Quatre lycées spécialisés, dont le Lycée technique des professions éducatives et sociales, sont concernés par une prochaine ouverture des fonctions dirigeantes aux candidats venus du privé.  (Photo : Catherine Thiry)

Quatre lycées spécialisés, dont le Lycée technique des professions éducatives et sociales, sont concernés par une prochaine ouverture des fonctions dirigeantes aux candidats venus du privé.  (Photo : Catherine Thiry)

La Chambre des fonctionnaires et employés publics s’oppose avec virulence à deux projets de loi ouvrant des postes de direction de l’éducation nationale et de la fonction publique à des candidats du privé, y voyant un premier pas vers la tolérance envers un candidat ne maîtrisant pas les trois langues du pays.

Pour la Chambre des fonctionnaires et employés publics (CHFEP), la boîte de Pandore menace de s’ouvrir à chaque fois que le législateur retouche les règles en matière de recrutement au sein de la fonction publique.

D’où sa vive réaction à la réception pour avis de deux projets de loi visant à élargir le vivier de candidats à des fonctions de direction. Le premier concerne les dirigeants des lycées spécialisés – Lycée technique pour professions de santé (LTPS), Lycée technique pour professions éducatives et sociales (LTPES), Lycée technique agricole (LTA) et École d’hôtellerie et de tourisme du Luxembourg (EHTL).

Le second revoit les conditions d’accès aux fonctions de directeur et de directeur adjoint du Service de coordination de la recherche et de l’innovation pédagogiques et technologiques (Script), ainsi que de l’Institut de formation de l’éducation nationale (Ifen) et du Centre de gestion informatique de l’éducation (CGIE).

En introduction du projet de loi sur les directeurs de lycées spécialisés, le législateur précise qu’il vise à combler un manque de candidatures qui «réside dans les conditions d’admissibilité actuellement fort restrictives». Les candidats doivent en effet être des enseignants de la carrière supérieure et justifier une expérience professionnelle «d’au moins cinq ans d’enseignement à partir de leur nomination définitive».

Tous les directeurs et directeurs adjoints des administrations et services de l’État doivent être des fonctionnaires.

CHFEP

En outre, «les dirigeants des lycées spécialisés doivent disposer d’une excellente connaissance du domaine spécifique de la spécialisation du lycée, mais également savoir maintenir des liens étroits avec les acteurs du terrain», poursuit le législateur.

Un raisonnement qui explique que le recrutement soit désormais élargi au «personnel de la catégorie de traitement A», et au-delà: «Le présent projet de loi propose l’accès aux fonctions dirigeantes [dans les lycées spécialisés] à des professionnels du secteur privé pouvant se prévaloir d’une expérience professionnelle de cinq ans au moins dans le domaine ou l’un des domaines spécifique(s) de la spécialisation du lycée».


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Ce parti pris rencontre l’opposition virulente de la CHFEP, qui «rappelle d’abord que tous les directeurs et directeurs adjoints des administrations et services de l’État doivent être des fonctionnaires en application des dispositions (…) de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’État et (…) de la loi modifiée du 9 décembre 2005 déterminant les conditions et modalités de nomination de certains fonctionnaires occupant des fonctions dirigeantes dans les administrations et services de l’État».

Les fonctionnaires avancent ensuite que «les directeurs et directeurs adjoints du LTPS, du LTPES, du LTA et de l’EHTL sont censés connaître parfaitement l’organisation et le fonctionnement pratique du système scolaire luxembourgeois, alors surtout que les élèves entrent dans ces lycées spécialisés (à l’exception du LTA) uniquement pour la division moyenne et/ou supérieure en ayant accompli leurs études du cycle inférieur dans un lycée non spécialisé du pays».

La CHFEP s’oppose dès lors à la conséquence inévitable que les directeurs et directeurs adjoints n’auraient plus besoin de maîtriser les trois langues administratives du Luxembourg.

CHFEP

Mais ce qui déchaîne l’ire des fonctionnaires, c’est la brèche qu’ouvrent ces projets de loi dans le trilinguisme inhérent à la fonction publique, puisque contrôlé lors des examens-concours permettant d’y accéder. «La Chambre des fonctionnaires et employés publics s’oppose dès lors à la conséquence inévitable – même si elle n’est pas formulée explicitement dans le projet de loi – que les directeurs et directeurs adjoints n’auraient plus besoin de maîtriser les trois langues administratives du Luxembourg» s’ils sont recrutés dans le privé.

Or cette est, selon la CHFEP, «indispensable, non seulement pour la bonne communication avec et entre les partenaires scolaires, enseignants, parents et élèves, mais également pour l’exécution de toute la panoplie de missions d’une direction (courrier quotidien, communications, consignes du ministère de l’Éducation nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse, réunions au ministère et avec les directions des autres lycées, entretiens d’appréciation, dossiers d’admission de futurs élèves, etc.)». Sans oublier les jurys de l’Ifen évaluant les épreuves pratiques en classe des fonctionnaires et employés stagiaires enseignant dans les lycées.

C’est pourquoi «la Chambre des fonctionnaires et employés publics s’oppose avec véhémence à ces mesures qui ne se concilient pas avec le statut du fonctionnaire et qui risquent de créer un précédent néfaste, non seulement dans le domaine de l’éducation nationale, mais également pour la fonction publique en général», résume Romain Wolff, président de la CHFEP (et également de la CGFP).