La facturation des dépôts des clients des banques privées un sujet tabou au Luxembourg. (Photo: Shutterstock)

La facturation des dépôts des clients des banques privées un sujet tabou au Luxembourg. (Photo: Shutterstock)

Annoncer aux clients privés que leurs dépôts seront désormais facturés est un exercice périlleux pour les banques privées. Mais la politique de taux de la BCE laisse peu de marge de manœuvre.

Le tabou de la facturation des dépôts des clients des banques privées vient tout juste d’être levé par certaines banques européennes pour faire face aux taux négatifs de la Banque centrale européenne (BCE). Depuis cinq ans, la BCE fait payer aux banques un «loyer» pour conserver leur argent, qui se traduit par des taux négatifs (-0,5% depuis septembre). Une taxe sur les dépôts, que les banques tentent donc aujourd’hui de répercuter sur les clients.

Au Luxembourg, les établissements concernés marchent encore sur des œufs. Sur six banques interrogées, une s’est refusée à tout commentaire sur le sujet (Pictet & Cie Europe), tandis que deux autres se limitent à mentionner que «le sujet est en cours d’analyse» (BGL BNP Paribas et Deutsche Bank).

Et les trois banques qui communiquent (KBL epb, Banque de Lux­embourg et Société Générale Lux­embourg) annoncent qu’elles ne facturent pas les dépôts de leurs clients actuellement. «Société Générale Luxembourg, tout comme le groupe, n’a pas, à ce jour, de politique de facturation systématique des dépôts pour ses clients. Mais si l’environnement de taux négatifs devait s’aggraver, la question se reposerait nécessairement. Nous préférons toujours inciter nos clients à placer leur argent, à investir», affirme , CEO de Société Générale Bank & Trust.

La position est la même pour KBL epb. Quant à la Banque de Luxembourg, elle annonce «ne pas tarifer les dépôts de nos clients particuliers, quel que soit le montant des dépôts placés.»

Première banque à avoir publiquement communiqué sur le sujet, UBS a décidé en août de répercuter le coût des taux négatifs sur ses clients suisses. Ainsi, à partir de novembre, tout dépôt supérieur à 500.000 euros sera facturé 0,6% par an (0,75% pour les dépôts dépassant deux millions d’euros). La banque a été suivie par Credit Suisse, qui applique un taux de 0,4% sur les dépôts supérieurs à un million d’euros.

Le cash ne devrait représenter qu’une petite partie des actifs du client. Le reste doit être investi.

Pierre Etienne, responsable du Private Banking Group de l’ABBL

En octobre, UniCredit annonçait également sur BFM Business que des mesures étaient en préparation pour 2020 concernant les dépôts de ses clients supérieurs à 100.000 euros dans tous les pays où la banque italienne est présente. Les banques privées suisses Julius Baer, Pictet & Cie et Lombard Odier ont, elles aussi, déjà mis en place une telle politique tarifaire.

«Le cash ne devrait représenter qu’une petite partie des actifs du client. Le reste doit être investi. Si les dépôts d’un client sont trop importants, il n’est alors pas exclu qu’il y ait un retransfert de coût vers celui-ci, en privilégiant le cas par cas. C’est un sujet auquel nous réfléchissons», a affirmé , responsable du Private Banking Group de l’ABBL, lors du bilan annuel de la banque privée le 10 septembre.

Les banques privées gèrent des dépôts conséquents: selon le dernier rapport de McKinsey sur le secteur, un tiers des actifs gérés par les banques privées européennes sont des dépôts, et la pénalisation des dépôts a constitué le principal facteur de baisse des marges entre 2014 et 2018.

Actuellement, les liquidités placées auprès de la BCE at­teignent 1.760 milliards d’euros, ce qui entraîne un total d’intérêts annuel pour les banques de 7 milliards d’euros.