fund and Asset Management Association), les actifs sous gestion ont connu une augmentation de 119% sur la dernière décennie, en progressant chaque année de 8,2% en moyenne. La faiblesse des taux d’intérêt, qui n’a fait que se confirmer au cours de cette période, explique en partie ce succès que même la crise du Covid-19 n’est pas parvenue à ternir durablement.

Une tendance verte et transfrontalière

Au-delà des résultats chiffrés, différentes tendances sont également apparues dans le secteur des fonds ces dernières années. «La distribution des actifs entre actions, obligations ou autres fonds n’a pas fondamentalement évolué sur la dernière décennie. Par contre, on constate, depuis 2016, un réel appétit des investisseurs pour les fonds ESG, qui s’est renforcé en 2019 et 2020. Aujourd’hui, les actifs placés dans ce type de fonds atteignent un montant de 1,2 trillion d’euros. Les fonds ETF connaissent par ailleurs eux aussi une forte croissance», détaille Vincent Ingham, Directeur des affaires réglementaires de l’EFAMA.

La distribution transfrontalière de fonds est également en croissance continue, et cette tendance est plutôt une bonne nouvelle pour la Place luxembourgeoise, qui s’en est fait une spécialité. «Aujourd’hui, les fonds européens transfrontaliers représentent 47% du total des actifs sous gestion, alors que ce chiffre n’était que de 39% il y a dix ans», commente Vincent Ingham. «De plus, une fraction significative de ces fonds est distribuée hors Europe, ce qui montre que le label UCITS est encore très attractif.»

Financer les retraites va devenir de plus en plus compliqué.
Vincent Ingham

Vincent InghamDirecteur des affaires réglementairesEFAMA

Répondre au vieillissement de la population…

L’industrie des fonds a beau se porter comme un charme, elle n’aura pas le temps, au cours des prochaines années, de se reposer sur ses lauriers. Les nombreux défis auxquels le secteur sera confronté sont intimement liés à ceux que nos sociétés, dans leur ensemble, devront relever. À commencer par le vieillissement de la population. «Financer les retraites va devenir de plus en plus compliqué», explique Vincent Ingham. «Ce fait, conjugué à des rendements bas qui rendent difficile la constitution d’un complément de retraite au travers de l’épargne classique, devrait inciter un plus grand nombre de particuliers à se tourner vers les fonds d’investissement.»

Pourtant, beaucoup d’épargnants témoignent encore d’une certaine frilosité par rapport aux marchés financiers. «Le défi de notre industrie est de parvenir à encourager l’investissement des citoyens dans des fonds, pour leur permettre de se constituer un complément d’épargne. Pour cela, un travail important d’éducation et d’information doit être mené», ajoute le Directeur des affaires réglementaires de l’EFAMA.

… et au défi d’une relance économique durable

Au Luxembourg, comme partout dans le monde, l’industrie des fonds aura par ailleurs une position clé au sortir de la crise. Si les banques ont contribué à soutenir l’activité économique, notamment en accordant des prêts aux PME, il faut à présent s’attaquer au chantier de la relance économique post-crise, pour laquelle d’importants capitaux seront nécessaires. «Cette relance devra être durable», pense Vincent Ingham. «L’industrie des fonds a donc un rôle actif à jouer pour investir l’argent des épargnants dans des structures porteuses et qui respectent des critères sociaux, environnementaux et de bonne gouvernance. L’expertise des gestionnaires de fonds sera à cet égard essentielle: c’est eux qui, en dialoguant avec les entreprises, peuvent s’assurer du caractère durable des activités menées par ces sociétés.» La mise au point d’une réglementation européenne, qui permettrait d’offrir plus de transparence aux investisseurs, ne serait pas un luxe dans ce contexte, même si la pression réglementaire sur le secteur est déjà importante.

Le Luxembourg est donc bien positionné pour continuer à jouer un rôle majeur dans le secteur des fonds au cours des prochaines années.
Vincent Ingham

Vincent InghamDirecteur des affaires réglementairesEFAMA

Au regard des défis qui s’annoncent, la Place luxembourgeoise paraît particulièrement bien armée. «Hormis l’Irlande, le Luxembourg n’a quasiment pas de concurrent dans la distribution transfrontalière de fonds en Europe», relève Vincent Ingham. «Cette importance, inégalée en Europe, de la Place luxembourgeoise n’est pas due au hasard. Depuis des décennies, le pays construit un écosystème riche autour du secteur des fonds, il peut compter sur un régulateur efficace et sur une transposition rapide des réglementations européennes. En outre, l’ouverture par rapport à l’innovation y est très importante.» Pour ne rien gâcher, l’industrie luxembourgeoise des fonds n’a également pas tardé à opérer sa transition verte. «Le Luxembourg a déjà développé une grande expertise à ce sujet, notamment à travers sa bourse dédiée aux valeurs vertes. Selon moi, le pays est donc bien positionné pour continuer à jouer un rôle majeur dans le secteur des fonds au cours des prochaines années», conclut Vincent Ingham.