Portrait of an Artist (Pool with Two Figures) 1972.  (Photo: Guy Bell/Alamy Stock)

Portrait of an Artist (Pool with Two Figures) 1972.  (Photo: Guy Bell/Alamy Stock)

D’abord acquise pour le plaisir des yeux, une œuvre d’art peut aussi s’avérer être un bon moyen de faire fructifier son patrimoine. Adriano Picinati di Torcello nous révèle les subtilités de cet investissement passion. 

Le 3 septembre 2021, le street artist Banksy avait créé la stupéfaction dans le monde entier avec son œuvre La Fille au ballon. En effet, alors qu’il venait d’être adjugé pour la somme de 1,4 million d’euros, en pleine salle des enchères, le graffiti s’était autodétruit partiellement grâce à un broyeur dissimulé dans le cadre. Cet happening artistique avait alors été considéré comme le plus spectaculaire du XXIe siècle. Il y a quelques semaines, l’œuvre réduite en charpie était de retour dans une vente aux enchères et s’est vendue 21,8 millions d’euros, soit 15 fois plus qu’il y a trois ans!

S’il s’agit évidemment d’une transaction extrêmement rare, cette juteuse opération pour sa propriétaire rappelle que l’art, au même titre que l’immobilier, peut constituer un achat intéressant dans une logique d’investissement. «Toutefois, acquérir une œuvre dans le seul but d’espérer en tirer un bénéfice n’est peut-être pas le meilleur calcul, prévient Adriano Picinati di Torcello, directeur chez Deloitte Luxembourg et coordinateur Global Deloitte Art & Finance.

La première motivation, dans l’acquisition d’œuvres d’art, doit être le côté émotionnel. On doit acheter une œuvre qui nous plaît, avec notre cœur. Ensuite, en effet, personne n’aime jeter son argent par les fenêtres et il est naturel de faire en sorte que cet achat émotionnel fasse l’objet de vérifications, pour être sûr d’acheter au prix le plus juste et d’avoir toute la documentation sur l’œuvre.»

Adriano Picinati di Torcello, Directeur chez Deloitte Luxembourg et coordinateur Global Deloitte Art & Finance: «Personne n’aime jeter son argent par les fenêtres, il est naturel de faire en sorte que cet achat émotionnel fasse l’objet de vérifications.» (Photo: Deloitte Luxembourg)

Adriano Picinati di Torcello, Directeur chez Deloitte Luxembourg et coordinateur Global Deloitte Art & Finance: «Personne n’aime jeter son argent par les fenêtres, il est naturel de faire en sorte que cet achat émotionnel fasse l’objet de vérifications.» (Photo: Deloitte Luxembourg)

Considéré souvent, et à juste titre, comme une valeur refuge, l’art en tant que produit d’investissement n’est pas forcément destiné à une poignée d’investisseurs fortunés. «Toutes les œuvres d’art ne se vendent pas à des dizaines, voire des centaines de millions d’euros. On peut parfaitement acquérir une œuvre pour 500 euros. Mais il est évident que si l’on achète une œuvre d’un artiste connu et coté, on a plus de chances de voir cette pièce conservée ou prendre de la valeur.

Par contre, un artiste émergent peut très bien avoir une belle évolution de carrière et, in fine, voir son œuvre représenter un bel investissement», explique Adriano Picinati di Torcello. On rappellera par exemple que Van Gogh, aujourd’hui considéré comme l’un des plus grands artistes de tous les temps, n’a vendu qu’une seule toile de son vivant, son art n’ayant été reconnu que des dizaines d’années après son décès. «Dans tous les cas, il est important de s’éduquer, de faire ses propres recherches, seul ou en se faisant conseiller par un tiers de confiance», rappelle le coordinateur Global Deloitte Art & Finance.

Des opportunités pour la Place

Qu’il s’agisse d’un achat purement passionnel ou de capital asset, l’investissement en art a aussi ses propres tendances. «Tout le monde a aujourd’hui entendu parler des œuvres digitales et des NFT (non-fungible token, ndlr). La tokénisation permet de voir émerger une nouvelle tendance, celle de l’achat fractionné. On va pouvoir tokéniser des œuvres d’art mais aussi d’autres biens de collection à travers des security tokens pour pouvoir en être copropriétaire», explique le coordinateur Global Deloitte Art & Finance.

Les considérations environnementales et sociales, toujours plus fortes dans notre société, ont également un impact sur l’art en tant que produit d’investissement. Selon le dernier rapport Art & Finance de Deloitte, 28% des collectionneurs et 31% des professionnels de l’art ont identifié l’investissement à impact durable dans les arts comme le modèle d’investissement le plus attractif. Chez les moins de 35 ans, ce chiffre atteint même les 50%.

«La culture est un secteur qui se prête bien à cet investissement à impact. Il est en effet aujourd’hui reconnu – et la crise du Covid nous l’a rappelé – que la culture a un rôle social et économique important. Cela provoque l’émergence de nouveaux services financiers liés à l’investissement et au financement culturels. Dans ce contexte, il existe des opportunités évidentes pour les gestionnaires de patrimoine qui s’engagent dans cette voie. Entre les concepts d’achat groupé par tokénisation et l’investissement à impact, on pourrait en effet imaginer de nouveaux mécanismes d’investissement dans l’art.

On pourrait envisager, par exemple, qu’une œuvre soit tokénisée et achetée à la fois par un musée et par des investisseurs privés qui ont un objectif d’investissement à impact. Elle serait ensuite mise en valeur dans le musée», explique Adriano Picinati di Torcello, qui verrait bien le Luxembourg se positionner comme un précurseur sur ce nouveau modèle, mêlant la philanthropie et l’investissement. «La Place a été particulièrement avant-gardiste dans de nombreux domaines, notamment en matière d’obligations vertes. Pourquoi ne pourrait-elle pas l’être aussi au niveau de l’investissement à impact dans le secteur de la culture et de l’industrie créative?», se questionne Adriano Picinati di Torcello. L’appel est lancé… 

Les trois œuvres d’artistes vivants les plus chères au monde

Everydays: the First 5000 Days de Beeple. (Photo: Alamy Stock Photo)

Everydays: the First 5000 Days de Beeple. (Photo: Alamy Stock Photo)

Everydays: the First 5000 Days de Beeple

Cet assemblage de dessins et d’animations numériques réalisés quotidiennement durant 13 ans par Mike Winkelmann a été commercialisé sous forme de NFT (non-fungible token) pour 69,3 millions de dollars en mars dernier.

Rabbit de Jeff Koons (Photo: Alamy Stock Photo)

Rabbit de Jeff Koons (Photo: Alamy Stock Photo)

Rabbit de Jeff Koons

Le lapin gonflable en acier du plasticien amé­ricain Jeff Koons a été adjugé en mai 2019 pour 91,075 millions de dollars par la maison Christie’s, à New York.

Portrait of an Artist de David Hockney

Cette toile grand format de style pop du peintre, graveur et photographe britannique s’est vendue 90,3 millions de dollars en novembre 2018, chez Christie’s, à New York.

Cet article a été rédigé pour le supplément , paru le 27 novembre avec .

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