Vincent Bechet et Dominique Laurent, respectivement Managing Director au sein d’INOWAI et de PwC Luxembourg (Crédit: Maison Moderne)

Vincent Bechet et Dominique Laurent, respectivement Managing Director au sein d’INOWAI et de PwC Luxembourg (Crédit: Maison Moderne)

Vincent Bechet et Dominique Laurent, respectivement Managing Director au sein d’INOWAI et de PwC Luxembourg, nous livrent leur regard sur la mobilité, ses enjeux pour le pays et ses entreprises, mais aussi les solutions qui peuvent y être apportées.

Embouteillages sur les autoroutes, trains surchargés ou manquants à l’appel, absence de pistes cyclables à certains endroits de la ville, parkings saturés… il n’est pas toujours simple et rapide pour les travailleurs luxembourgeois de rejoindre leur lieu de travail. Accueillant quelque 200.000 travailleurs frontaliers, représentant un peu plus de 45% des salariés du pays, le Luxembourg est régulièrement soumis à des problèmes de mobilité en heures de pointe. Et la situation pourrait empirer dans les mois et les années à venir. Chaque semaine, le pays attire en effet 254 travailleurs supplémentaires, résidents et non résidents confondus.

Prendre le taureau par les cornes

Pour pallier ces problèmes, l’Etat luxembourgeois et la Ville de Luxembourg déploient d’importants efforts visant à améliorer les infrastructures à disposition des résidents, travailleurs et visiteurs du pays. « Des sommes importantes sont mises sur la table mais les projets prennent du temps, inévitablement », souligne Vincent Bechet, Managing Director d’INOWAI. Certaines entreprises ont donc fait le choix de proposer elles-mêmes des solutions de mobilité. Dès 2007, PwC, l’un des plus grands employeurs du pays, a par exemple mis en place des projets innovants afin d’améliorer la situation de ses 3.000 collaborateurs.

« Nous avons commencé par développer le car pooling et le car sharing, explique Dominique Laurent, Managing Director au sein de PwC Luxembourg. Ainsi, nous réservons 50 des places de parking de notre bâtiment aux personnes qui covoiturent à trois. Nous mettons également des voitures à disposition de nos collaborateurs qui doivent se rendre en clientèle durant la journée. Parallèlement, nous avons encouragé le recours aux transports en commun, à travers des mesures incitatives telles que la mise à disposition d’un abonnement gratuit et le non remboursement des frais de parking si le lieu est desservi par les transports en commun. » La mobilité douce est aussi favorisée avec la possibilité de bénéficier d’un vélo ou d’une trottinette électrique de leasing.

Des habitudes à changer

Mais renverser la vapeur reste difficile. « Pendant 70 ans, nos pays ont bâti des infrastructures essentiellement au service de la voiture. Toute une construction sociale de liberté s’est développée autour de ce mode de transport. Mais est-ce encore être libre que de se retrouver seul dans sa voiture, coincé dans les embouteillages ?, questionne Vincent Bechet. Aujourd’hui, ce sont ces 70 ans d’habitudes qui doivent évoluer. » Or, jamais autant de nouvelles voitures n’ont été immatriculées au Luxembourg. « C’est un changement de comportement qui doit s’opérer, remarque Dominique Laurent. De nouvelles habitudes doivent être prises et, surtout, il faut avoir la volonté de les prendre. Pour évoluer dans ce sens, demain, les places de parking pourraient par exemple ne plus être attribuées automatiquement en fonction du grade mais du comportement en matière de mobilité. » Une démarche qui tombe sous le sens quand on sait que le ratio actuel autorisé à Luxembourg est d’une place de parking pour 175 m2 de bureaux.

La jeune génération semble déjà engagée dans cette voie. Sur les 200 nouvelles recrues accueillies chez PwC en janvier cette année, seules 8 ont choisi de disposer d’une voiture de société quand 80 % d’entre elles faisaient ce choix auparavant. « Les jeunes préfèrent désormais allouer cet argent à un logement en ville ou au plus près des frontières, à proximité d’une gare, et ainsi bénéficier d’une meilleure qualité de vie », analyse Dominique Laurent.

L’immobilier à la rescousse

Des solutions immobilières peuvent aussi être envisagées. « Plutôt que de laisser le collaborateur venir à l’entreprise, c’est l’entreprise qui vient un peu plus à elle », explique Vincent Bechet. PwC a ainsi développé des bureaux satellites. Le but ? Permettre à ses collaborateurs de travailler, certains jours de la semaine, dans un espace situé à la frontière. « Nous avons aujourd’hui quatre bureaux de 25 à 60 places, à Oberpallen, Wemperhardt, Belval et Wecker, précise Dominique Laurent. A terme, l’objectif est de pouvoir y accueillir 300 personnes, soit 10% de nos effectifs. »

« Dans le sens inverse, on peut aussi imaginer mettre à disposition de ses employés des logements, près de leur lieu de travail, sur un modèle de co-living comme cela se fait par exemple beaucoup dans les pays anglo-saxons », souligne Vincent Bechet. C’est une piste qui a déjà été explorée par PwC, l’objectif étant de trouver un immeuble d’appartements sur l’axe du tram, par exemple, pour y créer des colocations à destination des nouveaux employés. « Nous n’avons toutefois pas, pour l’instant, trouvé de cadre légal pour permettre aux collaborateurs de se domicilier dans de tels logements », regrette Dominique Laurent.

Il n’existe vraisemblablement pas de solution miracle aux problèmes de mobilité, mais des pistes de réflexion essentielles sont à explorer. Car l’enjeu est de taille. « Ces problèmes de mobilité posent des défis environnementaux importants. Ils pourront aussi, à terme, affecter l’attractivité du pays aux yeux des entreprises et des travailleurs », met en garde Vincent Bechet. « Il s’agit aussi d’un enjeu essentiel pour le bien-être de nos collaborateurs, poursuit Dominique Laurent. Les soucis de mobilité engendrent du stress, affectent la qualité de vie, pèsent lourdement dans la work/life balance. C’est notre rôle que de leur proposer le plus de solutions possible pour leur permettre de travailler dans de bonnes conditions. Il en va de la rétention de nos talents. »

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