Ilario Attasi, head of group investment research chez Quintet Private Bank. (Photo: Quintet Private Bank)

Ilario Attasi, head of group investment research chez Quintet Private Bank. (Photo: Quintet Private Bank)

Lors de la troisième semaine d’avril, les prix du pétrole américain ont défrayé la chronique en passant, pour la première fois de l’Histoire, en territoire négatif. Ilario Attasi, head of group investment research chez Quintet Private Bank, juge qu’on ne peut pas parler de choc pétrolier, et que les prix de l’or noir repartiront probablement à la hausse dans les 12 à 18 mois.

Le lundi 20 avril 2020, l’impensable est devenu réalité. Ce jour-là, la valeur du baril de pétrole américain de West Texas Intermediate (WTI) est, pour la première fois, passée en territoire négatif, à -37,63 dollars, à la clôture de Wall Street. C’est du jamais vu! Concrètement, les investisseurs et les spéculateurs ont cherché à tout prix à s’en débarrasser. Quiconque désirait acheter cette matière première aurait été payé, au lieu d’avoir à mettre la main à la poche pour en avoir.

L’ampleur de cette dégringolade inédite est due en grande partie à des facteurs techniques. Sur le marché du pétrole, les prix sont négociés plusieurs semaines à l’avance en fonction d’échéances de livraisons fixes. Les contrats sur le brut qui devaient être livrés en mai sont arrivés à expiration lors de la troisième semaine d’avril. Les spéculateurs ont donc été obligés de prendre possession de l’or noir qu’ils avaient déjà acheté. En sachant qu’ils ne pouvaient pas le stocker, ils ont pris la décision de «rembourser» leur contrepartie en payant pour annuler l’achat.

Le mardi 21 avril, le président Donald Trump a ordonné à l’armée américaine «de tirer, de détruire» toutes les canonnières iraniennes dans le cas où elles harcèleraient les navires de la marine. De ce fait, le prix du pétrole a immédiatement réagi. Le WTI a repris environ 25%, et le Brent, près de 7%.

Le consommateur n’a pas gagné

Les États-Unis sont le premier producteur au monde, avec près de 15 millions de barils par jour. L’Arabie saoudite suit, avec 12 millions, et la Russie est troisième, avec 10,8 millions. Si le pays de l’Oncle Sam est beaucoup moins dépendant du pétrole que les autres, il n’empêche que l’administration Trump continuera à faire pression sur les autres pays producteurs pour faire grimper les prix. Le dernier tweet sur le sujet confirme que le président Trump doit stabiliser les dommages collatéraux causés par la pandémie de Covid-19. Les producteurs de pétrole et les emplois liés à ce secteur deviennent de plus en plus prioritaires pour lui.

Personne ne pouvait prévoir un tel phénomène, même si des signaux précurseurs d’un prix du baril faible existaient.

Ilario Attasihead of group investment researchQuintet Private Bank

Pour autant, peut-on parler de choc pétrolier? Dans le sens classique et historique du terme, non. En 1973, 1978, et plus récemment en 2008, un choc pétrolier correspondait à une hausse brutale du prix du pétrole, alors qu’ici, il s’agit d’une baisse extrêmement forte, et sans aucun précédent. Évidemment, personne ne pouvait prévoir un tel phénomène, même si des signaux précurseurs d’un prix du baril faible existaient.

Mais le consommateur aurait tort de croire qu’il est le grand gagnant de cette chute des prix. En effet, lorsque les confinements seront levés partout en Europe et dans le monde, la consommation de pétrole repartira à la hausse, entraînant ainsi une augmentation des prix et une rentrée plus importante des taxes liées à la consommation des carburants dans les caisses des États. Les économies sur ce poste de dépense ne sont malheureusement que provisoires.

Un marché surapprovisionné

Aux prix actuels du pétrole, il n’y aura pas de gagnant. Les pays qui ont lancé cette guerre des prix doivent équilibrer leur budget, tandis que ceux qui étaient censés en être les victimes ont besoin de prix du pétrole plus élevés pour sortir plus rapidement leur économie de la situation critique actuelle. Malgré les tentatives de l’Opep+ pour équilibrer le marché pétrolier, il est probable qu’il continuera à être surapprovisionné tout au long du deuxième trimestre, car l’accumulation récente des stocks nécessite un délai supplémentaire pour être écoulée.

Nous constatons que la plupart des grands producteurs de pétrole ont des incitations significatives à gérer leur production pour maximiser le prix, et non le volume, notamment le Royaume d’Arabie saoudite. Les prix du pétrole et les actifs pétroliers ne tomberont pas plus bas, et une reprise endéans les 12 à 18 mois à venir est très probable.