Le téléphone de Hinde Boulbayem n’arrête pas de sonner. La CEO de Sumy (à droite, en compagnie de la conseillère de la ministre Bérangère Beffort) a une start-up de logistique à impact environnemental positif. Le coronavirus est une opportunité. (Photo: Shutterstock)

Le téléphone de Hinde Boulbayem n’arrête pas de sonner. La CEO de Sumy (à droite, en compagnie de la conseillère de la ministre Bérangère Beffort) a une start-up de logistique à impact environnemental positif. Le coronavirus est une opportunité. (Photo: Shutterstock)

CEO de Sumy, start-up créée en Belgique et implantée également au Luxembourg, active dans le domaine de la logistique «verte», Hinde Boulbayem profite du coronavirus. Son entreprise à impact positif est l’un des cinq projets présentés, à l’heure de midi, jeudi, dans le cadre du «Lëtz go equal in digital» par le Mega et Wide.

«Je ne devrais pas être ici: mon téléphone n’arrête pas de sonner!», Hinde Boulbayem descend de la scène du «Lëtz go equal in digital», organisé par le ministère de l’Égalité entre les femmes et les hommes et Women in Digital Empowerment (Wide). «Une chaîne de supermarchés, par exemple, nous demande comment organiser des tournées de livraisons auprès des personnes potentiellement les plus vulnérables au coronavirus pour qu’elles n’aient pas besoin de s’exposer. Nous avons établi des protocoles très stricts. C’est un challenge!»

Sumy, pour Sustainable Urban Logistics and Mobility, n'est probablement pas la seule entreprise de logistique qui soit sollicitée par de nouveaux clients, coincés par les développements du coronavirus, mais la jeune femme est habituée aux challenges. «Ce sont des opportunités. C’est pareil quand j’entends que, je ne sais pas, 27% des moins de 25 ans sont au chômage! C’est une opportunité, pour moi, de leur mettre le pied à l’étrier. Nos process sont très simples et leur permettent d’être très vite efficaces.»

Avec ses 35 employés en Belgique et 3 au Luxembourg, Sumy a généré 5 millions d’euros de chiffre d’affaires l’an dernier, à force de parcourir deux millions de kilomètres avec sa flotte de véhicules d’un nouveau genre: les camionnettes sont propulsées avec du gaz naturel. Pas le gaz naturel extrait du sol, mais de la décomposition de déchets organiques. Ses chauffeurs roulent principalement la nuit. Et l’intelligence artificielle de la plate-forme est capable d’optimiser les tournées et les heures de livraison pour à la fois satisfaire le client en attente et ne pas se retrouver dans les bouchons.

56 investisseurs masculins ont dit «non»

«Nous émettons 95% de particules fines en moins par rapport à nos concurrents», dit-elle sous les yeux de la ministre du Mega, Taina Bofferding, venue assister à des ateliers, avec le Lycée de Lallange, dans la matinée. «Nous émettons aussi 39% de moins de CO₂ et nous avons réduit le bruit de 50%. Désolé de vous bombarder de chiffres», glisse-t-elle à une assistance composée de lycéens, d’étudiants et de professionnels, dans la Halle des poches, à Belval. 

Pendant une table ronde exclusivement féminine, à l’exception du CEO de la House of Startups, Philippe Linster, la jeune cheffe d’entreprise distille des conseils avec assurance. «Soyez disciplinés et patients. Si vous êtes une femme, travaillez deux fois plus et soyez l’ambassadeur de votre société! Et veillez à être entourés de gens qui pourront vous aider à financer vos projets quand vous voudrez croître.»

C’est précisément là que le bât blesse. En aparté, à la fin de l’événement organisé dans le cadre de la Journée internationale des femmes, elle confie avoir rencontré 56 équipes d’investisseurs pour lever un million d’euros et poursuivre sa croissance.

«Faites ce que vous voulez faire!»

«À 100% des hommes! Et bien que nous soyons profitables, que notre impact soit positif pour l’environnement et que j’injecte 100% des recettes dans l’amélioration de la situation, tous n’ont fait que vouloir faire assumer les risques par d’autres. Un coup, ce sont les camions qui posent problème parce que ‘99,4% des patrons de logistique sont des hommes et ne peuvent pas s’être trompés en choisissant le diesel’ – j’ai entendu ça. Un coup, les banques ou les financements publics n’ont qu’à assumer plus de risques. Un coup, ce sont les barrières à l’entrée qui sont trop faibles, et donc des concurrents pourraient s’installer rapidement et facilement sur le marché! Mais qu’ils s’installent! Si tout le monde avait un impact positif sur l’environnement, la situation s’améliorerait!»

Mme Boulbayem n’est pas fâchée, elle avance cartes sur table.

À ses côtés, jeudi, pour convaincre des jeunes femmes qu’elles ont toutes leur place dans le monde des start-up, et de jeunes hommes qu’ils auraient tout à y gagner aussi, les deux organisateurs ont invité Mattrvest, solution d’investissement durable défendue par la jeune déléguée de la Belgique aux Nations unies Diane Delava; Checkmath, lancée par l’ex-chercheuse du SnT d’origine indienne Himadri Pathak pour aider ceux qui ont des problèmes en math; Food4All d’Ilana Devillers, mais présentée par Astrid Leonet; et Weo, avec laquelle deux ingénieurs luxembourgeoises, Charlotte Wirion et Imeshi Weerasinghe, veulent offrir des outils pour les problèmes liés à l’eau.

La ministre est ravie. «Faites ce que vous voulez faire! Autant que vous ayez un job qui vous fasse plaisir. Autant être égoïste!», lâche-t-elle, en conclusion.