Catherine Bourin, membre du comité de direction de l’Association des Banques et Banquiers Luxembourg (ABBL). (Photo: Maison Moderne) 

Catherine Bourin, membre du comité de direction de l’Association des Banques et Banquiers Luxembourg (ABBL). (Photo: Maison Moderne) 

Lutte contre le blanchiment, encadrement des comptes dormants, finance durable, lutte contre les pratiques d’optimisation fiscale… La pression réglementaire vis-à-vis des acteurs financiers ne faiblit pas, ne laissant aucun répit aux professionnels de la compliance. Voici ce qui les attend dans les prochains mois.

Les responsables de la conformité réglementaire au sein du secteur financier n’auront aucun moment pour souffler en 2020. Toujours occupés sur d’importants chantiers de mise en conformité, ils se préparent déjà à ce qui va arriver dans les mois à venir. «Nos membres continuent de renforcer leurs équipes pour mener à bien les projets de mise en conformité», confie Catherine Bourin, membre du comité de direction de l’Association des Banques et Banquiers Luxembourg (ABBL). «Beaucoup recrutent actuellement des compliance officers, des fiscalistes, des juristes ou des compétences IT pour adapter les systèmes d’information aux nouvelles exigences.»

Pour répondre aux nouvelles exigences, il faut réviser les procédures et les maintenir, transformer les systèmes d’information, mettre en place de nouveaux contrôles, vérifier les données ou encore transmettre les rapports exigés…
Catherine Bourin

Catherine Bourinmembre du comité de direction ABBL

Ces changements réglementaires sont le plus souvent dictés par l’Union européenne. Les nouvelles directives adoptées ou encore discutées poursuivent notamment des objectifs de transparence et de lutte contre la criminalité financière, mais pas seulement. «Les acteurs doivent s’adapter sans cesse. Pour répondre aux nouvelles exigences, il faut réviser les procédures et les maintenir, transformer les systèmes d’information, mettre en place de nouveaux contrôles, vérifier les données ou encore transmettre les rapports exigés…», poursuit Catherine Bourin.

Renforcer la lutte contre le blanchiment

Dans les mois à venir, c’est autour des mesures anti-blanchiment que les professionnels de la compliance vont être particulièrement mobilisés. «Il y a en permanence des nouveautés inhérentes à cette matière», précise la responsable de l’ABBL. «Plus particulièrement, c’est l’évolution de la directive AML, avec la mise en œuvre de sa cinquième version, qui va nous occuper dans les mois à venir.» Le renforcement de cette réglementation vise à mieux lutter contre la fraude au sens le plus large, qu’il s’agisse d’évasion fiscale ou de financement d’activités criminelles ou du terrorisme.

«La directive AML 4 avait déjà considérablement élargi le périmètre visé par les mesures anti-blanchiment. Elle introduisait le registre des bénéficiaires effectifs, obligeant les sociétés ou autres entités juridiques à identifier les personnes physiques qui les contrôlent en dernier lieu et qui bénéficient effectivement de l’activité économique», explique Julien Leroy, legal adviser au sein de l’ABBL. «Avec cette nouvelle version de la directive, on voit la définition du bénéficiaire effectif évoluer encore et les exigences relatives à l’identification des bénéficiaires effectifs être étendues aux détenteurs d’entités juridiques telles que les trusts ou les fiducies.» La directive AML 5 prévoit en outre la mise en place des registres nationaux centralisés des comptes bancaires et des comptes de paiement ou bien la création d’un système central et automatisé de recherche des données qui y sont relatives.

Légiférer autour des comptes dormants

«Un autre chantier attendu, mais dont on parle encore peu, concerne la nouvelle législation luxembourgeoise sur les comptes dormants, ces comptes qui n’ont pas connu de mouvement sur de longues périodes de temps. Cette réglementation émane directement du législateur luxembourgeois, qui souhaite harmoniser les pratiques à ce niveau», explique Catherine Bourin. «La loi est encore débattue mais devrait être adoptée tout prochainement et devrait entrer en application autour du 1er juillet 2020. Ce nouveau cadre légal exigera des acteurs de la banque de procéder à beaucoup d’adaptations au niveau opérationnel et de l’IT. Il faudra pouvoir apporter une information selon un timing précis au client, définir les informations à leur livrer, pour en fin de compte procéder à des remises de fonds à la Caisse de Consignation.»

Les conseillers en investissement, au-delà des questions à poser à leurs clients vis-à-vis des risques, devront aussi prendre en considération les souhaits de leur client eu égard au caractère durable des produits dans lesquels on leur propose d’investir.
Catherine Bourin

Catherine Bourinmembre du comité de directionABBL

Finance durable et lutte contre l’optimisation fiscale

Dans la volonté de développer une finance plus durable, d’autres chantiers réglementaires sont aussi attendus, autour de la taxonomie, des benchmarks et disclosure dans le domaine de l’asset management, ou encore de la révision de MIFID, avec de nouvelles exigences au niveau de l’information à apporter aux investisseurs. «Les conseillers en investissement, au-delà des questions à poser à leurs clients vis-à-vis des risques, devront aussi prendre en considération les souhaits de leur client eu égard au caractère durable des produits dans lesquels on leur propose d’investir», poursuit Catherine Bourin.

La nouvelle Directive sur la Coopération Administrative (DAC 6), par ailleurs, introduit un mécanisme de déclaration des dispositifs transfrontaliers de planification fiscale qui auraient un caractère agressif. «Dans une lutte contre les schémas d’optimisation fiscale, ce nouveau reporting doit permettre aux autorités fiscales de mieux comprendre les mécanismes à l’œuvre», ajoute Julien Leroy. «Cette directive participe donc au renforcement de la transparence.»

Recours collectif et lanceurs d’alerte

D’autres évolutions réglementaires, qui ne relèvent pas spécialement du secteur financier, vont exiger des adaptations au sein des entreprises, et notamment un chantier en cours de discussions autour du recours collectif ou un autre concernant les lanceurs d’alerte. «Sur le recours collectif, le gouvernement luxembourgeois planche sur un projet alors qu’un autre texte est en discussion au niveau européen. Il faudra voir le champ d’application de l’un et de l’autre», assure Catherine Bourin. Par rapport au statut de lanceur d’alerte et sur la possibilité offerte à des collaborateurs de dénoncer des pratiques observées et qui revêtent un caractère douteux ou illégal, le secteur financier avait déjà adopté des mesures et serait donc déjà bien préparé.

Au regard de toutes ces réglementations, on ne pourra pas reprocher aux autorités de ne pas légiférer, bien au contraire. Les professionnels de la compliance, eux, n’auront guère de répit dans les mois à venir.