Fleurons soviétiques devenus sites stratégiques pour l’Ukraine, 80% des mines du Donbass seraient repassées sous le contrôle russe. Une guerre de l’énergie qui torpille la croissance d’un groupe coté dont le siège social est au Luxembourg. (Photo d’illustration dans une mine du Donbass: Shutterstock)

Fleurons soviétiques devenus sites stratégiques pour l’Ukraine, 80% des mines du Donbass seraient repassées sous le contrôle russe. Une guerre de l’énergie qui torpille la croissance d’un groupe coté dont le siège social est au Luxembourg. (Photo d’illustration dans une mine du Donbass: Shutterstock)

Il y a près de 10 ans que Coal Energy ne publie plus ses comptes au Luxembourg. Après avoir vu une partie de ses mines confisquées dans la guerre du Donbass, le géant ukrainien du charbon, listé à Varsovie, survit à l’invasion de l’Ukraine par les Russes. Son CEO, Victor Vyshnevetskyy, est accusé de tout.

Le 1er septembre, Coal Energy a une nouvelle fois déménagé. L’ex-géant ukrainien du charbon a «emménagé» au 44, rue de l’Industrie à Strassen, chez Offices.co, qui propose 15.000 bureaux dans 108 pays à partir d’un numéro de téléphone en Angleterre. Une nouvelle fois, six mois plus tôt, le domiciliataire avait dénoncé le contrat qui le liait à cette société cotée à la bourse de Varsovie depuis 2011 et arrivée un peu plus tôt au Luxembourg pour y établir son siège social.

L’action, à 20 zlotys en 2011, se traîne à 3 zlotys. La société n’est pas en règle avec ses obligations légales: on ne lui connaît pas d’auditeur officiel, elle n’a plus déposé ses comptes depuis 10 ans au Luxembourg et sa relation avec le Grand-Duché ne tient qu’à Diyar Yakubov. Au milieu de ses nombreuses activités pilotées depuis le 9, rue de la Grève, entre deux bâtiments de la Spuerkeess, le président de l’association Uzbekistan Luxembourg Business Association représentait la holding chypriote de Coal Energy, Lycaste Holdings, pour ce nouveau changement.

Dix ans de «suspension» 

Coal Energy n’a jamais répondu à nos mails, envoyés aux adresses qui figurent sur les rapports annuels ou les documents qui sont hébergés sur son site internet. Officiellement, comme sur le site de la Bourse de Luxembourg, ses dirigeants indiquent que la société se mettra en règle quand la guerre sera finie et seulement s’il est possible d’examiner sérieusement les documents et les assets qui restent. 

Son expansion, en partie financée par l’argent de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement, 70 millions de dollars pour lutter contre les nuisances du charbon, accordés juste après que la banque ne tourne définitivement le dos au charbon en 2008, et 70 millions lors de son entrée en bourse, a été interrompue par l’accaparement d’un bout de l’Ukraine, le Donbass, par les soldats de Poutine en 2014. Officiellement, le président russe n’a jamais mis un pied dans cette région de 55.000km2 qui concentre les sixièmes ressources mondiales en charbon, 44 milliards de tonnes en 2020.

Selon les experts de l’Institute for War and Peace Reporting, 95 des 148 mines ukrainiennes seulement sont sous le contrôle ukrainien.  (en russe, ndlr) de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, ce serait plutôt 46 sur 227. Les ukrainiennes ont été mises au service de l’approvisionnement de l’Ukraine, les ex-ukrainiennes seront remises en service, quand ce n’est pas déjà le cas, au bénéfice de la Russie.

Le CEO visé par plusieurs accusations

Au milieu de la guerre, une autre guerre se joue, de communication cette fois-ci. Des observateurs s’interrogent sur les raisons qui ont permis à Coal Energy de voir les Russes préserver l’intégrité des mines du groupe. D’autres accusent le CEO, Victor Vyshnevetskyy, de n’être plus un oligarque ukrainien mais un oligarque russe et d’avoir financé via sa fondation, la Fondation Favor, le déploiement de 40 nouvelles églises orthodoxes d’obédience russe pour mieux infuser une religion pro-russe. La troisième fortune ukrainienne aurait aussi financé la création d’une association des journalistes orthodoxes et une autre des avocats orthodoxes.

Depuis 2015, les services de sécurité ukrainiens le surveillent aussi pour «terrorisme», pour avoir financé des forces militaires pro-russes. Tout y passe, même une très longue étude qui montre que les fameuses églises ont été au cœur de la désinformation sur les vaccins contre le Covid, histoire de diminuer encore la population ukrainienne. Des «informations» qui sont aussi reprises dans , une étude soutenue par l’International Renaissance Foundation, financée indirectement par George Soros et le Congrès américain.

Deux mines sur dix en activité

Prise en étau entre Russes et Ukrainiens, Coal Energy continue d’essayer d’extraire du charbon et de le vendre. Des huit mines, toutes dans le Donbass, qui lui avaient permis de s’assoir sur 331 millions de tonnes de charbon de réserve pour une production annuelle autour des 2 millions de tonnes au moment de sa cotation, seules deux sont encore comptabilisées dans ses assets, St. Matrona Moskovskaya et Tekhinnovatsiya, elles continuent d’en extraire: 1.600 tonnes en avril, dernier résultat disponible.

L’invasion de l’Ukraine par les Russes est venue percuter un retour aux affaires marqué par l’extraction de 5,847 tonnes en février après une fin d’année plus stable. La holding chypriote a même lâché 19,8% de ses actions à cinq managers, pour que guerre ou pas, ils continuent de motiver «les troupes»… à aller au charbon.