Romain Gourmet: «Il est important, quand on fait de l’export, de connaître parfaitement le pays dans lequel on travaille.» (Photo: Matic Zorman/Maison Moderne)

Romain Gourmet: «Il est important, quand on fait de l’export, de connaître parfaitement le pays dans lequel on travaille.» (Photo: Matic Zorman/Maison Moderne)

SolarCleano, société créée en 2017, résulte d’un parte­­nariat entre Christophe Timmermans, directeur de la société Fallprotect, spécialisée dans les lignes de vie en toitures, et Pol Duthoit, un des plus gros nettoyeurs de panneaux solaires d’Europe. Ensemble, ils développent une solution robotique dédiée au nettoyage de panneaux solaires et visent le marché mondial.

C’est Pol Duthoit qui est venu à la rencontre de Christophe Timmermans et de ses équipes d’ingénieurs avec une demande précise: qu’on lui crée une solution robotique lui permettant de gagner en efficacité et en temps.

C’est de cette demande que naît ­SolarCleano. Dès la première année d’existence, un robot voit le jour: le ­SolarCleano F1. Le business est lancé.

Et si la société s’installe au Luxembourg – là où existe déjà Fallprotec – pour son activité de production, «dès le début le produit était destiné à l’exportation», explique Romain Gourmet, head of global sales de la société. De fait, 99% du chiffre d’affaires est réalisé hors du Grand-­Duché. Au début, SolarCleano vise l’Europe, et plus particulièrement les grands marchés de proximité comme la France et l’Allemagne – qui reste actuellement le plus gros marché avec 70 robots sur les plus de 300 qu’a à ce jour commercialisé la société. Un marché de proximité qui a permis à la société d’apprendre le métier d’exportateur et de roder ses méthodes. D’ailleurs, le tout dernier robot en développement est en cours de test au Luxembourg et en Belgique. Mais, au-delà de la Grande Région, ­SolarCleano ambitionne également d’être présente aux quatre coins du globe. Ce qui implique différents challenges.

Le défi de la prospection

Le premier est celui de la prospection. «Notre robot est un peu comme une voiture. À un moment, le client doit pouvoir le voir, le toucher. Nous avons dû développer une stratégie qui permette cela et trouver les bons arguments.»

Lorsque SolarCleano veut développer un nouveau marché à l’étranger, le service commercial démarche en amont des clients po­tentiels et essaie de remplir son carnet de rendez-­vous. Une fois cette étape franchie, une équipe commerciale se rend sur place avec un robot et assure le rendez-vous et la démonstration. Ce qui peut prendre plusieurs semaines. L’objectif est de mettre un premier robot sur le marché et de faire de ces premiers clients des ambassadeurs de la marque, à partir desquels la société va développer ce marché. Et il n’est pas rare que le robot reste sur place, ayant trouvé un acquéreur.

À côté de ces roadshows, les foires constituent un autre moyen d’entrer en contact avec des clients potentiels. Un moyen actuellement quelque peu en sommeil pour cause de Covid. Mais sur le terrain, les choses reprennent. SolarCleano va participer, début octobre, à une grande foire au Mexique, un nouveau point de chute à développer.

Si la crise du Covid a eu un impact sur les activités de prospection, ses principaux effets se sont fait sentir sur le secteur de la logistique et les prix. «Les prix d’expédition ont très fortement augmenté, a constaté Romain Gourmet. Vers l’Australie, par exemple, les tarifs du fret ont triplé. Des hausses que nous avons dû répercuter sur nos clients, ce qui n’est pas toujours facile. Et surtout, les délais de livraison se sont considérablement allongés.»

SolarCleano a même été victime du blocage du canal de Suez en mars dernier. «Un colis qui était attendu à Singapour a été bloqué pendant deux mois, cela a eu des conséquences pour notre client qui avait besoin du robot pour un projet, qu’il a fini par perdre. Du coup, il a des difficultés pour régler sa facture.»

Le défi du support

Le deuxième challenge est celui du support, challenge d’autant plus crucial que beaucoup de clients de la société sont installés hors d’Europe.

«Promouvoir une solution de qualité faite au Luxembourg, pays qui n’est pas toujours bien connu, est déjà difficile. Il faut convaincre les clients que l’on peut assurer les relations commerciales et le soutien technique à des milliers de kilomètres», explique Romain Gourmet. Pour ce faire, SolarCleano a développé une solution d’aide en ligne avec des tutoriels vidéo et propose des formations sur place chez le client. «C’est ainsi que l’on a réussi à prouver à nos clients que notre machine était de qualité et qu’ils pouvaient nous faire confiance pour le support.»

L’aide des autorités luxembourgeoises a été précieuse, reconnaît Romain Gourmet. «Nous sommes très proches de la Chambre de commerce et du gouvernement pour beaucoup de projets. Les ambassades apportent beaucoup d’aide aux sociétés innovantes comme la nôtre. Notre implantation sur le marché indien n’aurait pas été possible sans le soutien de l’ambassadeur de l’époque, qui nous a accueillis, pris sous son aile et ouvert de nombreuses portes.»

SolarCleano a d’ailleurs été sélectionnée pour être présentée dans le pavillon luxembourgeois lors de l’Exposition universelle de Dubaï. «C’est pour nous une reconnaissance et l’occasion de nous développer au Moyen-Orient, qui est un marché au potentiel énorme. Nous avons déjà à notre agenda un grand nombre de rendez-vous.»

De l’importance d’un réseau

À ce jour, la société s’est tissé un réseau de partenaires dans 45 pays. «Il est important, quand on fait de l’export, de connaître parfaitement le pays dans lequel on travaille. Avoir quelqu’un sur place est indispensable. Par exemple, en France, les gens ont encore du mal à travailler avec une société luxembourgeoise en direct. Aux États-Unis et en Italie, il faut avoir quelqu’un sur place qui va faire l’intermédiaire. En Corée du Sud, il faut un agent coréen, qui parle coréen et qui va prendre en compte le risque de la société.» Depuis 2018, ­SolarCleano a renforcé ses équipes dans le sens de la multi­culturalité. L’équipe commerciale pratique 11 langues et les ingénieurs viennent de partout dans le monde.

Quand on vise la planète entière, la multi­culturalité est un atout indispensable. «Ce que nous avons appris, c’est que la culture de chaque pays a un impact énorme au niveau du business. Au Moyen-Orient, il faut beaucoup négocier sur le prix et avoir conscience qu’il faudra des mois pour qu’une décision soit prise. À l’inverse, en France ou en Belgique, la qualité est plus importante que le prix et le client final prend sa décision en quelques secondes.»

L’exportation est également un aiguillon à l’innovation selon Romain Gourmet. «Notre produit est adapté à l’Europe. Mais pour d’autres pays, les besoins sont différents. Pour les pays où l’eau est rare et précieuse, nous avons développé une solution qui fonctionne à sec. Autre exemple, le Chili. Là-bas, les installations font des millions de kilomètres carrés. Nous avons donc développé une solution d’automatisation pour ce marché. C’est pour cela que nous disons souvent que l’innovation est notre ADN.»

Plus largement, SolarCleano est en train de concevoir des robots qui ne sont plus seulement limités au nettoyage, mais qui pourront aussi inspecter les panneaux grâce à des caméras thermiques. «Nous voulons proposer une solution globale à nos clients dans le monde entier.»

La croissance aidant, SolarCleano va quitter, courant octobre, les – petits – locaux qu’elle occupe à Bascharage, dans la zone industrielle d’Op Zaemer, pour la nouvelle zone industrielle de Grass. Mais la question d’une délocalisation de la production commence à se poser. La société pourrait bien être amenée à produire sur place dans différents pays où les formalités d’importation sont lourdes et les taxes élevées, comme au Brésil ou en Inde. «La question se posera lorsque nous ferons de la production à grande échelle. Actuellement, nous livrons entre 5 à 10 robots par semaine. Une quantité insuffisante par rapport à notre taux de croissance.»

Cet article a été rédigé pour  parue le 23 septembre 2021.

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