Après la pause imposée par la pandémie, les grandes sociétés veulent récompenser les investisseurs (Photo: Shutterstock)

Après la pause imposée par la pandémie, les grandes sociétés veulent récompenser les investisseurs (Photo: Shutterstock)

Mieux que le dividende, le rachat d’actions est le moyen de récompenser l’actionnaire fidèle. La crise sanitaire derrière nous, le retour de la croissance, les taux d’intérêt toujours aussi bas et les réserves de cash accumulées par les entreprises entraînent une relance de ces programmes.

Les rachats d’actions sont avant tout une spécialité anglo-saxonne. Sur ce sujet, l’Europe est traditionnellement à la traîne. Mais la situation économique actuelle change quelque peu la donne. Les grandes entreprises européennes – en particulier L’Oréal, LVMH, AkzoNobel, ASML, Carrefour ou BP – ont multiplié les annonces de ce type de plans ces dernières semaines. Le Luxembourg n’est pas épargné par le phénomène: .

Outre-Atlantique, les rachats d’actions sont le moyen privilégié pour rémunérer les actionnaires. Leur montant est en moyenne 1,5 fois supérieur à celui reversé sous forme de dividendes.

Un outil pratique

Les avantages sont multiples: éviter les impôts sur les dividendes et augmenter le cours de bourse. En rachetant puis en détruisant ses actions – les entreprises n’ont d’ailleurs le droit de détenir qu’une petite fraction de leurs actions –, la valeur de celles restantes monte mécaniquement. La taille du gâteau n’augmente pas, mais il y a moins de convives… Il y a aussi un aspect communicationnel à prendre en compte: un plan de rachat d’actions permet de présenter des chiffres flatteurs au niveau du bilan et du cours de l’action. C’est également une manière plus souple de piloter sa trésorerie: le montant de ces plans n’est pas gravé dans le marbre, alors que l’on s’attend toujours à ce qu’un bénéfice progresse ou, à tout le moins, reste stable.

Le mode de management des entreprises anglo-saxonnes influe aussi sur la fréquence et l’enveloppe des programmes de rachats d’actions. Pour être compétitive, une entreprise doit tout à la fois avoir un certain niveau de dettes et ne pas avoir trop de cash. Une structure de bilan optimale exige donc de rendre aux actionnaires les liquidités excédentaires.

Les Européens plus frileux

De ce côté de l’Atlantique, l’approche est différente. Ces opérations renvoient la vision qu’une entreprise qui rachète ses propres actions pour les détruire n’a pas de projet alternatif, qu’elle ne sait pas comment investir… bref, qu’elle est au bout de son développement. Une vision à relativiser. Le vrai critère d’une bonne gestion, selon les analystes, est que la moitié des bénéfices soient réinvestis, et le reste distribué. Et en Europe, les actionnaires préfèrent recevoir du cash. Ces 20 dernières années, les dividendes ont représenté 70% des versements totaux aux actionnaires.

Conséquence: en 2020, les entreprises du S&P 500 ont racheté pour 537 milliards de dollars d’action alors que les entreprises du Stoxx Europe 600 en ont racheté pour près de 90 milliards. À titre de comparaison, Apple vient d’annoncer un plan de rachat de 90 milliards de dollars, et Alphabet, la maison mère de Google, un plan de 50 milliards. Exception notable parmi les Gafam: Amazon privilégie l’investissement aux versements aux actionnaires. Son programme de rachat d’actions est plafonné à 5 milliards de dollars et n’a toujours pas été mis en action.

Une situation qui est sur le point d’évoluer. Tombés aux alentours de 90 milliards d’euros en 2020, les rachats d’actions des sociétés européennes devraient atteindre 150 milliards cette année, puis pourraient passer la barre des 200, voire 300 milliards d’euros en 2023, selon les analystes.

Un témoignage de bonne santé

La raison? Les réserves de liquidités des entreprises sont au plus haut depuis 20 ans. Elles ont réduit leurs coûts, distribué peu de dividendes – souvent à la demande des autorités publiques – et ont bénéficié d’énormément de facilités. Résultat: le ratio de cash disponible par rapport aux actifs a grimpé entre 10% et 15% – le plus haut niveau depuis 20 ans.

Un rebond exceptionnel des bénéfices est également attendu cette année. UBS table sur une hausse de 50% des bénéfices pour les entreprises du Stoxx 600. La reprise se confirmant, les entreprises européennes disposeront donc de suffisamment d’argent pour investir, réaliser des acquisitions et revoir à la hausse les versements aux actionnaires.

Pour les analystes, ce regain d’intérêt dans les rachats d’actions témoigne d’une grande confiance en l’avenir. À l’aube d’un nouveau cycle économique, les entreprises veulent montrer qu’elles ont traversé la crise. 

Les montants cumulés des programmes de rachats d’actions devraient atteindre 730 milliards de dollars aux États-Unis, soit le niveau de 2019 (750 milliards). En 2020, le chiffre était tombé à 537 milliards.