Jean-Yves Leborgne, discretionary portfolio manager, ING Luxembourg. (Photo: Patricia Pitsch/Maison Moderne Publishing)

Jean-Yves Leborgne, discretionary portfolio manager, ING Luxembourg. (Photo: Patricia Pitsch/Maison Moderne Publishing)

Très attendu, le plan de la Commission von der Leyen annoncé début juin a fait les grands titres dans la presse et a été salué par les marchés financiers. Le contexte économique actuel demande en effet des mesures de relance fortes. Alors que l’économie européenne s’est contractée de 3,8% au 1er trimestre 2020 par rapport au 4e trimestre 2019, la contraction du PIB sera encore bien plus importante au 2e trimestre, probablement de l’ordre de 10%.

Les mesures de confinement ont mis à l’arrêt des pans entiers de l’économie pendant plusieurs semaines, et les conséquences sont donc dramatiques puisque le PIB de la zone euro devrait se contracter de 8% cette année. Il faudra probablement attendre la fin 2023 pour retrouver le niveau d’activité économique qui prévalait avant cette crise sanitaire.

Dans les grandes lignes, le plan se compose de plusieurs éléments: des subsides et des prêts à destination des pays ou secteurs les plus touchés par la crise du coronavirus et qui devront être dépensés entre 2021 et 2024. Le plan sera financé par l’émission de nouvelles obligations avec différentes maturités, et qui seront remboursées entre 2027 et 2058.

D’un point de vue politique, ce plan est certainement ambitieux et conduira à une hausse significative du budget européen (qui était de 1.100 milliards avant la nouvelle proposition). L’idée des subsides pour les pays les plus touchés par la crise du coronavirus est un pas en avant et permet de reconnaître le caractère asymétrique de la crise actuelle. L’émission de dettes par la Commission européenne est une façon «détournée» de mettre en place un instrument de dette commune, ce qui était très attendu. C’est donc une belle avancée politique. Mais, soyons clairs, ce plan n’est pour l’instant qu’une proposition qui servira de base à la négociation entre tous les États membres. À ce stade, il est clair que certains pays, nommés les «Frugal Four» (Autriche, Pays-Bas, Suède, Danemark) sont plutôt contraires à ce plan de relance. Les négociations seront donc longues et compliquées, et il n’est pas du tout sûr que le plan proposé sera finalement ratifié.

Le plan n’aura pas un gigantesque impact sur la croissance dans les prochaines années.
Jean-Yves Leborgne

Jean-Yves Leborgnediscretionary portfolio managerING Luxembourg

D’un point de vue économique, le plan n’aura pas un gigantesque impact sur la croissance dans les prochaines années et ne conduira pas à une reprise beaucoup plus rapide. En effet, les 750 milliards annoncés représentent 5,2% du PIB, soit un coup de pouce de 1,3pp par an pour le PIB. En outre, les 750 milliards doivent être séparés entre les subsides et les prêts. Dans la proposition de la Commission, il apparaît que le fonds est constitué de 310 milliards d’euros de subsides pour la reprise, de 250 milliards pour des prêts et de 190 milliards de prêts et subsides qui viendront renforcer les programmes européens existants.

In fine, selon les estimations, l’expansion budgétaire devrait être de l’ordre de 0,56 à 0,59% du PIB par an pendant 4 ans. Ce n’est, certes, pas négligeable, mais cela ne constitue pas non plus un immense «boost» pour l’économie européenne. Les déficits publics des États membres étant attendus en forte hausse, à 7 ou 8% du PIB cette année, la proposition de la Commission reste donc modeste par rapport au stimulus budgétaire mis en place par chaque État. Enfin, l’obtention des subsides sera soumise à des conditions. Il n’est pas certain que ces conditions soient toutes remplies si bien que l’ensemble des montants annoncés ne seront peut-être pas tous dépensés.

En conclusion, le plan proposé ne changera pas véritablement la donne d’un point de vue économique: après la grave récession actuelle, la reprise sera lente et longue. Néanmoins, la proposition est un symbole politique important. Ce plan pourrait être le début de quelque chose de plus grand, un pas dans la direction d’une plus forte intégration européenne. Mais tout ceci reste néanmoins à prouver…