Vincent Lebrun,  Tax Partner, Alternatives Leader  au sein de PwC Luxembourg. (Photo: Simon Verjus/Maison Moderne Publishing SA)

Vincent Lebrun, Tax Partner, Alternatives Leader au sein de PwC Luxembourg. (Photo: Simon Verjus/Maison Moderne Publishing SA)

Sur le segment des fonds alternatifs, c’est l’Irlande qui sort gagnante du Brexit. Aujourd’hui, Dublin se présente comme une alternative de plus en plus attractive face à Luxembourg… qui doit dès lors veiller à se renforcer.

Dans le contexte du Brexit, la plupart des gestionnaires de fonds alternatifs établis à Londres ont été contraints de se repositionner sur d’autres Places afin de pouvoir continuer à accéder au marché unique. Luxembourg, Dublin ou encore Paris espéraient profiter du contexte pour se renforcer en accueillant ces acteurs.

L’Irlande dans le rétroviseur

Au terme du processus, le bilan que l’on peut tirer donne des indications intéressantes sur l’attractivité et la compétitivité de chaque Place vis-à-vis de ce segment de l’industrie des fonds en plein développement. «Alors que Luxembourg avait initialement de l’avance pour attirer ces acteurs, on constate par les chiffres que c’est Dublin qui a le mieux tiré son épingle du jeu, accueillant environ un tiers des acteurs londoniens du monde alternatif», commente Vincent Lebrun, Tax Partner, Alternatives Leader au sein de PwC Luxembourg. «La Place luxembourgeoise, malgré la réputation dont elle jouit, pointe en deuxième position et est suivie par Paris.»

Le Luxembourg, avec 815,4 milliards d’euros d’actifs alternatifs gérés au quatrième trimestre 2020, reste devant l’Irlande (796,1 milliards). «Cependant, la croissance des actifs domiciliés en Irlande est désormais plus rapide. Entre le quatrième trimestre 2018 et 2020, la croissance annuelle des actifs a été de 7,6% au Luxembourg, contre 14,2% pour l’Irlande», tempère Vincent Lebrun.

Attractivité des Places vis-à-vis de l’industrie des fonds en plein développement.  (Crédit: Maison Moderne)

Attractivité des Places vis-à-vis de l’industrie des fonds en plein développement.  (Crédit: Maison Moderne)

L’Irlande, bien inspirée par le Luxembourg, entre autres

L’Irlande apparaît actuellement comme la destination post-Brexit la plus attrayante, surtout pour des asset managers anglo-saxons, en raison de l’usage généralisé de l’anglais, des liens culturels préexistants, de la proximité géographique avec le Royaume-Uni, du lancement des véhicules de type partnership qui, maintenant, sont en concurrence directe avec le flagship luxembourgeois (la SCSp), et d’une fiscalité attractive pour les asset managers. Aucun de ces éléments n’apparaît en soi menaçant, mais les petits ruisseaux font les grandes rivières, et le Luxembourg devrait dès maintenant prendre garde à l’inondation. «Le taux d’imposition des sociétés, de 12,5%, y est nettement inférieur à celui appliqué à Luxembourg. En outre, Dublin a pris une position singulière dans l’approche de certaines nouvelles mesures, comme la mise en place d’ATAD 1, en matière de déductibilité des intérêts, et bénéficie des atouts importants pour le rapatriement des fonds vers les fonds d’investissement», poursuit Vincent Lebrun. Ces dernières années, l’Irlande s’est aussi beaucoup inspirée des éléments qui ont fait le succès du Luxembourg dans le monde des fonds alternatifs, en mettant par exemple en place un système de partnership qui vient compléter l’ensemble des autres atouts et combler l’espace qui la différenciait du Luxembourg.

Luxembourg reste leader, avec toujours de beaux atouts et une solide avance sur ses concurrents.

Vincent LebrunTax Partner, Alternatives LeaderPwC Luxembourg

Les avantages compétitifs dont seul le Luxembourg pouvait se prévaloir sont aujourd’hui partagés. La compétition entre les Places, Luxembourg, Dublin et Paris, est plus rude que par le passé. «Luxembourg reste leader, avec toujours de beaux atouts et une solide avance sur ses concurrents», commente l’expert. «Toutefois, ces éléments témoignant d’une certaine perte de compétitivité, surtout dans certaines catégories d’actifs, comme la dette et le crédit, qui sont très actifs en ce moment, doivent nous interpeller et nous inciter à nous réinventer, pour préserver nos atouts et la position de leader.» À propos de compétitivité, il est à noter que, suite au Brexit, la place financière de Londres a lancé une consultation officielle auprès des acteurs alternatifs de toute part, leur demandant les réformes à apporter afin de jouer un rôle plus prépondérant dans le secteur Alternatif.

Préserver la compétitivité

Luxembourg n’a pas le loisir de se reposer sur ses lauriers malgré ses avantages. «Nous disposons d’un large panel de véhicules, entre la SICAR, la SIF, le RAIF ou le limited partnership, pour répondre à chaque besoin. Il est toutefois important de s’assurer de la bonne compréhension de ces produits et de faciliter leur mise en œuvre», explique Vincent Lebrun. Aux yeux de l’expert, il est important que le régulateur demeure flexible, à l’écoute des acteurs et permette un time to market adapté aux besoins du marché. «Enfin, il faut aussi travailler sur le volet fiscal, pour garantir une réelle sécurité aux acteurs tout au long de la durée de vie d’un fonds, en égale mesure, par une clarté plus grande des mesures fiscales majeures, introduites pendant les 2 dernières années, de manière à aboutir à un cadre juridique lisible et stable, ainsi que par l’évolution du cadre législatif fiscal d’une manière compétitive avec les évolutions et les mesures des autres pays cités», poursuit Vincent Lebrun. 

Dans le choix du domicile de ses véhicules, un gestionnaire place un ensemble de critères dans la balance. «Il ne faut pas sous-estimer les avantages, même parfois indirects, d’autres États membres. Il est en outre très compliqué pour l’acteur d’opérer depuis plusieurs centres. Plus que jamais, nous sommes exposés à l’éventualité, si un gestionnaire commence à privilégier une autre Place, de le voir y déployer toute son activité», assure Vincent Lebrun. Un risque que le Luxembourg ne peut sans doute pas se permettre.

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