C’est toute une communauté riche en identités, en préférences, en attirances qui se rassemble aujourd’hui derrière l’acronyme LGBTQIA+. (Photos: Matic Zorman/Maison Moderne et Martine Pinnel)

C’est toute une communauté riche en identités, en préférences, en attirances qui se rassemble aujourd’hui derrière l’acronyme LGBTQIA+. (Photos: Matic Zorman/Maison Moderne et Martine Pinnel)

C’est toute une communauté riche en identités, en préférences, en attirances qui se rassemble aujourd’hui derrière l’acronyme LGBTQIA+. Avec les représentants de l’association Rosa Lëtzebuerg, nous avons souhaité prendre la mesure de toute cette diversité, lettre par lettre.

Lesbiennes

Si l’acronyme LGBTQIA+ débute par la lettre L, ce n’est pas pour rien. «Chacune des lettres est ajoutée selon son ordre d’adoption, explique Tom Hecker, président de l’association Rosa Lëtzebuerg. L’acronyme, dès lors, traduit une certaine évolution de la communauté. Elle vit, s’agrandit avec le temps, chaque catégorie gagnant à la fois en visibilité, en reconnaissance ainsi qu’en nuance.» C’est donc avec la lettre L que s’est ouvert le cycle. Elle symbolise les lesbiennes, concept qui traduit «une attirance sentimentale ou sexuelle entre personnes s’identifiant comme femmes». La définition, simple, précise, exige toutefois de la nuance. Peuvent se ­réclamer lesbiennes des personnes qui ne sont pas nées «femmes», mais qui s’identifient comme telles. On doit l’origine du mot «lesbienne» à une poétesse de l’Antiquité répondant au nom de Sappho. Celle-ci est née sur une île grecque de la mer Égée, proche de la Turquie, baptisée Lesbos. «Cette femme littéraire, que l’on qualifierait aujourd’hui de bisexuelle, a notamment produit de nombreux poèmes érotiques destinés aux femmes qui vivaient sur cette île», explique Tom Hecker. L’histoire aura gardé le nom de l’île pour aujourd’hui identifier une communauté de femmes et de personnes s’identifiant comme telles partageant une même attirance affective ou sexuelle.

Au Luxembourg, la communauté est aussi incarnée par le mouvement Pink Ladies, qui ne représente pas uniquement les lesbiennes, mais qui a pour ambition de fédérer les «femmes cis et transgenres qui aiment les femmes et les femmes s’identifiant comme lesbiennes, bisexuelles, asexuelles, queer ou en questionnement». Il s’agit d’un groupe transfrontalier et multiculturel, qui accueille des femmes de tous âges. L’un des combats importants portés par les femmes réside dans la reconnaissance des familles de couples homosexuels de la même façon que pour les couples hétérosexuels. À l’heure actuelle, en effet, une femme mariée avec une femme qui a un enfant doit passer par une procédure d’adoption afin que la seconde mère soit reconnue comme parent légal.

Gays

Un gay est donc un homme (ou une personne s’identifiant comme homme) qui a une attirance amoureuse ou sexuelle pour un autre homme (ou une autre personne s’identifiant comme masculine). C’est là la définition précise du concept symbolisé par la lettre G. Pendant longtemps, c’est le terme qui a été utilisé pour identifier toute la communauté homosexuelle. «Le premier site internet de notre association était en effet gay.lu, se remémore Tom Hecker. Et il s’adressait à l’ensemble de la communauté.» C’est dans les années 1970, aux États-Unis, que l’utilisation du terme, pour désigner les personnes homosexuelles, se popularise. À l’époque, on voit se tenir les premières Gay Pride, invitant à l’acceptation de toutes les orientations affectives et sexuelles au sein de la société. «Nos premières manifestations, au Luxembourg, étaient le Gaymat, une appellation qui jouait avec la langue luxembourgeoise. Géi mat, en luxembourgeois, se traduit en effet par ‘viens avec nous’, explique Laurent Boquet, trésorier de Rosa ­Lëtzebuerg. En somme, une belle invitation, pour tous, pour une société plus inclusive. «Cela ne fait que trois ou quatre ans que nous avons rebaptisé l’événement Luxembourg Pride», explique-t-il. L’apparition du mot « gay », en lien avec la culture homosexuelle, semble-t-il, est antérieure aux premières Gay Pride. Les fairies, dans les années 1920 aux États-Unis, y recouraient pour désigner les lieux où ces «personnes efféminées» pouvaient se retrouver. Pendant ­longtemps, d’ailleurs, on a eu recours aux appellations «bar gay» ou «boîte gay». On peut encore préciser que le mot «gay» est une anglicisation de «gai», d’origine française, et qui sert à décrire une personne joyeuse, insouciante, heureuse.

On parle de bisexualité pour désigner une personne qui est attirée, affectueusement ou sexuellement, par une personne du même sexe ou d’un autre sexe.
Laurent Boquet

Laurent Boquet Trésorier  Association Rosa Lëtzebuerg

Bisexuel (le) s

«On parle de bisexualité pour désigner une personne qui est attirée, affectueusement ou sexuellement, par une personne du même sexe ou d’un autre sexe», explique Laurent Boquet. La nuance «d’un autre sexe» plutôt que «du sexe opposé» n’a rien d’anodin. «Parce qu’il y a bien plus de sexes que de genres», poursuit le trésorier.

D’ailleurs, le terme «bi», faisant référence à une dualité, n’exprime pas parfaitement ce type de sexualité. «Pendant longtemps, en effet, la définition de la sexualité se limitait aux deux sexes considérés sous l’angle de la biologie. La manière de considérer l’identité sex­uel­le, au fil du temps, évolue, avec l’intégration de plus de nuances», poursuit Tom Hecker.

L’affirmation de la bisexualité a été de nature à remettre en question les approches binaires sur lesquelles ont tendance à se fonder nos sociétés, et par extension certaines éducations. Avec elle, on n’est plus forcément soit hétérosexuel (le), soit homosexuel (le). On ne doit plus désirer exclusivement un homme ou une femme. De ce fait, l’approche binaire en devient nulle.

Cette fluidité de l’orientation sexuelle, portée par la bisexualité, pousse de cette manière la réflexion jusqu’à la fluidité du genre. La bisex­ualité interroge, dès lors, à la fois l’homo­sex­ualité et l’hétérosexualité, démontrant que les frontières ne sont pas toujours marquées.

Au concept de bisexualité, il fau­drait désormais préférer celui de pansexualité, qui permet de caracté­riser les individus qui peuvent être attirés, sentimentalement ou sexuellement, par un individu de n’importe quel sexe ou genre.

En effet, les pansexuel(le)s sont, la plupart du temps, regroupés avec les bisexuel(le)s sous la lettre B et continuent à ce jour d’être représenté(e)s par des associations initialement dédiées à la condition bisexuelle.

Transgenres

Ne dites pas «transgenre» ou «transsexuel (le)», mais «trans». Chercher à définir chacune des lettres de l’acronyme LGBTQIA+, comme c’est le cas ici, implique de considérer diverses notions. Certains concepts, en effet, vont se fonder sur la sexualité, d’autres sur le genre ou encore sur l’identité. Le concept de transgenre, par exemple, s’axe essen­tiellement sur les aspects biologiques qui nous caractérisent et, à ce titre, est très limitatif. «Nous partons du principe que chaque personne peut se définir par elle-même comme elle le souhaite, explique Tom Hecker. C’est ce qui explique la multiplication des éléments de l’acronyme avec le temps, un nombre croissant de personnes pouvant se reconnaître sous l’une ou l’autre étiquette. Même si l’on pouvait se contenter de parler d’amour entre individus, tout simplement, l’être humain adore s’identifier à une com­- munauté, se définir suivant des catégories…»

Si l’on en revient au T de «trans», Laurent Boquet évoque «une personne dont le sexe attribué à la naissance diffère de son autoperception sexuée ou genrée». La définition ne se limite pas aux personnes qui ont «changé de sexe», mais plus largement aux individus se percevant comme appartenant à un autre sexe que celui correspondant à ses organes génitaux. «D’ailleurs, depuis la loi de 2018, il n’est plus besoin de justifier d’une intervention médicale pour changer de sexe ou de prénom à l’état civil», ajoute Laurent Boquet. Le changement de sexe et de prénom peut s’effectuer directement à l’état civil par demande écrite et sur présentation de certaines pièces (casier judiciaire, acte de naissance, etc.). Désormais, plusieurs critères (non cumulatifs) sont définis, qui devraient permettre à la personne concernée de «prouver» que le sexe mentionné à l’état civil ne correspond pas à celui avec lequel elle s’identifie: le fait qu’elle se présente publiquement comme appartenant au sexe revendiqué; le fait qu’elle soit connue de son entourage familial, amical, professionnel ou associatif sous le sexe revendiqué; et le fait qu’elle ait obtenu le changement de son prénom afin qu’il corresponde au sexe revendiqué.

Queers

Autour de la lettre Q, les avis sont divergents. Elle correspond à queer. «Si vous demandez à une personne en Belgique ce que recouvre le concept, sa réponse sera certainement différente de la nôtre, explique Laurent Boquet. Pour nous, ce terme rassemble toute la communauté gay. Une personne masculine homosexuelle, ne voulant pas être identifiée comme telle, aura volontiers recours à l’appellation queer.» Au Luxembourg, queer est donc un mot-valise. En Belgique, cela correspond plus «aux personnes trans ou fluides en genre, autrement dit des individus ne se revendiquant ni féminins ni masculins, ou pouvant se définir comme l’un ou l’autre, s’autorisant de changer dans le temps», explique Tom Hecker. Pour Chaild (prononcez «child»), artiste électro-pop luxembourgeois en pleine ascension, qui s’affirme comme étant queer, le terme rassemble «tout ce qui se distingue des standards hétéronormés».

Ces enjeux devraient pouvoir être abordés plus tôt dans le parcours scolaire, bien avant la puberté. 
Chaild

ChaildArtiste

«Au départ, le terme était utilisé comme une insulte, pour qualifier une forme de déviance. Petit à petit, la communauté se l’est réapproprié pour s’affirmer», explique-t-il. Âgé de 23 ans, l’artiste a grandi au Luxembourg, où la communauté queer n’est pas très importante ni très visible. «Pour celui/celle qui se sent différent(e), il n’y a pas grand-chose à quoi s’accrocher. Être queer au Luxembourg, c’est comme partout. Sur les principes affirmés, dans la législation, c’est accepté, ça passe. Dans la vraie vie, au cœur de la société, ça coince parfois», explique-t-il, décriant une certaine hypocrisie des marques et organisations à faire des concepts LGBTQIA+ des outils marketing. «Ces enjeux devraient pouvoir être abordés plus tôt dans le parcours scolaire, bien avant la puberté, dans une logique de représen­tation de la diversité sociétale, et pas uniquement à l’approche de la Pride.» En tant qu’artiste, ayant l’attention d’une audience grandissante, se sent-il le devoir de représenter la communauté? «Non, répond-il. Je m’affirme comme homme, homosexuel. Je ne suis qu’une nuance parmi une grande diversité de couleurs. Mais, si à travers ce que je suis, certain(e)s jeunes se sentant différent(e)s peuvent se raccrocher à moi, se sentir moins seul(e)s, alors cela fait partie de ma responsabilité d’artiste.»

 L’un des plus grands ambassadeurs de la communauté LGBTQIA+ au Luxembourg est certainement son Premier ministre, Xavier Bettel, qui, dès 2008, a révélé son homosexualité au grand jour. Il assume ses préférences sexuelles et affectives, emmenant son mari, Gauthier, dans les grands sommets européens. Avec l’exemple qui a fait le tour du monde de cette photo avec les premières dames lors d’un sommet de l’Otan en 2017 (ci-dessus). En juin 2021, le Premier ministre déclarait, réagissant à la loi hongroise sur le genre, face à Viktor Orbán, devant le Conseil européen: «L’homosexualité, ce n’est pas un choix: tu nais comme cela». (Photo: Nato/Montage: Maison Moderne)

 L’un des plus grands ambassadeurs de la communauté LGBTQIA+ au Luxembourg est certainement son Premier ministre, Xavier Bettel, qui, dès 2008, a révélé son homosexualité au grand jour. Il assume ses préférences sexuelles et affectives, emmenant son mari, Gauthier, dans les grands sommets européens. Avec l’exemple qui a fait le tour du monde de cette photo avec les premières dames lors d’un sommet de l’Otan en 2017 (ci-dessus). En juin 2021, le Premier ministre déclarait, réagissant à la loi hongroise sur le genre, face à Viktor Orbán, devant le Conseil européen: «L’homosexualité, ce n’est pas un choix: tu nais comme cela». (Photo: Nato/Montage: Maison Moderne)

Intersexes

Selon le site intersexe.lu, mis en place par le ministère de la Famille et de l’Intégration, les personnes intersexes «sont nées avec des caractéristiques biologiques qui ne correspondent pas à la norme sociale ou médicale des corps dits ‘masculins’ ou ‘féminins’». Ce concept, contrairement aux autres évoqués dans cet article, est le seul qui s’attache à des aspects purement biologiques ou anatomiques, et non à une préférence sexuelle ou affective ou à une affirmation de son identité. «Il s’agit de variations naturelles du corps. Ces variations peuvent concerner les caractéristiques chromosomiques, hormonales, anatomiques ou des organes reproducteurs», lit-on encore sur le site, qui introduit une campagne autour de ces enjeux. «L’intersexuation peut apparaître avant la naissance, à la naissance, à la puberté ou à l’âge adulte. Certaines per­son­nes ne se rendent pas compte de leur intersexuation au cours de leur vie.» L’un des enjeux, pour ces personnes dont le corps est souvent considéré comme différent de la norme, est de prévenir les discriminations à leur égard, et ainsi veiller à leur intégration au sein de la société. Plus particulièrement, les ONG intersexes demandent une interdiction pénale de toutes les formes de mutilations génitales intersexes, y compris celles pratiquées à l’étranger.

Au Luxembourg, les personnes intersexes sont notamment représentées par Intersex & Transgender Luxembourg asbl, qui rappelait encore récemment la nécessité d’une loi permettant de protéger l’intégrité physique des enfants. «Une loi ne pourra jamais être remplacée par un plan d’action national, des formations ou des lignes directrices médicales, dont l’application est facultative et ne pose pas le cadre nécessaire à un consentement éclairé des familles et personnes concernées», expliquait l’asbl dans un communiqué diffusé l’an dernier.

Depuis 2015, les politiques en faveur des personnes intersexes sont coordonnées par le ministère de la Famille, de l’Intégration et à la Grande Région. Ces mises en place s’inscrivent dans la tradition des poli­tiques en matière de non-discrimination et de diversité.

Asexuel(le)s

Les personnes se déclarant asexuelles sont celles qui ne ressentent pas d’attirance particulière à l’égard d’une autre personne, quel que soit son sexe ou sa sexualité. «Ce qui ne veut pas dire que ces personnes pratiquent l’abstinence sexuelle, précise Laurent Boquet. Un(e) asexuel (le) peut avoir des relations sexuelles. Simplement, chez ces personnes, il n’y a pas d’attirance particulière, pas de manifestation particulière d’une envie d’avoir de telles relations.» L’indifférence des personnes à l’égard de la sexualité est souvent avérée et peut s’expliquer de différentes manières, tout comme elle peut, de manière tout aussi légitime, constituer une revendication identitaire. Comme les autres catégories évoquées dans cette rubrique, on trouvera des profils de personnes très différents qui, en raison de leurs choix, de leurs préférences, de leurs antécédents, s’identifieront comme asexuel(le)s. «Ce n’est pas parce que l’on se réclame asexuel (le), par ailleurs, qu’il n’y a pas de relations affectives, poursuit Tom Hecker. Derrière ce A de LGBTQIA+, on peut aussi retrouver les aromantiques qui, eux, ne nourrissent effectivement pas de sentiments affectifs à l’égard d’une autre personne.»

Ce n’est pas parce que l’on se réclame asexuel (le), par ailleurs, qu’il n’y a pas de relations affectives. 
Tom Hecker

Tom Hecker Président Association Rosa Lëtzebuerg

Cet article a été rédigé pour le de l’édition magazine de  parue le 25 mai 2022. Le contenu du magazine est produit en exclusivité pour le magazine. Il est publié sur le site pour contribuer aux archives complètes de Paperjam. 

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