La BCE a été dégagée de toute responsabilité envers les créanciers privés au titre que la restructuration de la dette grecque poursuivait un objectif d’intérêt général, à savoir éviter à la Grèce une banqueroute dévastatrice. (Photo: Shutterstock)

La BCE a été dégagée de toute responsabilité envers les créanciers privés au titre que la restructuration de la dette grecque poursuivait un objectif d’intérêt général, à savoir éviter à la Grèce une banqueroute dévastatrice. (Photo: Shutterstock)

Des investisseurs privés n’ont pas obtenu gain de cause, alors qu’ils contestaient une «atteinte démesurée et intolérable au droit de propriété» perpétrée par la BCE.

Trois particuliers allemands, ainsi qu’une banque locale, Raiffeisen, et une société de consultance également basées en Allemagne avaient saisi le Tribunal de l’UE en février 2017, réclamant réparation du préjudice qu’ils auraient subi du fait de la restructuration de la dette grecque. Préjudice qu’ils chiffrent de 54.950 euros à 2,35 millions d’euros, selon les investisseurs, pour un total de 3,78 millions d’euros.

Ces investisseurs privés détenaient tous des titres de créance de la dette grecque et reprochaient à la BCE de ne pas avoir averti le gouvernement grec du caractère illégal de la restructuration de la dette publique par l’échange forcé de titres de créance décidé en 2012.

Cette restructuration avait été annoncée fin 2011, un an après le déblocage d’un premier plan d’aide internationale de 110 milliards d’euros à la Grèce. Il s’agissait à l’origine de demander la contribution des créanciers privés à hauteur de 37 milliards d’euros à travers l’échange volontaire d’obligations avec une décote minimale de 50% sur la valeur notionnelle de la dette grecque détenue par les investisseurs privés. Finalement, l’échange se fit contre des titres d’une valeur nominale égale à 31,5% de celle de la dette échangée, voire 15% pour les titres émis par le Fonds européen de stabilité financière. Des modalités acceptées par une grande majorité de créanciers représentant 85,8% du montant initial des titres, soit 152 milliards d’euros.

Si l’adoption de la loi (...) a ainsi entraîné une atteinte au droit de propriété des requérants, force est de constater que ladite loi répond à des objectifs d’intérêt général.

Tribunal de l’UE

Toutefois, les détenteurs de 5,3% du montant nominal non encore réglé ont refusé cette offre d’échange qui leur a finalement été imposée. Le gouvernement grec avait en effet pris le soin d’inscrire dans la loi que les effets d’un accord éventuel avec un certain nombre de créanciers seraient étendus aux créanciers ne donnant pas leur consentement à cet accord. Une loi qu’il a soumise pour avis à la BCE.

Les investisseurs privés allemands se retournent donc contre la BCE, l’accusant d’avoir failli en n’attirant pas l’attention de la Grèce sur l’illégalité de cette mesure conduisant à déposséder des créanciers de leurs titres. , le Tribunal de l’UE estime que la responsabilité de la BCE ne peut être engagée dans ce cas précis, notamment parce qu’elle n’a pas à se prononcer sur les effets de l’échange de titres sur des contrats passés entre la Grèce et ses créanciers. Il souligne également que la loi en cause relève de «circonstances réellement exceptionnelles».

«Si l’adoption de la loi no 4050/2012 a ainsi entraîné une atteinte au droit de propriété des requérants, force est de constater que ladite loi répond à des objectifs d’intérêt général, parmi lesquels figure celui d’assurer la stabilité du système bancaire de la zone euro dans son ensemble», précise le Tribunal.

«En effet, à défaut de restructuration de la dette publique grecque, il y avait, d’une part, un risque non négligeable d’une détérioration supplémentaire de la situation économique à l’époque, voire une éventuelle insolvabilité de la République hellénique, dont les titres de créance potentiellement en défaut ne pourraient plus être acceptés par la BCE et par les banques centrales nationales comme sûretés dans le cadre d’opérations de crédit de l’Eurosystème, et, d’autre part, les risques qu’une telle évolution pourrait comporter pour la stabilité du système financier et pour le fonctionnement de l’Eurosystème dans son ensemble.» Une position déjà retenue par la Cour européenne des droits de l’Homme dans son arrêt Mamatas et autres contre Grèce du 21 juillet 2016.

Le Tribunal rappelle enfin que «l’investissement dans des titres de créance étatiques comporte toujours le risque d’un préjudice patrimonial dû au grand laps de temps qui s’écoule à compter de l’émission des titres et pendant lequel des imprévus risquent de limiter substantiellement, voire d’anéantir, les capacités financières de l’État émetteur ou garant de ces titres».